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En Turquie, l'inflation continue d'assommer les ménages


Libé
Mercredi 3 Avril 2024

A peine l'effervescence des élections municipales retombée, l'inflation qui a précipité la débâcle du camp présidentiel en Turquie revient dans toutes les conversations.

Selon les chiffres officiels publiés mercredi, la hausse des prix à la consommation a atteint 68,5% en mars sur un an, soit une augmentation supplémentaire de 3,2% sur un mois.
Ce chiffre est contesté par un groupe d'économistes indépendants qui calcule la hausse des prix à 124,6% sur douze mois.

Malgré un relèvement drastique des taux d'intérêt depuis juin, la hausse des prix "ne s'arrête pas, elle continue", souligne l'économiste Murat Sagman, fondateur de l'entreprise de conseil en stratégie Sagam.
Face au marché aux épices à Istanbul, Osman Karakoç, 64 ans, peine à écouler ses épis de maïs grillés qu'il vend 30 livres (0,87 euro) aux passants.

"Au marché, il y a un prix le matin et un autre le soir. Je ne peux pas gagner ma vie si je vends moins cher", se défend-il. "C'est un produit d'ici, mais les gens peuvent difficilement se l'acheter", déplore-t-il.
Au pouvoir depuis 2003, le président Recep Tayyip Erdogan a bâti pendant vingt ans ses succès électoraux sur ses promesses de prospérité.

Mais l'économie est devenue son talon d'Achille et est avancée comme la principale cause de la défaite de son parti AKP (islamo-conservateur) aux élections municipales de dimanche dans les plus grandes villes du pays.
L'inflation, supérieure à 35% en Turquie depuis la fin 2021, porte le sceau de sa politique monétaire passée.

A rebours des théories économiques classiques, le chef de l'Etat a longtemps défendu des baisses des taux d'intérêt même lors des flambées de l'inflation en invoquant à plusieurs reprises les préceptes de l'islam, qui interdit l'usure.

Réélu en mai 2023, il a nommé en juin une équipe d'experts à la tête des Finances publiques et laissé la banque centrale relever son principal taux directeur à 50% en mars.
Mais la dévaluation de la livre turque, qui a perdu 40% de sa valeur face au dollar en un an et les hausses répétées du salaire minimum continuent d'alimenter la flambée des prix.

Pour Murat Sagman, couper dans les dépenses publiques est "le seul moyen de ralentir l'inflation".
Le ministre turc de l'Economie Mehmet Simsek, qui en a fait la suggestion, a réaffirmé mercredi que le gouvernement fera "tout le nécessaire pour atteindre l'objectif de stabilité des prix".

Nicholas Farr, analyste chez Capital Economics, prédit un "nouveau resserrement monétaire". "Un effort plus concerté pour resserrer la politique fiscale sera également nécessaire", juge-t-il. Les chalands du marché aux épices d'Istanbul, venus acheter olives, fromages ou poissons, disent tous subir l'inflation de plein fouet.
Parmi eux, nombre de retraités qui perçoivent une pension mensuelle inférieure à 300 euros.

"Je vote pour Erdogan depuis aussi longtemps que je me souvienne... nous lui avons fait confiance et avons fermé les yeux sur tout, mais ça suffit", lâche Leyla Duman, une femme au foyer portant le foulard, des lunettes de soleil et un long manteau.

"Ils donnent 10.000 livres (290 euros) aux retraités: les gens doivent-ils payer leur loyer ou leurs factures avec?", lance-t-elle.
Son mari Serif, 63 ans, employé de la voirie, dit ne pas prendre sa retraite "par peur" car la pension de base "ne suffit pas". "Notre argent fond jour après jour", insiste-t-il.

Le président Erdogan dispose de quatre années avant le prochain scrutin, la présidentielle de 2028. Cette fenêtre de tir pourrait lui donner le temps de prendre des mesures douloureuses.
"Nous avons du temps pour mettre en oeuvre toutes les réformes structurelles (mais) nous allons assister à un ralentissement de l'économie" du fait des taux d'intérêt élevés et d'un resserrement de la dépense, prédit Murat Sagman.

Pour la banque centrale et le ministère de l'Economie, le défi sera "d'aller vers un atterrissage en douceur", estime-t-il.
Ce qui implique de trancher entre lutter contre l'inflation sans freiner complètement l'activité et des mesures plus drastiques, au risque de déclencher une récession.

En attendant, Hasan Yildiz, un mineur de charbon à la retraite, continue de voir les prix s'affoler.
"Le fromage que nous achetions 60 livres est passé à 250, 280, 300 livres", affirme-t-il. "Au lieu d'acheter un demi-kilo, nous en achetons la moitié... cela devient très difficile".
 


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