Histoire de…lire : Le bleu sied-il à la littérature ?

Nous sommes les enfants d’un nouveau siècle, palpitant, fait d’autres choses et pour autres choses.


Par Younès Ez-zouaine
Vendredi 1 Février 2019

Deuil ou baptême ? La gent critiquante n’a cessé depuis quelques années de se faire l’écho d’une certaine fin de la littérature. Une bonne nouvelle pour les uns, une mauvaise pour les autres. Les essais de Todorov (La littérature en péril), de Maingueneau (Contre Saint-Proust) et de Compagnon (A quoi bon la littérature ?) ne sont-ils que des cris d’alarme ? En tout état de cause, on y sonne le glas de la Sainte-Littérature.
De quelle littérature parlent-ils ? Toujours est-il que leur ton, qu’il soit endeuillé ou attristé, se fait de plus en plus funèbre et repentant. Disons les choses crûment : la vieille idée de littérature constitue le fonds idéologique d’une caste qui n’en a pas d’autre. La Littérature (et la majuscule est de mise ici) est le fonds de roulement d’une gent qui ne vit que d’elle et qui ne saurait s’en passer. Pourtant, nous traversons une époque transitoire qui impose une conversion immédiate de l’ensemble du personnel de l’institution littéraire.
Le vieux temps du bellettrisme n’est plus ! La République des Lettres est, telle Troie, saccagée et ses honorables dames sont emprisonnées et bafouées. Le vieux temps de la parole ciselée est révolu et pour de bon. Voilà que l’oraison funèbre est dite, mais encore ! Aucun regret ne doit être exprimé. Nous sommes les enfants d’un nouveau siècle, palpitant, fait d’autres choses et pour autres choses. On a sonné le glas de la littérature et c’est en tout bien tout honneur !
La Littérature est la fille bâtarde d’un monde qui n’est plus. Si on ne s’en souvient pas, tant pis. Qui perçoit et dit le monde encore comme Racine ou Corneille ? Qui écrit à la manière d’Al-Jahid et d’Al-Moustanabbî ? Nous avons été jusque-là les descendants, même par procuration, nous autres francophones et arabophones, d’un romantisme fébrile, fiévreux, enthousiasmé. Mais nous ne nous reconnaissons plus dans ce genre de sensibilité passée de mode et de couleur. Or, cette mort imminente n’est-elle pas la promesse d’une résurrection ? Devrons-nous être endeuillés ou enjoués? Débouchons des bouteilles de champagne et fêtons la mort heureuse de Dame-Littérature. Le constat est le même : si livre il n’y a plus, c’est que le monde ne communique plus avec des brochures. Depuis, très vénérable et très chéri Internet est passé par là.
Du fait de leur extrême actualité, les formes nouvelles d’expression sont en bonne intelligence avec le monde. Constatons ce que fait le cinéma des vieilles épopées humaines, sa façon de dépoussiérer les chefs-d’œuvre, de passer à l’écran les vies infimes aussi bien qu’exemplaires, de traverser la géographie et l’histoire à sa guise et de créer un monde à la hauteur de nos rêves et de nos espoirs.
Les auteurs de la Toile bleue et d’autres attrayants anonymes ne sont-ils pas capables de ressusciter la vieille dépouille de la Sainte-Littérature ? La parole est aux auteurs de l’avenir.


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