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Indonésie, fausse terre d'asile pour les Rohingyas


AFP
Mercredi 7 Août 2013

Indonésie, fausse terre d'asile pour les Rohingyas
"Indonésie... pays musulman... bien", lance Muhammad Yunus dans un anglais approximatif. Fuyant la persécution en Birmanie bouddhiste, les Rohingyas musulmans pensent trouver un asile dans le plus grand pays de l'islam. Mais la désillusion les attend: ils se retrouvent prisonniers pour des années dans des centres de rétention.
"On ne peut rien faire ici": Zahid Husein, 26 ans, est à la recherche d'une nouvelle patrie depuis onze ans, après être passé successivement par le Cambodge, la Thaïlande et la Malaisie. A chaque fois, il a été rejeté.
Alors il a repris la mer pour finalement échouer en Indonésie. Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à débarquer dans le pays musulman le plus peuplé de la planète (240 millions d'habitants), souvent après avoir été expulsés par la Thaïlande et la Malaisie qui estiment avoir sur leur sol déjà assez de ces réfugiés apatrides.
L'an passé, au moins 180 personnes sont mortes dans des affrontements entre bouddhistes de l'ethnie rakhine et Rohingyas, une minorité musulmane apatride violemment ostracisée. Ces conflits communautaires constituent l'un des plus importants défis du nouveau régime birman, crédité de profondes réformes depuis la dissolution de la junte il y a deux ans.
Depuis le début de cette année, 360 Rohingyas sont arrivés en Indonésie, contre seulement 30 en 2010, selon l'ONU.
La population indonésienne accepte facilement ses frères de religion persécutés, d'autant que l'économie connaît depuis plusieurs années un taux de croissance de 6%.
Le président Susilo Bambang Yudhoyono a publiquement soutenu cette minorité.
Mais pourtant, au lieu de la liberté rêvée, ce sont des centres de rétention administratifs, où ils sont considérés comme prisonniers, qui attendent les Rohingyas à leur arrivée sur le sol indonésien, après un voyage en mer souvent très périlleux.
Durant des années, ils vont y attendre une décision de l'administration indonésienne kafkaïenne sur un éventuel statut de réfugiés.
"On ne peut pas étudier. Et si on veut sortir faire des courses, on ne peut pas... sans courir le risque d'être arrêtés", explique Zahid Husein.
Rares sont ceux qui décrochent le statut de réfugiés de l'ONU, qui leur confère le droit à un logement et à une pension mensuelle de 1,25 million de roupies indonésiennes (98 euros), soit environ la moitié du salaire minimum local.
De toute façon, ce statut ne leur octroie pas le droit d'être considéré comme Indonésiens, le pays n'ayant pas ratifié la convention de l'ONU sur les réfugiés. Ils ne peuvent ainsi ni travailler ni étudier, demeurant à jamais des citoyens de seconde zone.
Dans une barre de logements de Medan, à Sumatra (nord-ouest), des dizaines de réfugiés tentent ainsi de tuer le temps comme ils peuvent, seules les prières régulières à la mosquée voisine venant amoindrir l'ennui.
"Si l'Indonésie nous acceptait, on resterait", lâche Rohana Fetikileh, réfugié depuis 2010 dans l'archipel. "Si on pouvait trouver du travail et qu'un avenir existait pour nos enfants...", ajoute la mère de famille de 28 ans, tenant son quatrième enfant de onze mois dans ses bras.
Les ONG ne cessent de dénoncer le double langage de l'Indonésie qui, derrière les discours politiques compatissants, cache un manque de soutien.
"On a l'espace, notre économie est en pleine explosion, pourquoi ne pas les accepter?", se demande Febi Yonesta, directeur de l'association d'aide juridique Jakarta Legal Aid.
Jakarta a laissé passer 2009, délai qu'il s'était fixé pour ratifier la convention de l'ONU sur les réfugiés, et ne semble pas plus sur le point de respecter la nouvelle date limite de 2014.
Le ministre indonésien des Affaires étrangères Marty Natalegawa assure qu'il ne s'agit là que d'un retard dû à "une accumulation de dossiers prioritaires à traiter".
"Nous avons accueilli les Rohingyas. Ce n'est pas pour les exclure", promet-il à l'AFP.
Mais les mots ne suffisent pas à convaincre les réfugiés. Lassés de croupir dans des logements souvent déplorables, beaucoup d'entre eux reprennent la mer.
Dans des bateaux de fortune, ils entament la longue traversée vers l'Australie, à des milliers de kms plus au sud, à nouveau au risque de leur vie et avec peu de chance, là encore, de se voir accorder le statut tant envié de réfugiés.


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