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Le taux de chômage ciblé à l’horizon 2025 difficilement réalisable

Le Centre marocain de conjoncture rappelle que le marché du travail local n’a pu offrir que 540.000 emplois nets sur 1.200.000

Jeudi 5 Mai 2016

«Sous les cieux marocains, le marché du travail reste toujours énigmatique», ce constat a été hissé sur un haut pavois récemment dans la dernière  du Centre marocain de conjoncture (CMC). En effet, portant sur le marché du travail et le climat social, ce spécial se polarise instamment sur le fonctionnement du marché du travail dans le Royaume, sans oublier, cependant, de se focaliser sur la situation de l’emploi dans le monde.
Ainsi, les experts du CMC font état, de prime abord, des principaux facteurs qui déterminent le fonctionnement du marché du travail.  L’un de ces facteurs, dévoilent-ils, est une demande d’emploi qui est fortement tirée par la démographie urbaine précisant que sur la période 2004-2014, la population en âge d’activité au Maroc est passée de 20,94 à 24,6 millions de personnes, soit un taux d’accroissement annuel moyen de 1,6%. Et de souligner que l’urbain s’accapare 61% de la population en âge d’activité, contre 58% en 2004, expliquant, dans ce sens, que cette hausse très accélérée de la demande est due principalement à l’exode rural.
«La demande théorique d’emploi est de 367.000 personnes par an. Sur ce total, la demande réelle qui se dégage des statistiques de la période (2004-2014) n’est que de 80.000 personnes, soit une part de 22% seulement», fait ressortir la même source mettant en exergue une perte économique inestimable ainsi qu’une lourde charge économique pour les actifs occupés.
Et d’indiquer, dans ce sillage, qu’au niveau urbain, la demande réelle est de 75.300 personnes, soit près de 94% de la demande globale d’emploi jetant un pavé dans la mare autour de ce chiffre et du rôle économique du milieu rural à travers son poids démographique de 40%, avec une demande effective d’emploi annuelle de 4700 personnes seulement.
Dans la foulée, un autre facteur est mis en relief par le CMC et qui concerne la qualité de la demande en main-d’œuvre qui se détermine en général par le niveau scolaire faisant savoir que la structure des actifs qui arrivent au marché du travail pour la première fois est dominée essentiellement par un niveau d’instruction moyen.
En décodé, pour le Centre marocain de conjoncture, les perspectives de la demande d’emploi ne sont pas si reluisantes faisant observer, à la lumière des résultats du RGPH de 2014, que tandis que le nombre additionnel de ménages en milieu urbain sera de 195.000 chaque année pour la période allant de 2015 à 2024, le total d’actifs demandeurs d’emplois sera de 115.000 annuellement. Et de conclure que ces chiffres posent un vrai défi non seulement pour le marché du travail qui doit répondre à ces demandes d’emplois futures toujours en augmentation, mais aussi dynamiser une économie qui n’arrive plus à accompagner cette dynamique démographique.
En revanche, la publication tient à préciser qu’en matière d’offre d’emploi, elle dépend de plusieurs facteurs, dont principalement la taille et le rythme d’évolution du tissu productif d’une part, et de la technologie d’autre part.
Et de souligner, à ce titre, une fragilité des emplois offerts ainsi qu’un déséquilibre structurel du marché du travail.
En clair, le CMC fait remarquer, preuve à l’appui, que le secteur privé reste le principal pourvoyeur d’emplois puisque sa part dans l’offre globale au cours de la période susmentionnée a été de 77% contre 23% pour l’ensemble du secteur public (administration et entreprises confondues). Et ce n’est pas tout. L’on apprend de même source que les besoins théoriques d’emplois au Maroc sont estimés à 120.000 postes annuellement relevant que sur la période 2004-2014, si les besoins d’emplois ont été de 1.200.000, le marché du travail local n’a pu offrir que 540.000 emplois nets au total, soit près de 37,5% seulement.
Par conséquent, le déficit de cette période a été de 650.000 emplois, précisent les analystes du CMC ajoutant qu’une partie de ce déficit se trouve dans les statistiques du chômage, particulièrement celles du long terme.
Et de rappeler, que l’autre partie de la demande, soit près de 400.000 est satisfaite sur le marché du travail international notant, selon les données des Nations unies (référence 2015), que près de 40.000 actifs quittent le Maroc vers l’étranger à la recherche de travail et qu’un total de 3,6 millions actifs marocains se trouve à l’étranger sur une population qui y réside de 4,9 millions.
En outre, le Centre n’a pas manqué d’évoquer la situation de l’emploi dans le monde avec un bilan peu rassurant. «L’économie mondiale continue de croître à des taux bien inférieurs à ceux qui prévalaient avant la crise mondiale de 2008», souligne-t-on de même source supposant qu’elle serait incapable de résorber le déficit d’emplois et de réduire les disparités sociales. Le défi, insiste le Centre, aujourd’hui est de ramener le chômage et le sous-Emploi aux niveaux d’avant la crise tout en s’inquiétant des risques de graves conséquences sur la situation actuelle, si elle n’est pas surmontée.
En tirant la sonnette d’alarme, le CMC revient sur la dernière publication intitulée «emploi et questions sociales dans le monde» de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui dresse un bilan bien pessimiste de l’état du marché de l’emploi dans le monde. En effet, le rapport augure, en raison de l’incapacité de l’économie mondiale à se redresser, du chômage qui augmentera inéluctablement au cours des deux prochaines années signalant, au passage, que les femmes et les jeunes (entre 15 et 24 ans) sont les plus touchés par ce fléau avec des taux de chômage respectifs de 6,2% et de 13% (pour l’ensemble de la planète).

Coût du travail et compétitivité:
Pour un débat équilibré

Dans le Spécial, les experts continuent de plus belle en divulguant qu’entre 2000 et 2014, la compétitivité du Maroc, mesurée par l’évolution de sa part dans le total des exportations mondiales, a stagné (aux alentours de 0.129% en moyenne annuelle) alors que, parallèlement, des pays concurrents ont amélioré leurs performances.
Ceci étant, si la définition du mot compétitivité est connue et reconnue de tous comme étant l’aptitude à faire face à la concurrence, au niveau macroéconomique, sa signification est assimilée fréquemment à la capacité pour un Etat de maintenir ou d’augmenter la part de ses exportations dans le total de ces échanges mondiaux. Ainsi, pour le CMC, la recherche de la compétitivité constitue un souci omniprésent, et à plus forte raison, dans un contexte mondial fortement concurrentiel et en perpétuelle mutation.
Dans ce cadre, les auteurs du document confirment des enquêtes de la Banque mondiale qui font ressortir que le manque de formation et de qualification constitue pour les entreprises marocaines une contrainte plus importante que le coût du travail. Certes, poursuivent-ils, des salaires trop élevés par rapport à la productivité du travail peuvent nuire à la compétitivité notant, toutefois, qu’il est nécessaire de concilier l’impératif de la compétitivité avec l’amélioration du niveau de vie des travailleurs menacé par le recul de la part des richesses nationales versées aux salariés. Et de faire savoir, qu’en gros, renforcer la compétitivité des entreprises d’un pays ne passe pas nécessairement par une course vers le bas en termes de prix, mais par un affermissement hors coût qui offre l’avantage de ne pas menacer le niveau de vie des citoyens. Le «la» est ainsi donné par les auteurs du Spécial qui rappellent une déclaration antérieure de Paul Krugman, économiste keynésien et prix Nobel d’économie : Le meilleur indicateur de compétitivité serait alors celui de l’évolution de la productivité des facteurs de production à long terme. Cet expert a aussi affirmé qu’une prospérité durable ne peut s’envisager sans la satisfaction des besoins du plus grand nombre par une distribution équitable du pouvoir d’achat. Selon son expression, la compétitivité ne serait qu’une dangereuse obsession.
Quoi qu’il en soit, le CMC souligne qu’au Maroc, il y a plusieurs indices qui suggèrent un début de montée en gamme des exportations relevant que le renforcement des branches industrielles émergentes à plus forte valeur ajoutée, est de nature à affecter la demande relative qualifié/non qualifié et pourrait, in fine, réduire l’importance des salaires comme facteur de compétitivité.
Hausse de 21% du nombre de journées de travail perdues

La question des conflits du travail n’était pas en reste du Spécial du CMC. Ainsi, il dévoile qu’au regard des données disponibles, la conflictualité du travail est en net recul au terme de l’année écoulée avec une baisse du nombre des établissements concernés par ces débrayages sociaux, du nombre de grèves déclenchées ou encore des ouvriers grévistes.
Toutefois, la même source met la lumière sur une tache qui assombrit ce tableau : la forte hausse du nombre de journées perdues de travail.
Et de préciser, à ce titre, qu’il s’agit d’une hausse de plus de 21% (environ 268 mille contre quelque 220 mille un an plus tôt).
De même, dans son analyse, le Centre se penche sur deux séries de remarques, à savoir, la dynamique des grèves déclenchées et les syndicats qui sont derrière ces débrayages sociaux. Partant, l’on fait état de même source d’une année 2015 qui a connu le déclenchement de 265 grèves dans le tissu productif agricole, industriel et tertiaire précisant que ces dernières ont été déclenchées dans 221 entreprises et établissements dont certains en ont connu plusieurs.
Et d’ajouter que ces entités emploient 43.183 salariés dont 15.865 ayant participé aux grèves mettant en relief et un taux de participation de 36,73% et une baisse de 15,4% du nombre de grévistes concernés par ces mouvements.
Aussi, dans une perspective de long terme (1998-2015), l’on signale de même source que le climat social s’est sensiblement détérioré au cours de la dernière sous-période 2012-2015 comparativement aux évolutions enregistrées antérieurement.
«A la différence du quinquennat 1998-2012 où les attentes des travailleurs vis-à-vis du gouvernement d’alternance de l’époque ont été très fortes, l’évolution du climat social depuis 2012 semble avoir souffert aussi bien des conséquences de la crise que de la politique d’austérité mise en place pour rétablir les équilibres macroéconomiques». Tels ont été les maîtres-mots des analystes du CMC qui divulgue aussi que la baisse du pouvoir d’achat corrélativement à la hausse de la pression fiscale conjuguée aux politiques de décompensation et de restructuration des régimes de retraite ont manifestement exacerbé les tensions sociales.
Par ailleurs, le document fait savoir également que les différentes grèves enregistrées ont été encadrées par l’ensemble des organisations syndicales et par des travailleurs SAS (Sans appartenance syndicale) soulignant que ces débrayages sociaux sont le fait de six principales centrales syndicales, dont l’UMT avec 29,43% (78 grèves déclenchées) suivie de la CDT avec 21,13% (56 conflits collectifs), des SAS avec 11,32% (30 grèves), de l’UGTM et l’UNMT avec 9% (respectivement 30 et 25 conflits) et loin derrière, la FDT a été à l’origine du déclenchement de 7 grèves seulement (2,64%).
En décodé, fait remarquer le CMC, les deux centrales syndicales, en l’occurrence l’UMT et la CDT, interviennent à elles seules, dans plus de 50% des grèves déclenchées contre un peu moins que la moitié pour toutes les organisations syndicales dont une part non négligeable échoit aux SAS.
Et de conclure qu’en clair, le principal fait marquant est l’effritement de l’activité syndicale citant l’exemple du syndicat FDT qui n’a plus de délégués depuis les dernières élections professionnelles.

Droit de grève:
Alternative ou accessoire du dialogue social ?

Pour le CMC, le droit de grève est une question importante puisqu’il lui a consacré son dossier du mois expliquant qu’il s’agit d’un flambeau qui exprime la consécration des libertés syndicales. Et de noter que la grève étant entendue au sens d’un mouvement de contestation collectif, qui se traduit par une cessation totale du travail des grévistes, dans le but de faire aboutir des revendications d’ordre exclusivement professionnel. Son exercice, poursuit la même source, renvoie à une dualité qui oppose deux courants, dont, un premier qui y voit, outre sa contribution à la reconnaissance de la maturité sociale qui favorise la participation des salariés d’un établissement à la prise de décisions, un rôle économique permettant d’assurer une veille pour la protection du pouvoir d’achat et partant, l’encouragement d’une consommation qui, à son tour, impulsera la croissance. Quant au second, le CMC indique que tout en admettant la légitimité de la grève, il considère que c’est une pratique qui altère l’effort d’investissement et pénalise, en conséquence, l’emploi et plus généralement le développement.
«Le dialogue social, dans le cas où il serait convenablement renoué, devrait servir à débloquer la Loi organique relative au droit de grève pour mieux préciser les mécanismes nécessaires au déploiement du Code du travail autour des Comités d’entreprise et pour dégager les perspectives d’un meilleur équilibre du marché du travail, tout en donnant une plus grande visibilité à l’investissement», ont assuré les auteurs du Spécial.
Stratégie de l’emploi: Quelles politiques pour quels objectifs ?

Le déficit grandissant en matière d’emploi constitue un défi permanent pour les politiques publiques, tel a été le leitmotiv du CMC dans sa dernière livraison précisant, que ledit déficit dépasse actuellement la moyenne de 10% de la population active et présente de fortes disparités, selon le milieu de résidence, les groupes d’âge et le niveau de qualification et de diplômes.
Partant de ce constat, la même source souligne que la nouvelle stratégie au Maroc, préconisée pour l’emploi à l’horizon 2025, fait apparaître certaines insuffisances ayant trait non seulement au caractère assez général des actions à entreprendre pour la promotion de l’emploi mais aussi à la pertinence des objectifs quantitatifs retenus.    
Et d’évoquer qu’au lieu de formuler avec précision les mesures à prendre dans le cadre de politiques actives de l’emploi, les actions de la stratégie ne préconisent que la nécessité d’instaurer des politiques macroéconomiques et sectorielles favorables à l’emploi… Mais ce n’est pas tout. Sur le plan des objectifs quantitatifs, le CMC tient à noter que le taux de chômage ciblé à l’horizon 2025 et qui, selon le scénario retenu, ne dépasserait guère 3,9% paraît difficilement réalisable compte tenu du potentiel de croissance dans les dix années à venir et des transformations démographiques en cours.
De ce point de vue, les analystes du CMC déclarent que la stratégie nationale de l’emploi semble avoir péché par trop d’optimisme.

Meyssoune Belmaza

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