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Le rapport du SNPM dresse un tableau noir de la situation


Libé
Samedi 30 Avril 2016

«Quand on n’avance pas, cela veut dire qu’on régresse». C’est avec cette affirmation que Younès Moujahid a résumé l’état de la liberté de la presse au Maroc, et ce lors d’une conférence de presse organisée vendredi à Rabat pour présenter le rapport du SNPM sur le sujet.
Selon le secrétaire général dudit syndicat, ce dernier a adopté une approche  globale pour évaluer la liberté de presse au Maroc. Pour lui, le SNPM ne peut pas concevoir de liberté de la presse sans prendre compte, en même temps, de  plusieurs paramètres: le développement enregistré au niveau juridique, le comportement quotidien des autorités publiques envers les journalistes, la pratique dans les institutions et les entreprises de presse, le respect de la déontologie, du service public ou du droit syndical ou le droit d’accès à l’information. «On ne peut parler de la liberté de la presse au Maroc si l’un de ces fondamentaux fait défaut», a-t-il précisé.
Sur le plan juridique, Younès Moujahid a critiqué le fait que le ministère de la Communication n’a pas respecté ses engagements. D’abord, il était tenu de présenter les trois projets de lois concernant la réforme du champ médiatique dans le cadre d’un même code vu que ces lois sont interdépendantes. Il s’agit en l’occurrence du projet de loi sur le statut des journalistes  professionnels, de celui relatif à la presse et à l’édition et de celui portant création du Conseil national de la presse. En plus, le ministère était  tenu de présenter ces projets au SNPM et à la Fédération des éditeurs dès leur élaboration par la commission juridique.
Mais le pire, selon le SNPM, c’est le transfert des peines privatives de liberté de la loi régissant la presse vers le Code pénal, alors que l’une des revendications essentielles des professionnels n’est autre que l’abrogation pure et simple des peines privatives de liberté à l’encontre des journalistes.
Il est, en effet, d’une importance capitale de commencer par abolir ces peines dans les affaires de liberté de la presse et des médias. Lesquelles peines ne devraient, de fait, s’appliquer qu’aux personnes, en leur qualité de citoyens, conformément aux lois en vigueur, lorsqu’il s’agit de violations graves des droits de l’Homme, ou d’incitation au crime, à la guerre civile ou d’apologie des crimes contre l’humanité, d’extermination, de déportation forcée des populations, de racisme, d’enlèvement et de torture.
Outre ces remarques, ce projet de loi regorge d’expressions vagues qui peuvent être exploitées contre les journalistes comme par exemple «le respect dû», «atteinte»…
«Tous ces éléments nous poussent à dire que nous ressentons de la déception», a affirmé Younès Moujahid. Surtout que le mandat du gouvernement actuel va expirer dans quelques mois et que «rien n’a été fait au niveau de la réforme du champ médiatique marocain et que les médias publics demeurent des médias officiels». 
Le rapport impute cet échec au gouvernement. Car «il n’a pas engagé de réformes juridiques et administratives (dans les médias publics), tout en menant une lutte idéologique qui a dénaturé la problématique et créé de très fortes tensions. Pis encore, le gouvernement a adressé des remontrances à des médias publics qui ont critiqué sa prestation ou parce qu’ils ont traité de thèmes jugés immoraux», a souligné le rapport. Et d’ajouter :«Au lieu de s’atteler à résoudre les problèmes des médias publics conformément aux dispositions de la Constitution, des luttes politiques, administratives et éthiques ont été menées, pour faire avorter la réforme escomptée».
Le secrétaire général du SNPM a par ailleurs, évoqué la crise aigue qui secoue la presse écrite depuis des années, tout en critiquant le gouvernement Benkirane qui a fait fi de ce dossier important, tout en se contentant de prendre des mesures insuffisantes pour le régler. «La politique de rafistolage du gouvernement actuel n’est pas à même de répondre aux défis auxquels fait face la presse marocaine», a-t-il martelé.
Le rapport du SNPM, publié à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, a également critiqué les agressions répétées des forces de l'ordre contre les journalistes et notamment les photographes. Et malgré des plaintes déposées par les journalistes et les lettres adressées par le SNPM aux responsables gouvernementaux, rien n’a été fait pour mettre fin à ces pratiques.
Il convient à ce propos de rappeler que les journalistes marocains ne sont pas assez protégés. Aussi faut-il, d’une part, asseoir une indépendance de la justice tout en assurant à ces soutiers de l’histoire que sont les journalistes une protection non seulement juridique mais aussi judiciaire. Les expressions vagues usitées dans le nouveau projet de loi concocté par le ministre de la Communication doivent également être précisées pour déterminer au mieux les infractions de presse ou d’interdiction de journaux en réduisant le champ d’interprétation de certains concepts. Il est important aussi de consacrer le principe de bonne foi par l’introduction d’une disposition dans le Code de la presse édictant un tel principe pour tout ce qui est publié. C’est, de fait, à la partie demanderesse qui intente une action contre le journaliste de prouver sa mauvaise foi.
La jurisprudence européenne s’est d’ailleurs orientée dans ce sens en élargissant le champ de la liberté d’expression au lieu de le restreindre. Par exemple, lorsqu’il s’agit de liberté d’opinion et d’expression dans des affaires politiques ou intéressant l’opinion publique, la jurisprudence européenne ne fait pas obligation à l’accusé de produire la preuve attestant de la véracité de ses critiques. Elle suppose sa bonne foi du fait qu’il a soulevé une question d’intérêt public, visant à servir l’intérêt général malgré la rudesse du langage utilisé. La sanction d’une personne dans ce cas reviendrait à dissuader les gens de discuter librement des sujets d’intérêt public.
 


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