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La rupture du jeûne les pieds dans l’eau

Une nouvelle mode qui a le vent en poupe


Aicha Erraji (Stagiaire)
Jeudi 30 Juin 2016

On est à peine à deux heures de la rupture du jeûne sur la plage des Sablettes à Mohammedia. La plupart des hommes jouent au ballon ou gardent leurs enfants et pour les plus mordus c’est la baignade. Les femmes, quant à elles, s’affairent à dresser les tables parfois à même le sable. Si pour les uns  lait, dattes, mssaman et hrira sont incontournables; pour d’autres,  les jus, viennoiseries et sandwichs feront l’affaire et entre les uns et les autres, il y a les amateurs du bon vieux tajine et le fameux verre de thé qui met tous les Marocains d’accord.
Depuis cinq ou six ans, la rupture du jeûne en bord de mer est devenue un phénomène de mode qui prend de plus en plus d’ampleur. C’est désormais une pratique à laquelle beaucoup de familles marocaines commencent à souscrire. Nous sommes partis voir le phénomène de plus près et nous avons abordé un groupe de jeunes qui étaient là entre collègues et aussi en famille car ceux d’entre eux qui étaient mariés ont amené leurs conjointes et leurs enfants avec eux. Leur sortie se passait dans la joie et la bonne humeur. Leurs paniers de pique-nique et couffins sont ouverts, leur contenu déballé : boites de nourriture, assiettes et verres en plastique ou jetables,  et tout le monde met la main à la pâte que ce soit pour dresser la table, prendre sa voiture pour rapporter ce qui manque ou encore garder les enfants et essayer de les occuper. Pour Mehdi 29 ans, célibataire, c’est une question d’ambiance : « Ça ne me pose aucun problème de garder les enfants car je les adore et, d’ailleurs, la devise de notre groupe est la suivante : Que ceux qui ont des enfants les refilent, le temps d’une sortie,  à ceux qui n’en ont pas. C’est sympa non?».  De son côté, Sanaa 28 ans découvre cela pour la première fois de sa vie : «Je n’ai jamais pris le ftour en dehors de chez moi sauf lorsque je suis invitée chez un membre de ma famille. Quand j’ai travaillé dans cette  société, j’ai rapidement intégré le groupe et j’ai commencé à sortir pour prendre le ftour du Ramadan à la plage avec eux. Et quand j’ai voulu faire la même chose avec ma famille, ma mère a refusé car pour elle c’est inconcevable ».   
Certes la bonne vieille table ramadanienne bien garnie reste indétrônable surtout pour les gens âgés mais une table plus allégée ne pose pas de problème aux jeunes qui cherchent à conjuguer ftour, ambiance et sortie. Ali 33 ans nous assure : « Ça ne dérange absolument pas de manger léger au ftour parce que je sais qu’en rentrant à la maison, je vais prendre un bon dîner ». Et puis leur présence installe une douce ambiance sur la plage avec pour éclairage des lampes à piles, des petites bougies parfumées  et, des fois même, de simples bougies allumées dans des bouteilles de confiture vides. Chose que nous confirme Awatif, 36 ans et maman de deux enfants : « Je ramène mes propres bougies car j’adore ça et j’apporte aussi aux enfants de quoi jouer, c’est-à-dire un ballon, des raquettes et égalment un haut-parleur miniature car ma fille aime chanter ».
Pour ceux qui en ont les moyens, rompre le jeûne en dehors de la maison, c’est aller dans les restaurants ou les hôtels qui proposent en général des menus ou carrément des buffets ouverts. Mais pour une famille moyenne qui n’a pas de quoi payer 300 DH par personne, la plage reste une très bonne option car elle est accessible, pas chère et elle permet de sortir manger dehors. Tarik, 36 ans et papa d’une petite  Nadine de quatre ans, a sa propre explication : « J’adore la plage et ma femme aussi, et puis sortir d’entre  quatre murs pour aller dans quatre autres ça n’a pas de sens même si ça se passe sur la terrasse  d’un hôtel ou d’un restaurant. Ça reste proche des murs alors qu’ici on se sent libre et en contact avec la nature. Ma fille s’éclate et quand elle rentre, elle a une bonne nuit de sommeil ». Fouzia comme beaucoup de mères de famille, reste pragmatique et prend le côté pratique de la chose : «Ça nous coûtera cher de manger dans un resto ou un hôtel, surtout quand il s’agit de toute une famille. Ici, je ramène ce que je prépare d’habitude à la maison si ce n’est moins car je dois opter pour des plats légers et qui peuvent se manger froids. Le plus important, c’est que ça ne me coûte pas plus cher et c’est pratique car je ne peux pas sortir seule avec mes collègues et laisser ma famille. Par chance, mon mari s’entend très bien avec mes collègues et, du coup, pour moi j’ai la totale c’est-à-dire le ftour à l’extérieur, en famille et entre collègues. C’est top!».  
Pour d’autres, c’est la chaleur qui les pousse hors de chez eux comme Fatima 58 ans qui vient avec son mari et ses deux garçons. Elle nous raconte : «  Ramadan, cette année,  coïncide avec  l’été et cette vague de chaleur. J’habite à Sidi Abdellah Belhaj et il fait très chaud chez  moi. Je viens ici avec ma famille presque un jour sur deux ; cela fait le bonheur de me deux jeunes hommes. Nous restons jusqu’à 2h30 du matin pour prendre  le shour et nous rentrons à la maison pour prier et dormir ».  Et si la famille de Fatima ramène sa table et ses chaises, d’autres familles préfèrent les louer sur place alors que pour les plus démunis, c’est hssira et serviettes pour mettre une table à même le sable.   
Bref, les mœurs des Marocains changent mais pour les riches, les moins riches et les pauvres, la rupture du jeûne à la plage reste une vraie sortie permettant aux uns et aux autres d’être en contact avec la nature, de fuir la chaleur, de respirer l’air marin, et aussi de faire plaisir aux leurs tout en admirant le coucher du soleil sans pour autant malmener leurs bourses.


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