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Le français n’est plus la langue de diffusion de Chaîne Inter : Quand la radio catalyse l’instrumentalisation politique des médias publics


Narjis Rerhaye
Vendredi 6 Avril 2012

Le français n’est plus la langue de diffusion de Chaîne Inter : Quand la radio catalyse l’instrumentalisation politique des médias publics
Les collaborateurs des anciens ministres de la Communication en témoignent avec inquiétude. La préparation des cahiers des charges des médias publics n’a jamais été aussi … directive. La démarche observée par le ministre islamiste de la Communication, Mostafa El Khalfi, suscite des interrogations. Et bien plus encore. « En élaborant des cahiers des charges, le message de l’Etat était clair : se désengager des télévisions et radios publiques qui étaient alors les caisses de résonance des pouvoirs publics. Tout le monde le savait : les médias publics étaient le porte-voix exclusif et zélé de l’Etat. Avec le processus démocratique, l’édification du pôle public et la libéralisation, les pouvoirs publics ont très vite compris qu’ils devaient s’éloigner d’Al Oula, 2M et radios publiques », explique un ancien membre du cabinet du  ministre de la Communication de l’époque de la libéralisation et de l’émergence du pôle public.
Résultat, la tutelle du  ministère de la Communication sur les médias publics s’exerçait au niveau des grands principes et des valeurs –une responsabilité politique-  dans l’élaboration des cahiers des charges.  «Et c’était aux professionnels des télévisions et des radios publiques de décliner ces principes dans la programmation. Les équipes de la SNRT et de SOREAD 2M travaillaient donc en étroite collaboration avec la direction des études du ministère de la Communication. Il n’était pas question pour les gens du ministère de faire le boulot des professionnels de la télé et de la radio. De toutes les manières, ils n’ont pas la compétence pour ce faire. Chacun son métier !», s’exclame cet ex-membre de l’équipe de Nabil Benabdallah qui était ministre de la Communication dans le gouvernement de Driss Jettou tout en relevant avec force que «le rôle d’un ministre de la Communication n’a jamais été celui d’un directeur des programmes ».
A l’évidence Mostafa El Khalfi n’a pas résisté à la tentation de la programmation. A la radio, les journalistes sont en tout cas nombreux à le penser et, surtout, à s’en inquiéter. L’exemple de la métamorphose programmée de Chaîne inter, la radio de langue française de  la SNRT, catalyse à lui seul l’instrumentalisation politique des médias publics. Conformément au nouveau cahier des charges, Chaîne inter devient désormais «Radio  internationale» et ne diffusera plus ses programmes en langue française. Dans la foulée, l’appel  à la prière fait son apparition sur cette radio.

Fonction de divertissement
en dernier ressort


Mais reprenons depuis le début. Le ministre de la Communication qui a fait, on le sait, de la Constitution sa bible, a pris la décision, «politique» arguent ses collaborateurs, d’introduire la langue arabe dans les programmes de la chaîne internationale. L’arabe est la langue officielle du pays –elle n’est pas la seule puisque le tamazight l’est tout autant depuis l’adoption de la nouvelle constitution- et donc M. El Khalfi s’est engagé  à appliquer à la lettre cette disposition constitutionnelle qui a existé depuis la toute première Constitution du pays. Problème, la Radio nationale de la même SNRT et voisine de palier de la défunte Chaîne inter diffuse ses émissions en langue arabe.  La cible de cette radio a également changé à la faveur du changement de gouvernement. Elle ne s’adresse plus aux jeunes urbains du Maroc. Radio généraliste, elle doit désormais faire connaître le Maroc, sa culture, son histoire, son patrimoine, aux auditeurs étrangers…
En élaborant le cahier des charges de l’ex-Chaîne inter devenue «Radio internationale», une chaîne qui doit désormais diffuser ses programmes en arabe, français, anglais et espagnol, la mission de divertissement vient en dernier ressort. Le nouveau cahier des charges préparé par M. El Khalfi et ses équipes parle d’abord d’une fonction d’information, d’éducation et de culture. «Toutes les radios du monde ont d’abord et avant tout une mission d’informations et de divertissement. Nous n’allons pas inventer l’eau chaude. Le rôle d’une radio n’a jamais été d’éduquer les citoyens. De plus, il est clairement stipulé que la chaîne internationale s’adresse principalement aux auditeurs étrangers. Faudra-t-il les éduquer eux aussi ?», se demande cette productrice de Chaîne inter qui ne sait plus à quel saint médiatique se vouer.
Programmation encore et toujours. La chaîne internationale doit diffuser au moins quatre journaux radiophoniques par jour, en arabe, français, anglais et espagnol, organiser des émissions de débat quotidiennement. Des émissions thématiques ont également été prévues, comme celle, en arabe, consacrée au Maghreb et au développement de cette région et avec comme invités (même cela est prévu par le cahier des charges !) des acteurs économiques et  politiques maghrébins.
Une émission consacrée au tourisme marocain est aussi au programme. L’article 158 des cahiers des charges précise qu’une telle émission est hebdomadaire et qu’elle est destinée à présenter les atouts touristiques du Maroc, les stratégies de développement et les opportunités d’investissement en terre marocaine. Le cahier des charges a tout prévu, y compris les invités.  Les producteurs de ce programme sont sommés d’inviter en studio les opérateurs économiques et touristiques.
La chaîne internationale et la radio nationale se feront concurrence !
L’histoire contemporaine du Maroc est elle aussi prévue dans la grille de la chaîne internationale, grâce aux bons services de M. El Khalfi faisant des heures supplémentaires dans la programmation.
 Cette même radio dite internationale est invitée à diffuser tous les jours des émissions de service visant «à expliquer les procédures administratives», «à sensibiliser sur le Code de la route et la protection de l’environnement».  L’article 156 du cahier des charges va encore plus loin et rentre dans le détail avec la programmation d’émissions «aidant les citoyens à exercer leur citoyenneté  et les étrangers résidant au Maroc à avoir accès aux différents services administratifs».
La production nationale  –au nom de l’identité marocaine, le cheval de bataille de M. El Khalfi – doit constituer 50% de la programmation musicale de la chaîne internationale, désormais en concurrence avec la chaîne nationale de la SNRT. «Deux radios qui risquent de diffuser les mêmes émissions, la même musique et qui auront souvent les mêmes invités. Dans notre jargon, on appelle cela doublonner», soupire un animateur de la chaîne internationale.
Le ministre de la Communication affirme sur tous les tons ne pas intervenir dans la programmation des médias publics. Pourtant, le cahier des charges qui vient d’être adopté est une véritable grille des programmes notamment pour la radio et la chaîne internationale. «Le ministre dit avoir rencontré une quarantaine d’associations et d’organismes. C’est très bien. Mais tout ce beau monde ne saurait être responsable d’une grille. La télévision et la radio n’ont jamais été aussi performantes que lorsqu’elles sont confiées aux professionnels», affirme avec force ce journaliste de la radio.
Reste enfin la question qui se pose à tous les étages de la SNRT et des locaux exigus de la radio. Le ministre PJDiste a-t-il les moyens humains et financiers de ses ambitions audiovisuelles ? «Qui fera toutes ces émissions qu’il propose pour la Radio internationale ? A-t-il seulement pensé à cela ?», se demande une  animatrice  du service de la production de celle qui est encore pour quelques jours, quelques semaines Chaîne inter.


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1.Posté par ASSOU OUCHEN le 07/04/2012 00:23
tout ce charabia du cahier des charges n'est pas à mon avis intentionnel, il doit d'être conçu dans l'objectif d'imposer quoi que ce soit, il est tout simplement médiocrement conçu. A forcer d'user de la technique copier/coller pour presque 170 articles ( on dirait qu'il s'agit du code des obligations et contrats) on oublier à quelle service coller telle ou telle obligation comme celà a été fait outrageusement pour la chaîne inter. Et puis ce fameux cahier des charge est un fleuve de prose idéologique à grande raisonnance et d'une musicalité défiant les meilleures symphonies deMozart, il peut être tout ce qu'on veut , un manifeste comme en avait fait l'URSS aux moment de sa gloire pour dire qu'un travailleur est un prolétaire sous payé et qui vit dans la misère en trois mille page de dessertation sur l'origine du monde et la guerre du feu!

un cahier des charges, puisqu'on aime tant l'appeler ainsi du moment que c'est le pouvoir poltique qui charge et que les médias publics, comme des animeaux chetifs, croulent sous le poids des charges, doit être un recueil d'objectifs identifiables, assortis de plans d'actions clairs , des moyens humains, techniques et financiers indispensables pour leur réalisation et d'indicateurs de performance précis et sans connotation qui puisse être interprété comme abus de tutelle ou comme orientation poltiquement partisane,
attendons 2014, d'ici là, la tutelle aura acquis la maturité qui lui fait défaut aujourd'hui, et l'euphorie du pouvoir nouvellement acquis fera place à plus de sagesse et de pondération.

O.A

2.Posté par oyachi le 07/04/2012 09:29
une chose est sûre : les derniers auditeurs de cette chaîne vont sûrement déplacer leurs oreilles vers les radios les plus professionnelles. et laissant à cet inquisiteur "ses" chaines.

3.Posté par ASSOU OUCHEN le 07/04/2012 13:50
JE CORRIGE MON COMMENTAIRE
IL FAUT LIRE :il ne doit pas être conçu dans l'objectif....

- de mille page , ou une desseration sur l'origne du monde depuis la guerre du feu;
merci

4.Posté par Karim le 09/04/2012 14:39
Merci Monsieur Le Ministre!! Je ne suis ni PJDiste, ni Islamiste mais il faut se debarasser de la langue du colonisateur comme vehicule de "discrimination et la culture d'apartheide". Le Francais est bien venu comme langue etrangere et non pas comme un outil de discrimination contre la population majoritere qui ne maitrise pas necesserement cette langue comme ceux issus des missions francaises (les elites marocaines). Il faut remplacer le francais avec l'arabe et le Tamazight. Il faut aussi faire passer des lois contre la discrimination dans l'emploi et les ecoles superieures envers les Marocains pour qui cette langue etrangere n'est pas leur lanque natale. Le pays ne peut avancer si on continue comme ca. Meme en Israel, l'hebreu (une langue qui n'etait pas utilisee officielement pendant plus de 2000 ans) est devenue la langue du business/education/etc en Israel. Merci.

5.Posté par Marocain le 12/04/2012 12:40
vous parlez de "ministre islamiste de la Communication, Mostafa El Khalfi"!!! pourquoi cette qualification d'islamiste??? je ne comprend absolument pas cette "presse" ou ce "journalisme" soit disant en passant "partisan" puisque'il s'agit du PPS (libe étant le porte parole de ce partri...membre du gouvernement...sic) qui donne ces qualifications à des ministres qui ont eu l'aval du peuple (éléctions) avant celui du Roi pour diriger ce pays! certes ils ont un référentiel religieux et pas "islamiste", on est dans la majorité des musulmans dans ce pays et nous partageons dans la majorité ce référentiels sans pour autant être PJDiste ou PPSiste!!!
je ne comprend pas ces débats insensés! les langues étrangères s’apprennent à l'école pour des fins professionnelles et culturelles, les medias publics doivent parler la langue du peuple et celà n'est pas un scandale, les medias privés ont toute la latutude de choisir leur lignes editoriales dans la langue qu'ils veulent et ce dans le respect des règles et des lois en vigueur, et ils auront toujours leurs auditeurs/téléspéctateurs.
le rôle de la presse, tel que vous, est d'éclairer, de lancer des débats constructifs, de recommander sur la base d'un retour de débats sérieux, et non pas de dénigrer ou de coller des étiquettes aux ministres ou au gouvernement en général! j'ai la honte de voir des lecteurs étrangers de cette tribune (Libe) réagir avec beaucoup de stupéfaction et d'indignation quant au traitement que la presse a fait à cette démarche du Ministre de la communication: dénigrement et stigmatisation des soit disant "islamistes" ....la honte...la honte...la honte

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