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Gentlemen’s agreement pour l’expulsion des Marocains

Le ministre belge de l’Intérieur en quête d’une caution officielle des renvois opérés avec la complicité des autorités consulaires du Maroc


Hassan Bentaleb
Mercredi 2 Mars 2016

Un gentlemen’s agreement a été trouvé avant-hier entre le Maroc,  l’Allemagne et la Belgique permettant d’accélérer les procédures et de faciliter les renvois  des migrants irréguliers marocains vers le Royaume. D’après cet accord, les autorités marocaines acceptent le retour de nos concitoyens entrés illégalement en Allemagne en 2015 et ceux qui sont en situation administrative irrégulière en Belgique.  Jan Jambon, ministre de l’Intérieur belge, a évoqué à ce propos un «accord de principe» sur un texte qui sera signé en avril lors d’une visite à Bruxelles de son homologue marocain, Mohamed Hassad.
Les responsables marocains et allemands se sont mis d’accord pour procéder à  l’identification des personnes expulsées permettant ainsi  la détermination de la nationalité et de la délivrance de titres de voyage. Selon Thomas de Maizière,  ministre allemand de l’Intérieur, les responsables marocains se sont montrés coopératifs en promettant que les opérations de retour puissent être effectuées en 45 jours au lieu de plusieurs mois. Certaines sources nous ont indiqué que les négociations pour la conclusion d’un accord de réadmission seraient en bonne voie.
Bruxelles  attend le même traitement. La Belgique  ambitionne  que le nouvel accord de réadmission avec le Maroc puisse accélérer les expulsions de migrants marocains  dans un délai maximal de 40 jours et avoir un caractère obligatoire. Pis, les autorités belges visent, via cet accord,  à avoir accès à la base de données marocaines sur les empreintes digitales de nos ressortissants et qui est considérée comme fiable pour identifier les migrants irréguliers, a précisé le site LaLibre.be. Interrogé sur la mise sur pied d’une mesure semblable en Belgique, Jan Jambon a affirmé que le gouvernement y réfléchit, a ajouté la même source.
Pourtant, qu’il y ait accord ou non, le renvoi des migrants marocains de Belgique vers la mère patrie est une réalité. En fait, des rapatriements forcés ont déjà eu lieu. Dans une déclaration rapportée par le site belge Sudinfo.be,  Theo Francken, secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration, a indiqué que l’année  2015 avait enregistré l’interception de 3.573 personnes se disant marocaines et qui étaient en séjour illégal en Belgique  avant de préciser que 2.346 ordres de quitter le territoire leur ont été notifiés, et que 340 de ces personnes ont été placées dans des centres dits fermés.
Il a également révélé que son pays a procédé au  total à 336 rapatriements forcés et que pour le seul mois de janvier 2016, près de 337 personnes ont été interceptées, 246 ordres de quitter le territoire ont été délivrés, 19 enfermements ont  été effectués et 28 éloignements forcés ont été opérés.  Des chiffres à prendre avec des pincettes puisque certaines sources associatives belges évoquent davantage de cas.  D’après elles, des Marocains et des Tunisiens font actuellement l’objet d’arrestation, de rétention administrative et d’expulsion massive. Ils sont devenus la nouvelle cible des autorités belges après que les Guinéens, les Albanais, les Kosovars et tant d’autres avaient fait les frais de pareilles mesures discriminatoires.
Ces Marocains et Tunisiens qui sont parfois établis en Belgique depuis plusieurs décennies se font arrêter lors de rafles ou à leurs domiciles. Ils se font rapidement expulser grâce à une étroite collaboration avec les  missions diplomatiques et consulaires de leurs pays.
Le Maroc va-t-il céder et signer  des accords de réadmission ? Va-t-il s’engager à réadmettre les migrants en situation irrégulière interpellés sur les territoires des Etats partenaires et même ceux de pays tiers qui ont transité par notre territoire ? Est-il prêt à supporter les conséquences économiques, sociales de cela et assumer les atteintes aux droits de l’Homme souvent soulevés à propos de ce genre d’accords ? Le Royaume acceptera-t-il  de devenir un simple instrument de la politique européenne de migration dont les priorités actuelles sont celles de la protection des frontières, de la réduction du nombre d’entrées dans l’Espace Schengen, de la chasse aux passeurs, des réadmissions, etc. ? Des questions qui vont sûrement demeurer sans réponse puisque l’opacité totale  entoure ce dossier et le processus de décision se fait en dehors de tout contrôle citoyen et parlementaire.  En fait, rien ne ressort concernant les préparatifs et les négociations de ces accords de réadmission. Il fallait souvent rechercher l’information relative à un tel sujet dans la presse de l’UE qui ne semble pas faire montre de beaucoup de transparence à ce propos.  
L’Association européenne pour la défense des droits de l’Homme avait déjà souligné, en 2013, que durant les négociations et lors de la mise en œuvre de l’accord, la Commission et le Conseil de l’UE gèrent le dossier de manière opaque et très peu démocratique. Certes, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’avis conforme du Parlement européen est requis mais, en dépit de la demande réitérée des élus européens, cette institution n’est nullement associée au processus de négociation et n’a pas d’autre pouvoir que de donner son aval – ou de le refuser -, une fois celles-ci  terminées.  
Quant à la société civile et aux ONG, elles ne sont jamais consultées alors même qu’elles disposent souvent d’informations pertinentes et fiables sur la situation des migrants dans les pays concernés. Une opacité observée également au niveau du suivi de la mise en œuvre de l’accord de réadmission.  En effet, c’est la Commission et les représentants des Etats membres qui participent aux comités mixtes, le Parlement européen et les ONG n’y étant pas invités en dépit des demandes réitérées de l’Assemblée parlementaire. Faut-il s’attendre à mieux de la part des autorités marocaines ?
 


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