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Driss Lachgar : les commissions d’enquête parlementaires ont mis fin à l’impunité

Quatre ex-présidents de commissions ont animé une table ronde organisée
à la Chambre des représentants


Mourad Tabet
Samedi 19 Janvier 2013

Driss Lachgar : les commissions d’enquête parlementaires ont mis fin à l’impunité
Un fait inédit. C’est la première fois que quatre ex-présidents des commissions d’enquête se sont réunis lors d’une table ronde organisée, mercredi, par la commission de la justice à la Chambre des représentants, et ce pour livrer leurs points de vue concernant leurs expériences.
Driss Lachgar, Premier secrétaire de l’USFP et membre du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, avait présidé une commission d’enquête sur le CIH. Il en a expliqué le contexte politique. Lequel a été marqué, surtout, par l’avènement du nouveau règne et par la constitution du gouvernement d’alternance. «Le CIH était au bord de la faillite, et le gouvernement a décidé d’injecter des fonds publics pour le sauver. Le Groupe socialiste a voté, en 2000 et à contrecœur, cette mesure, mais en même temps, nous nous sommes réservé le droit de constituer une commission d’enquête». Et d’ajouter : «C’est pour cette raison qu’on a tenu à créer cette commission d’enquête. Certes, plusieurs entreprises publiques étaient, il faut le reconnaître, dans une situation financière grave, mais le dossier du Crédit agricole étant entre les mains de la justice, il était impossible de créer une commission d’enquête. Quant au dossier de la CNSS, le gouvernement a annoncé un plan de redressement, et nous avons constaté qu’il ne fallait pas entraver l’action du gouvernement». «Les règles de droit ne font pas la réforme. Il faut en outre une  réelle volonté de réforme», précise-t-il. Et d’ajouter que ce qui différencie la commission d’enquête qu’il a présidée des autres c’est qu’elle a été créée conformément aux dispositions de la Constitution. Mais le plus important, selon Driss Lachgar, c’est que cette commission a été constituée «indépendamment de la campagne d’assainissement», a-t-il précisé en faisant allusion à la campagne menée, pendant les années 90, par l’ancien ministre de l’Intérieur, Driss Basri, et qui a eu des répercussions néfastes sur l’économie marocaine.De cette expérience, Driss Lachgar a tiré deux conclusions : la première a fait que le travail de cette commission a constitué une ligne de démarcation entre deux époques, celle où régnaient l’opacité et l’impunité, et une nouvelle ère où la responsabilité est intimement liée à la reddition des comptes. La seconde est liée à l’action du  Groupe socialiste. Une fois les travaux de la commission achevés, celui-ci a présenté une proposition de loi en vue d’alourdir les peines contre les témoins qui refusent de collaborer avec les commissions d’enquête.
Abdelaziz Alaoui Hafidi (RNI) a présidé, lui, la première commission d’enquête sur les fuites des épreuves du Bac en 1979. A cette époque, la Constitution ne comportait pas de disposition permettant au Parlement de constituer des commissions d’enquête.
Pourtant, les parlementaires ont tenu à inclure dans le règlement intérieur cette disposition, ce qui explique «la lutte acharnée entre le Parlement et la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême». Sous le Parlement de 1977, les députés avaient, en effet, voulu inclure dans le règlement intérieur de la Chambre des représentants des dispositions qui lui permettraient de constituer des commissions d’enquête (articles 101-102-103), mais la Chambre constitutionnelle avait considéré ces dispositions comme inconstitutionnelles dans une décision datée du 22 avril 1978. Les parlementaires ont dû changer le nom desdites commissions, mais la Chambre constitutionnelle n’avait pas changé d’avis dans une autre décision datée du 17 juillet 1979.
Malgré ce refus, deux commissions d’enquête ont vu le jour suite à l’affaire des fuites des épreuves du Bac en 1979, et aux événements de Fès et Tanger.
De son côté, Rahou El Hilaa, député du PAM à la Chambre des représentants, et ex-président de la commission d’enquête sur la CNSS, a mis en exergue les lacunes d’ordre juridique et financier de la loi régissant les commissions d’enquête.
D’après son expérience, les membres des commissions d’enquête  ne sont pas tenus d’être des experts financiers comme ce fut le cas de la CNSS, mais en même temps, la loi n’autorisait pas de telles commissions à recourir à des experts pour mener à bien leur mission. Pour cette raison, El Hilaa a proposé de modifier la loi dans ce sens, à condition que ces experts soient tenus de garder le secret professionnel.
La deuxième lacune juridique évoquée par le député du PAM est que lesdites commissions ne peuvent mener des enquêtes à l’étranger car la loi n’explicite pas cet aspect.
Rachid Talbi Alami a, pour sa part, évoqué son expérience à la tête de la commission d’enquête sur les évènements de Igdim Izik à Laâyoune en 2010. Lors de son intervention, il a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre les recommandations des commissions d’enquête par les gouvernements. «A quoi bon constituer des commissions si leurs recommandations ne sont pas prises en considération par le gouvernement ?», s’interroge le député du groupe parlementaire du RNI à la Chambre des représentants.
L’intervention du professeur universitaire et membre du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, Hassan Tariq, s’est focalisée sur l’expérience des commissions d’enquête dans le droit comparé en citant de grandes démocraties telles la France, les Etats-Unis, l’Allemagne «où les commissions d’enquête constituent un mécanisme normal du contrôle parlementaire».
A titre d’exemple, sous la Vème République instaurée par Charles De Gaulle en 1958, le Sénat français avait constitué quelque 45 commissions d’enquête dont six au cours des dernières années.
L’intervenant a insisté également sur la facilité des procédures permettant de recourir à ce mécanisme dans ces démocraties.
Il a tenu à préciser que dans ces pays, il y a une tendance à délimiter la frontière entre la procédure judiciaire et les commissions d’enquête. Il a, par ailleurs, exprimé sa  préférence pour des commissions d’enquête dont les débats seraient publics. «Cela doit être le principe. Mais la commission peut, exceptionnellement, exiger que les audiences soient à huis clos », a-t-il conclu.


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