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La réforme de l’administration suit son bonhomme de chemin

Si la coordination est là, on ne peut en dire autant de l’implication des différents acteurs


Hassan Bentaleb
Lundi 5 Août 2019

La réforme de l’administration suit son bonhomme de chemin
«Des évolutions positives ont été réalisées dans le domaine des prestations de services administratifs pris en charge par les administrations relevant de l’Etat et de nombreuses marges de progression ont été identifiées. Pourtant, ces prestations souffrent de l’inexistence de documents stratégiques ou de plans de portée nationale dédiés aux prestations et services publics, de la défaillance du système de gouvernance, des progrès inégalement répartis entre les départements ministériels et les bénéficiaires, de l’absence d’une loi générale sur la procédure administrative, des procédures administratives dépourvues de base légale et de l’absence d’un mécanisme central à même de jauger la performance des services publics». Tels sont les résultats de l’étude réalisée par SIGMA sur la prestation de services administratifs.
Ce document qui a présenté une vision panoramique du domaine des prestations de ces services administratifs a adopté une définition large de cette problématique en y incluant l’ensemble des contacts et des relations qui se nouent entre les usagers (citoyens, résidents et entreprises) et l’administration, quelles qu’en soient les causes et les raisons. L’étude a porté sur de très nombreux aspects, tels que les règles régissant les procédures administratives et leur mise en œuvre, la satisfaction des usagers, leur implication dans le processus de simplification, ou encore les garanties d’accessibilité et d’égalité d’accès aux prestations. 
Les secteurs spécialisés, tels que la santé ou l’éducation, ont toutefois été exclus du diagnostic.

Une gouvernance 
à développer 

Ainsi, sur le plan institutionnel, l’étude de SIGMA a indiqué que la réforme de l’administration et de la fonction publique est confiée à un ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé d’impulser les réformes, d’orienter et de coordonner les actions des départements ministériels dans le domaine très sensible de la modernisation des services et du statut de la fonction publique. Toutefois, précise le document, ce département ne dispose pas de pouvoirs ni de moyens suffisants pour imposer la réforme de l’administration. Il considère que sa mission se borne à la conception des stratégies et plans de réforme et ne comprend pas le suivi de leur mise en œuvre. Une situation des plus complexes puisque la structuration et le fonctionnement du système de gouvernance ne sont pas assez robustes pour assurer le pilotage de cette politique sans redondances ni gaspillage de ressources. «Le Maroc rencontre des difficultés pour mener de front l’adoption de nouveaux textes, la simplification des procédures, le développement des services numériques et la transformation d’une fonction publique perçue comme trop bureaucratique dans ses méthodes et dans l’attention qu’elle accorde aux usagers», indique l’étude.

Des progrès réalisés mais 
inégalement répartis

S’agissant de la simplification des procédures administratives, le document en question révèle que ce chantier complexe et de longue haleine, que le Maroc conduit depuis plusieurs années au travers de programmes de simplification des procédures, pèche par le fait que les progrès réalisés sont inégalement répartis selon les départements ministériels et les bénéficiaires.
Les rédacteurs de ladite étude estiment que les difficultés sont accrues lorsque la simplification exige une modification du cadre juridique. «Les processus d’élaboration des lois et décrets sont lents, il n’est pas rare qu’ils exigent plusieurs années pour aboutir, et leur mise en œuvre effective est souvent laborieuse. La publication récente du décret relatif à la certification des copies conformes, salué comme une simplification majeure du quotidien, en témoigne. A l’origine, ce projet de décret devait également porter sur la procédure de légalisation des signatures, mais ce volet a dû être abandonné», affirment-ils.

Des procédures 
administratives 
sans fondement juridique

En termes de procédure administrative, les mêmes rédacteurs expliquent que les garanties apportées aux citoyens et aux entreprises sont insuffisantes. «Il n’existe pas de loi générale sur la procédure administrative. Les lois et réglementations sectorielles sont difficilement accessibles et ne reprennent pas la totalité des garanties fondamentales associées au concept de «bonne administration». Les usagers se trouvent souvent en situation de faiblesse pour faire valoir leurs droits et la relation de confiance avec les services publics n’est pas assurée», précisent-ils. Et d’ajouter: «Les usagers se heurtent également à l’existence de procédures administratives dépourvues de base légale. Il arrive en effet que soient exigées des pièces et des formalités non prévues par les textes. Ces pratiques, variables d’un guichet à l’autre et difficiles à quantifier, compliquent inutilement la vie des citoyens, contredisent le principe d’égalité de traitement et ouvrent la porte à des décisions arbitraires, voire à la petite corruption ». Même la dématérialisation en cours et qui se traduit par l’essor significatif de services en ligne qui allègent les démarches des usagers, n’a pas été adaptée à toutes les catégories de populations, notamment à celles qui souffrent d’analphabétisme et à celles qui ne sont pas formées aux outils numériques. La charte commune des portails institutionnels (qui fait partie du Cadre général d’interopérabilité [CGI] de 2012) a défini les exigences et les directives applicables aux sites web gouvernementaux. Cependant, la responsabilité de veiller au respect des prescriptions de la Charte n’est pas confiée à une structure bien identifiée, et les exigences qu’elle pose en termes de multilinguisme ne sont pas respectées.
L’étude a rappelé qu’en 2018, le ministère de l’Intérieur a pris l’initiative de diffuser à ses services un guide décrivant 122 procédures administratives parmi les plus usitées et ayant toutes une base légale. Les agents du ministère disposent désormais d’une référence officielle et à jour. Le guide est le gage d’une application identique sur tout le territoire. Il est prévu, dans un second temps, de le mettre en ligne à l’attention des usagers. Le bilan de la simplification des procédures est très contrasté d’un ministère à l’autre. Le MEF s’est engagé de longue date sur une dématérialisation totale, et a modifié la législation pour y parvenir. L’identifiant commun des entreprises (ICE) a été rendu obligatoire pour toutes les entreprises depuis 2016. 
Dans ce sens, les rédacteurs de l’étude pensent que la loi 31-13 du 12 mars 2018 relative au droit d’accès à l’information est une étape importante pour promouvoir le principe de transparence et satisfaire aux critères d’éligibilité requis pour adhérer à l’Initiative du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO). Ils pensent également que l’élaboration de la Charte des services publics (CSP) - prévue par l’article 157 de la Constitution, qui doit fixer les règles de fonctionnement des services publics - et la réforme du cadre juridique applicable aux procédures administratives sont deux mesures très attendues et qui devraient donner une assise juridique aux principes constitutionnels de bonne gouvernance. 
En matière contentieuse, l’étude de SIGMA indique que la loi précise la procédure applicable aux litiges entre particuliers et administrations et qu’il est possible, sous certaines conditions, de contester les décisions administratives en introduisant un recours pour excès de pouvoir auprès des  juridictions administratives. Avant de s‘engager dans la voie contentieuse, la loi prévoit la possibilité de s’adresser à l’administration auteure de l’acte, qui pourra retirer ou réformer sa décision initiale. Cependant, précise le document, les lois et règlements sectoriels compliquent cette simplicité apparente. En effet, ils mettent en place des procédures spécifiques dont la multiplication est source de complexité pour les usagers, qui doivent se reporter à chaque texte particulier pour connaître leurs droits et les faire valoir dans le respect de la procédure prescrite. Une autre difficulté, bien réelle, concerne l’accès au droit dans ses différentes dimensions. Le Bulletin officiel (BO) ne présente pas de version consolidée des textes, de plus, son format (image) ne permet pas d’effectuer une recherche dans le texte. Exception faite de la motivation des décisions, l’échantillon des procédures analysées et les entretiens avec les ministères ne permettent pas de conclure que les procédures administratives et les décisions rendues sont toutes en phase avec les critères suivants de bonne conduite administrative : droit d’être entendu avant la décision finale, d’avoir accès à son dossier, de faire appel, décision spécifiant la base légale, mentionnant le droit et les délais pour faire appel ainsi que les instances compétentes.

Absence de vision globale
En outre, ils estiment que l’absence d’un système centralisé de collecte de données portant sur les prestations délivrées par les services publics (coûts, charge administrative, progression du taux d’utilisation des services en ligne, etc) empêche les autorités gouvernementales de disposer d’une vision générale. Elles ne peuvent par conséquent évaluer en continu les progrès accomplis, identifier les retards et ajuster rapidement leurs politiques. «Les départements ministériels ont créé leurs indicateurs de suivi, souvent de nature quantitative, et quelques services administratifs ont pris l’initiative de mettre en place des outils de management de la qualité de type ISO 9001. La perception qu’ont les usagers de la qualité des prestations est le plus souvent mesurée par des enquêtes classiques, sans fréquence régulière. La participation des usagers se met en place par le biais des réclamations et des suggestions qu’ils peuvent déposer sur le portail national www.chikaya.ma», explique l’étude.
En dernier lieu, l’étude en question a fait part de l’inexistence d’un dispositif ou mécanisme central qui donnerait une vision globale et partagée de la performance des services publics. Aucune structure ou service administratif à vocation transversale n’est explicitement chargé de cette mission. Elle n’est citée ni dans le Programme gouvernemental, ni dans les attributions du ministère de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique. De plus, à supposer que cette mission lui ait été confiée, il n’est pas évident, faute de ressources suffisantes, que le ministère aurait eu les moyens de la mener à bien. 
Le Maroc ne dispose pas de système central de collecte des données concernant les volumes et le coût des transactions, le taux de recours aux services en ligne par rapport aux procédures papier, ou encore la typologie des réclamations enregistrées par les différents canaux. Par ailleurs, il n’existe pas d’action gouvernementale pour mettre en place des outils de gestion de la qualité et promouvoir le partage des bonnes pratiques dans le secteur des prestations publiques. «Ces aspects ne sont pas pris en charge de façon globale, les méthodes de travail généralement mises en œuvre consistent davantage à réaliser la ou les mesures, puis à prévoir leur évaluation ex post. Ces bilans sont nécessaires, mais il conviendrait de les associer à d’autres modes de suivi et d’évaluation afin de stimuler et mesurer rapidement et en continu la performance des services», ont conclu les rédacteurs de l’étude.
 


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