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Le Maroc ne serait pas fixé sur le nombre de ses pauvres !

La subvention du gaz butane relance la polémique


Hassan Bentaleb
Mardi 7 Novembre 2017

La fin de la subvention du gaz butane n’aura pas lieu dans un avenir proche à cause de la difficulté d’identifier les ménages et les personnes pauvres. C’est ce qui ressort de l’intervention de Lahcen Daoudi, mardi dernier, lors de la séance des questions orales à la Chambre des conseillers. Selon le ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Affaires générales et de la Gouvernance, il serait compliqué de distinguer entre un pauvre et un riche conformément à des critères bien définis tels celui du niveau de salaire.
Le ministre a également indiqué que cette situation rend difficile la mise en place des mesures idoines vu qu’une frange importante de la population pourrait être exclue du bénéfice des mesures à mettre en place tout en précisant que le gouvernement est encore en quête de méthodes aptes à lui permettre d’identifier la population cible censée bénéficier de l’aide de l’Etat.
Des propos qui suscitent moult interrogations sur les programmes sociaux étatiques établis en faveur des personnes pauvres ou vulnérables et destinés à lutter contre les inégalités et les conditions de vie précaires.  Ainsi, est-il légitime de s’interroger sur la validité du choix de la stratégie de ciblage de la population concernée par ces programmes, à commencer par l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) dont l’objectif vise justement à  lutter de manière ciblée contre l’exclusion et la pauvreté tant en milieu rural qu’urbain, grâce à des programmes axés sur les services de base : équipement en eau, électricité, habitat, écoles mais aussi à des actions de proximité pour lesquelles un financement de 39,5 milliards de DH a été alloué entre 2005 et 2016. Qu’en est-il également du Régime d'assistance médicale (Ramed) fondé sur les principes de l'assistance sociale et de la solidarité nationale au profit des démunis et dont le nombre de bénéficiaires s’est établi à 11.459.199 personnes à fin août 2017, soit 4.608.443 foyers, soit 141% de la population cible estimée à 8.107.166.  Notons que de janvier à fin août 2017, 957.261 personnes ont bénéficié de ce régime (458.663 foyers).
Qu’en est-il également du « Programme Tayssir », un dispositif de transfert monétaire mis en œuvre en faveur des enfants issus de familles pauvres et dont le nombre de bénéficiaires augmente d’une année à l’autre?
Les propos de Lahcen Daoudi interrogent également la série d’études basées sur les données des enquêtes nationales sur le niveau de vie et la consommation des ménages qui ont été réalisées afin de mieux comprendre les déterminants du bien-être des ménages au Maroc. Ces propos remettent ainsi  en question les caractéristiques et les comportements des populations (dont celles dites pauvres) que ces enquêtes ont décrites ainsi que leur impact sur le bien-être. Pis, ils font planer le doute sur les trois cartes de la pauvreté élaborées en 1994, en 2004 et 2007 et qui ventilent les indicateurs de la pauvreté et des inégalités à des niveaux géographiques plus fins, à savoir la commune, voire même le quartier. Idem pour la dernière étude menée par le HCP et qui a révélé que «la distribution des pauvretés et leur cumul montrent que 3,5 millions de personnes connaissent une seule pauvreté. Sur ce total, 2,3 millions de personnes souffrent de la pauvreté multidimensionnelle et 1,2 million de la pauvreté monétaire. Un noyau dur composé de 463.000 personnes croule sous le poids de ces deux pauvretés. Le cumul de ces trois indices fait porter l’effectif de la population en situation de précarité à près de 4 millions de personnes, soit 11,7% au niveau national».
Pour plusieurs économistes marocains, le fait qu’il y ait plusieurs définitions de la pauvreté (pauvreté monétaire, pauvreté humaine, pauvreté multidimensionnelle, précarité et vulnérabilité) rend difficile toute identification précise du nombre de pauvres au Maroc car  tout recensement dépend de la définition qui sous-tend ses  calculs et les indicateurs sur lesquels il se base (un dollar par jour, salaire réel ou nominal...).  Certains ont même affirmé que les statistiques concernant la pauvreté ne sont pas  élaborées au Maroc sur la base du revenu et il n’existe pas de seuil définissant avec précision à partir de quel niveau un salaire se situe au-delà ou en deçà du seuil de pauvreté. Pis, ils estiment que le flou entoure ces questions comme c’est le cas concernant le calcul du nombre de chômeurs.
Ces mêmes spécialistes ont précisé qu’un grand nombre de ces programmes sociaux se fait sur la base d’un ciblage  géographique des  communes INDH et  octroyant des subventions à tous les ménages de ces communes. Une approche critiquée par plusieurs économistes qui estiment qu’il se peut qu’une proportion de pauvres, difficilement identifiables, ne bénéficie pas de ce programme. Ou encore qu’une proportion de riches en bénéficie même s’ils n’ont pas de problèmes de revenus. Ceci d’autant plus que nombre de bénéficiaires ont accédé à ces programmes sans respect des critères en vigueur. Tel est le cas du  RAMED basé sur la carte de la pauvreté et l’avis des cheikhs et moqaddems sans référence aucune à des critères précis et objectifs.  En effet, l’octroi d’une carte RAMED est subjectif et se fait sur la base de données présentées par les déclarants.
Une situation qui n’a rien de réjouissant vu que la disponibilité des indicateurs de la pauvreté et des inégalités à l’échelle nationale ou locale à tout moment  est nécessaire pour éclairer les décideurs et les hommes politiques sur les zones pauvres et pour, éventuellement, faire une évaluation des politiques de lutte contre la pauvreté.


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