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L’Europe renonce à importer l’électricité produite par Desertec

Le Maroc appelé à revoir ses montages financiers et ses ambitions


Hassan Bentaleb
Samedi 6 Juillet 2013

L’Europe renonce à importer l’électricité produite par Desertec
Le projet Desertec, destiné à approvisionner l’Europe et la région MENA (Moyen-Orient, Afrique du Nord) en énergies renouvelables depuis le désert, est-il en train de changer d’orientation ? A en croire Paul van Son, PDG de Dii, il n’est plus question de pomper l’électricité saharienne vers l’Europe et Desertec est en train de se réorienter vers «la création de marchés intégrés» locaux pour alimenter les populations nord-africaines et non pas les Européens.
Dans une interview accordée au site Euractiv le 30 mai 2013, il a précisé que si l’acheminement de l’énergie depuis l’Afrique du Nord était, il y a quatre ans, la raison d’être de Desertec, aujourd’hui, cette vision unidimensionnelle a été abandonnée. «Il s’agit à présent de créer des marchés intégrés dans lesquels les énergies renouvelables apporteront leurs avantages [...] C’est l’objectif principal  [...]  Si nous parlons d’énergies renouvelables d’Afrique du Nord, seule une petite partie d’entre elles sera, en fin de compte, acheminée vers le marché européen », a-t-il précisé. Dii admet à présent que l’Europe peut subvenir localement à la plupart de ses besoins.
Des propos qui semblent être partagés par Susanne Nies, directrice du département de politique énergétique à Eurelectric, association qui représente le secteur européen de l’électricité, qui a indiqué qu’un réexamen de l’approche initiale axée sur les “exportations” serait peut-être nécessaire et cela  pour deux raisons. D’abord, le manque persistant de lignes et de capacités pour l’exportation dont la construction est difficile d’un point de vue technique en raison de la profondeur des eaux de la Méditerranée.
Mais, il n’y a pas que le problème de l’acheminement de l’électricité entre l’Afrique du Nord et l’Europe qui s’impose selon elle. C’est plutôt l’avenir de cette énergie une fois qu’elle a atteint la péninsule ibérique. «L’Espagne éprouve déjà des difficultés avec sa production excédentaire d’énergies renouvelables et des importations supplémentaires de pays tiers aggraveraient certainement le problème. Les lignes de l’Espagne devraient être renforcées, en vue d’acheminer l’excédent d’électricité vers la France. L’interconnexion à la frontière franco-espagnole est toutefois encombrée», a-t-elle souligné.
 Ensuite, il faut se demander si l’UE a réellement besoin de capacités supplémentaires d’énergies renouvelables. «L’Europe vit actuellement une situation où  la capacité en sources d’énergies renouvelables est en train de remplacer les centrales traditionnelles existantes. Ce passage requiert la solution de nombreux problèmes liés au système, dont celui de la resynchronisation, en particulier dans le domaine des éoliennes à vitesses variables et du photovoltaïque», a-t-elle affirmé avant d’ajouter : «Même si la variabilité ne constitue pas un problème en soi, elle contraint le système à changer son mode de fonctionnement (…). L’ajout de   l’énergie produite par Desertec ne soutiendrait probablement pas cette décision.
Des raisons qui renforcent la position de ceux qui mettent en doute la viabilité de ce projet de 400 milliards d’euros qui vise à produire 100 GW d’ici 2050. En effet, les doutes se sont accentués lorsque l’actionnaire fondateur Siemens s’est retiré de l’initiative en novembre 2012. Parallèlement, Dii n’a pas obtenu de soutien de la part du gouvernement espagnol, en difficulté sur le plan financier, au projet d’énergie solaire concentrée (ESC) de 500 MW de Ouarzazate. Un projet qui est cependant toujours d’actualité.
Quel impact aura cette nouvelle donne sur le Maroc ? Du côté de l’Agence marocaine pour l’énergie solaire (MASEN), c’est silence radio. Son téléphone est aux abonnés absents. A noter que Masen avait signé, en 2011 avec Dii, un protocole d’accord de coopération dont l’objectif est de développer un projet solaire à grande échelle dans le Royaume, qui, entre autres, démontrera la faisabilité de l’exportation d’électricité d’origine solaire vers l’Europe.
Pour Abdelhadi Mourchidi, dirigeant de Maroc énergies renouvelables, cette réorientation signifie un manque à gagner pour le Royaume puisque le mode de fonctionnement initial de Desertec devait se baser sur les exportations afin de couvrir ses coûts de production d’électricité. Selon lui, il y a de plus en plus de doutes de la part des Européens concernant la viabilité de ce projet comme le démontrent les grands titres de la presse européenne.  «Le Maroc est appelé aujourd’hui à compter sur ses propres forces. On a un marché, on a des ressources naturelles abondantes, il faut seulement mettre la main à la poche pour faire avancer ce projet», a-t-il lancé.   
Pourtant, Francis Petit Jean de la Fondation Desertec a tenu à préciser que les propos de Paul van Son, PDG de Dii, n’engagent que lui  et ne remettent pas en cause le concept même du projet. «L’utilisation en priorité de cette énergie des déserts a concerné et concernera toujours les pays producteurs. L’exportation ne sert qu’à permettre à ces pays d’avoir des rentrées d’argent et à l’Europe de baisser ses émissions de CO2 », a-t-il expliqué. Pour lui, le projet Desertec est une vision sur une période allant jusqu’à 2050 dont la charge et la responsabilité reviennent à la Fondation Desertec. «La Dii demeure l’initiative industrielle de Desertec. Mais elle a une vision à plus court terme et nous avons pu le constater avec les défections de Bosch ou Siemens du solaire», a-t-il conclu.


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