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En RDC, village traditionnel cherche touristes


Libé
Samedi 22 Juillet 2017

Les mains souillées de cet argile qui donne à leur sol son ocre si caractéristique, les femmes du village congolais de Makwacha peignent leurs cases de fleurs et papillons aux tracés enfantins. Une tradition locale qui a engendré presque par accident une petite industrie touristique.
"Pour la couleur, on utilise seulement la terre. On creuse pour trouver le rose", raconte Prospérine Mwelma, 60 ans, pinceau à la main, drapée d'un pagne bleu et jaune vifs.
Dans ce village dépourvu d'électricité situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Lubumbashi, capitale du Haut-Katanga, dans le sud-est de la République Démocratique du Congo, l'aventure touristique a commencé par hasard.
Le directeur de l'Institut français local y passe un jour pendant ses vacances: il tombe amoureux de ces maisons que les habitantes recouvrent à chaque saison sèche de scènes de leur vie quotidienne, à l'aide de pigments naturels, et décide de les faire connaître au monde.
Pari réussi: grâce à son soutien, quelques-unes des villageoises sont invitées à Paris en avril 2014 pour peindre et exposer des toiles. Elles en vendent huit pour 60.000 dollars.
"De nous-mêmes, on n'aurait pas pu le faire", reconnaît le chef du village Jean-Pierre Kabaso, 52 ans, assis devant sa case ornée. "A l'avenir, ça peut bien payer. Il y a d'autres projets qui vont arriver, dont une exposition à Washington", dit-il.
"Ce sont parfois les touristes internationaux qui font découvrir aux Congolais la beauté qu'il y a chez eux... ce qui est paradoxal", relève Eric Monga, un responsable local de la Fédération des entreprises du Congo (FEC, patronat).
Dans son bureau de Lubumbashi, Isaac Sumba Maly est plongé dans l'obscurité à cause d'une coupure de courant. Tiré à quatre épingles, ce directeur du seul tour-opérateur de la région prépare sur son ordinateur portable la venue de touristes chinois.
C'est le directeur de l'Institut français qui lui a suggéré de s'intéresser au village de Makwacha et à ses peintures.
Mais les visiteurs restent encore rares à faire le déplacement. Seule une centaine par an, en provenance surtout de Belgique, France et Chine, viennent admirer les peintures. Car pour se rendre en RDC, il faut de la détermination: obtenir un visa peut relever du parcours du combattant.
Pour les attirer, le voyagiste a créé un festival de peinture à Makwacha. Il compte aussi se rendre prochainement en Chine pour négocier un contrat avec une société privée qui souhaite envoyer ses employés en vacances à Lubumbashi.
Pour l'instant, Isaac Sumba Maly rentre à peine dans ses frais. "Le gouvernement ne m'aide pas beaucoup... trop peu", regrette-t-il, résigné.
 La crise politique que traverse la RDC depuis plusieurs années, exacerbée par le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, dont le mandat est échu depuis décembre, le très faible niveau de développement du pays et la persistance de nombreuses milices sur le sol national dissuadent beaucoup d'étrangers de sauter le pas.
"Le Congo a une mauvaise image à l'extérieur avec l'insécurité, la guerre", déplore Isaac Sumba Maly, vêtu d'un costume impeccable en dépit de la chaleur.
Pourtant, "le Congo est vaste et, s'il y a la guerre au nord, c'est à des milliers de kilomètres d'ici ! En Israël, il y a des attentats, des bombes. Mais il y a quand même des milliers" de touristes, s'insurge-t-il.
A quelques kilomètres de là, dans le vieux quartier de Lubumbashi, le crissement assourdissant de scies électriques s'échappe d'un atelier confiné. Des ouvriers y sculptent dans la malachite des statues de rhinocéros et de lions.
Minéral vert strié très répandu dans les environs, la malachite est un autre pari de l'agence d'Isaac Sumba Maly pour faire fructifier le patrimoine artistique de la région.
Là encore, ce sont les touristes chinois qui commencent à faire tourner la machine.
"Ils viennent passer des commandes, de grosses pièces comme des crocodiles de plusieurs mètres qu'ils ramènent en Chine", explique avec fierté Stanis Chansa, sculpteur depuis 45 ans, en s'essuyant les mains sur son tablier.
Mais l'heure n'est pas encore aux grandes foules. Sur le plus grand marché d'art de la province, seules les mouches tournent au-dessus des étals chargés de cendriers, bijoux et échiquiers en malachite.
"Actuellement vous pouvez rester ici toute une journée sans clients", soupire le vendeur Isaac Kabumbu, 30 ans.


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