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Des propos qui en disent long sur un discours devenu de plus en plus répandu chez les jeunes et les moins jeunes notamment désœuvrés. Il s’est même transformé en de simples banalités qui s’invitent aux discussions chaque fois qu’on a affaire à une personne jugée par son accent ou son aspect vestimentaire comme un «Hargaoui». Pire, dans certains quartiers populaires, cette rhétorique est devenue un discours de légitimation de certaines agressions contre ces personnes.
Toutefois, notre jeune homme, en chemise rayée et à l’œil malicieux, n’a rien d’un raciste. Il est loin du prototype du skinhead ou du militant de l’extrême droite tels qu’il en existe en Europe. Fils de salarié d’une entreprise de textile et d’une mère au foyer, notre jeune homme n’a jamais mis les pieds dans un parti politique ni dans un meeting. Son discours à forte connotation raciste semble le produit de son époque plutôt que le fait d’un quelconque lavage de cerveau.
Boujmaâ, 25 ans, originaire de Tanzoulin, un village situé à quelques kilomètres de Zagora, en sait quelque chose. La maison de location qu’il partage avec d’autres amis a fait dernièrement l’objet d’un cambriolage. «Ils nous ont volé deux vélos et une motocyclette.
On suspecte l’un des jeunes du quartier connu pour ce genre de pratiques et qui ne cesse de nous harceler», nous a-t-il confié. Pour lui, ces actes sont en augmentation exponentielle mais personne n’y prête attention. «On préfère garder le silence de crainte des représailles», a-t-il ajouté.
Ahmed, 30 ans, originaire des provinces du Nord, a été également victime de ce racisme. «L’autre jour, deux jeunes m’ont volé mon portable et se sont acharnés sur moi et m’ont traité de sale Jebli», nous a-t-il raconté. Il estime, lui aussi, que le phénomène prend de l’ampleur. «Beaucoup de mes amis et collègues du travail ont fait l’objet d’une telle mésaventure ou ont été témoins de tels actes», a-t-il constaté.
Même son de cloche de Saïd, 27 ans, de Tahanaoute près d’Agadir qui a été victime de propos racistes dus à son accent amazigh et à ses traits qui sont typiques des originaires du Souss. «Les Casablancais nous prennent pour des étrangers qui ont débarqué de nulle part pour les déposséder de leur pain alors que nous aussi, on travaille dur pour gagner notre croûte», nous-t-il déclaré avant de poursuivre : «On en a marre de faire l’objet d’ironies et parfois d’insultes de la part des collègues de travail ou des jeunes du quartier où l’on habite alors qu’on tente toujours d’être discrets».
Mais, peut-on pour autant parler de racisme ? Les Casablancais sont-ils vraiment racistes ? «Il ne faut pas exagérer. S’il est vrai qu’il y a des excès, il ne faut pas non plus qualifier ce qui se passe d’actes racistes délibérés commis par des personnes fortement imprégnées par une idéologie raciste», nous a expliqué ce professeur universitaire. D’après lui, l’augmentation des actes d’agression et de vols contre cette population s’explique d’abord par la situation de fragilité dans laquelle elle vit. «Il s’agit d’individus jeunes et célibataires qui vivent seuls ou en petits groupes et qui n’ont pas d’attaches familiales; ce qui fait d’eux des proies faciles pour les malfaiteurs», a-t-il précisé.
Pour cet universitaire, le rejet de cette main-d’œuvre par des jeunes exprime un mal-être et une volonté d’affirmation de soi vis-à-vis de l’autre qui a réussi socialement. «En effet, les jeunes détestent la réussite sociale de ces individus et non leurs origines ou leur race», a-t-il précisé.
Mais qu’en est-il des insultes racistes ? Là aussi, notre source est catégorique. «Il s’agit des mots exprimant un ras-le-bol plutôt qu’autre chose. D’ailleurs, dans une ville cosmopolite comme Casablanca, il est difficile de parler d’une éventuelle montée du racisme puisqu’il est quasiment difficile de faire le tri entre celui qui est vraiment «Ould lebled» et celui qui est «hargaoui»», nous a-t-il expliqué.
Cependant, si cette main-d’œuvre n’est pas systématiquement objet d’actes ou de propos racistes, elle reste, selon d’Ahmed Daidia, contremaître de profession, l’objet d’exploitation de la part des employeurs. «Il s’agit d’une main-d’œuvre précaire qui travaille dans des conditions dégradantes. Elle est sous-payée et ne bénéficie ni de contrat de travail ni de couverture sociale. Elle travaille à la tâche pour des salaires souvent dérisoires et subit divers abus», nous a-t-il indiqué.
Une situation qu’il juge inacceptable vu l’importance de cette main-d’œuvre et son poids dans l’économie nationale : «Ce sont eux qui font tourner la machine dans beaucoup de corps de métiers. Si par hasard cette main-d’œuvre décide d’arrêter de travailler, nombreux sont les chantiers, les entreprises et les commerces qui seront dans l’obligation de baisser leurs rideaux faute d’un salariat docile et bon marché».
Des propos qui sont attestés par les statistiques du Haut commissariat au plan (HCP) qui a révélé la masse de cette main-d’œuvre dans la population active. Le rapport du HCP indique qu’elle est majoritaire dans les secteurs de l’industrie, du BTP et des services. Elle est également majoritaire dans les travaux à domicile, le textile et les emplois occasionnels et saisonniers.
Dans le secteur du BTP largement dominé par les unités de production informelles et très marqué par le recours massif à l’emploi occasionnel, ces travailleurs sont maçons, tâcherons, plombiers, électriciens, etc. et sont souvent sollicités notamment dans les grands chantiers tels que les routes, les barrages, les ponts, entre autres. «On est tous appelés à faire preuve de respect envers cette main-d’œuvre. Il est temps pour les autorités de faire appliquer la loi et aux syndicats et ONG de s’occuper de leur sort notamment en cette période de tensions et d’incertitudes», a conclu notre source.