Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager

En attendant un système national d’asile

La procédure actuelle est loin d’être en conformité avec les normes internationales concernant la protection des réfugiés


Hassan Bentaleb
Vendredi 23 Juin 2017

Où en est la procédure d’asile cinq années après le lancement de la nouvelle politique nationale des migrations et d’asile? Qu’en est-il de ses avancées et de ses déficits ? Où en est la transition vers un système d’asile national ? L’installation du Bureau des réfugiés et apatrides (BRA) aura-t-elle changé quelque chose à ces procédures ? Ce sont des questions parmi tant d’autres auxquelles plusieurs acteurs associatifs, représentants d’organismes internationaux et de ministères ont tenté de répondre lors d’une table ronde organisée mardi dernier à Rabat par la Plateforme nationale Protection migrants (PNPM).
En effet, l’enjeu est de taille. Le Maroc compte 6.931 personnes sous mandat du HCR dont 5.105 réfugiés/personnes sont en besoin de protection internationale et 1.826 sont demandeurs d’asile. Les Syriens arrivent en tête avec 3.511 personnes suivis des Yéménites (502) et des Ivoiriens (295). Les Congolais occupent la quatrième place (190) devant les Irakiens (141). Dans l’attente de l’établissement d’un système national d’asile, le HCR continue d’enregistrer les demandeurs d’asile et d’intervenir en cas d’arrestation, de détention ou de tout autre problème lié à la protection. L’instance onusienne  travaille avec le BRA relevant du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale et la Commission interministérielle en charge du processus de régularisation. Cette dernière procède à des auditions des réfugiés reconnus par le HCR, permettant à ceux-ci de recevoir, par la suite, une carte de réfugié délivrée par les autorités marocaines, exception faite des Syriens qui n’obtiennent qu’un récépissé.
Pourtant, El Habib Ezzeroual de la PNPM estime que cette procédure demeure inefficace au niveau de la protection des demandeurs d’asile outre qu’elle est entachée de nombreux dysfonctionnements. Ainsi, l’intervenant a mis à l’index le refus du HCR de permettre aux personnes déboutées d’accéder à la décision «intégrale» du refus de l’octroi du statut de réfugié, ce qui reflète, selon lui, une attitude de non-transparence et limite largement l’efficacité de l’aide juridique destinée aux demandeurs d’asile, surtout au niveau des recours.
Un autre handicap pointé du doigt tient au fait que le recours contre la décision négative du HCR est exclusivement traité par le HCR lui-même et non par un organisme indépendant, ou le cas échéant par une juridiction. Pis, les demandeurs d’asile n’ont pas accès à un avocat lors des entretiens au BRA, comme ils ne peuvent, non plus, avoir recours à un juge. Leurs demandes sont, dans un premier temps, soumises à l'examen du BRA qui est un établissement public administratif et non une juridiction. Ayant pour but d’examiner en premier lieu les demandes d'asile et de prendre la décision d'accorder ou non le statut de réfugié ou d'apatride au demandeur d'asile. Et en cas de rejet, la décision de l'administration pourrait être soumise à une Commission de recours qui n’est pas une juridiction en soi.  Ainsi, l’actuelle procédure n’assure pas, selon la PNPM, l’accès à la justice, ce  qui  prive alors les demandeurs d'asile d’une garantie de taille puisqu’en principe, toute décision prise par une autorité administrative (BRA), et causant préjudice au destinataire doit être soumise à un juge de premier degré (Tribunal administratif). Et c’est pourquoi la PNPM se demande pourquoi les décisions de rejet du BRA échappent à ce principe et pourquoi ne pas désigner un juge administratif pour statuer sur les décisions litigieuses  rendues par le BRA en matière de demande d’asile.
 Partant de ces constats, El Habib Ezzeroual avance que la procédure actuelle est loin d’être en conformité avec les normes internationales en la matière. Notamment les engagements nés suite à la ratification par le Royaume de la Convention de Genève  et destinés à fournir une protection effective aux demandeurs d’asile.  
La préparation du projet de loi sur l’asile a été également critiquée. L’intervenant a mis en cause le retard enregistré pour la promulgation de ce texte, l’opacité qui entoure son contenu et les divergences le concernant.  « Nous savons que le gouvernement a convoqué, à plusieurs reprises, des acteurs de la société civile concernés par le sujet, qu’il y a eu des ateliers, des journées de présentation du projet de loi, des rencontres, etc. Mais nous ne savons pas si les recommandations préalablement soumises aux autorités ont été ou vont être prises en compte et si oui, lesquelles d’entre elles ont été acceptées», a-t-il indiqué.
Face à cette situation, la PNPM recommande la régionalisation de la procédure d’asile via la mise en place de bureaux régionaux du BRA vu les difficultés que rencontrent les réfugiés pour se déplacer à Rabat par manque  de ressources. Elle demande également le renforcement des garanties accordées aux demandeurs d’asile, et ce à tous les stades de la procédure : que ce soit au niveau de l’enregistrement rapide de leur demande, de la présence d’un conseiller lors de l’entretien avec un officier de protection et d’une meilleure prise en compte des vulnérabilités en présence. Le tout en consacrant l’effet suspensif des recours contre les décisions refusant l’octroi de l’asile. « La mise en place d’une procédure contentieuse permettrait la construction d’une jurisprudence solide qui aura le mérite d’apporter une protection supplémentaire aux réfugiés. L’impact de cette jurisprudence serait également fondamental sur le contenu du droit  d’asile. Elle va certainement  déboucher  sur des arrêts prodigieux à travers lesquels tout juge normal pourrait devenir juge de l’asile», a conclu El Habib Ezzeroual.

 


Lu 1758 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Actualité | Dossiers du weekend | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | L'info | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | High-tech | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Billet | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020











Flux RSS
p