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Des démolitions à la tête du client : L’application de la loi mise à mal par l’arbitraire à Casa comme partout ailleurs

Les autorités de Sidi Bernoussi n’ont pas de quoi être fières


Hassan Bentaleb
Mercredi 7 Décembre 2016

L’application de la loi peut être sélective ? Les règles de droit sont-elles devenues partielles et subjectives? Valent-elles pour toutes les personnes ou seulement pour certaines? C’est semble-t-il le cas à la préfecture d'arrondissements de Sidi Bernoussi où le caractère impersonnel et général de la règle de droit n'est pas absolu. La famille Charii en a eu le plus amer des avant-goûts. Elle a vu le  muret qui sert de clôture à sa demeure démoli sans en avoir été préalablement avertie et sans qu’une décision de justice ne lui ait été notifiée dans les règles de l’art. Pourtant, ce muret n’était pas le seul dans le quartier ni sur le territoire de Sidi Bernoussi. Mieux, sa construction remonte à plus de cinq ans.
«On a été surpris par la présence des agents de l’autorité locale sans que l’on n’ait été averti par un Moqadem ou par un avis en bonne et due forme. Pis, ces éléments ont procédé à la démolition sans même avoir frappé à notre porte pour nous informer de ce qui advenait. Ce sont les coups de massue  qui nous ont fait sortir de notre maison », nous a indiqué un membre de la famille. Et d’ajouter : « Et notre surprise fut grande lorsqu’on a appris de la bouche du responsable de l’habitat au sein de la préfecture que le dossier de démolition a été adressé en février dernier au tribunal par les services de la commune dont l’ancien responsable a été suspendu de ses fonctions suite aux nombreuses violations constatées au niveau du secteur de la construction au sein de cette commune».
Une aberration patente ! En fait, la décision de démolition suit une procédure précise définie par les articles 64 et suivants du dahir du 17 juin 1992 portant promulgation de la loi N° 12-90 relative à l’urbanisme.  Ce dernier stipule que « les infractions aux dispositions de la présente loi et à celles des règlements généraux ou communaux de construction et d’urbanisme sont constatées par  les officiers de police judiciaire, les fonctionnaires communaux chargés du contrôle des constructions ou commissionnés à cet effet par les présidents des collectivités locales en vertu des prescriptions du dahir du 30 septembre 1976 formant Charte communale, les fonctionnaires de l’administration de l’urbanisme commissionnés à cet effet et les fonctionnaires de l’Etat commissionnés à cet effet par le ministre chargé de l’Urbanisme ainsi que tout expert ou architecte commissionné à cet effet, à titre exceptionnel, par le président du conseil communal (CC) concerné ou par l’administration de l’urbanisme ».
Une fois l’infraction constatée, l’agent responsable établit un procès-verbal qu’il transmet dans les plus brefs délais au président du CC, au gouverneur concerné et au contrevenant. Dès réception du procès-verbal, et lorsque les travaux de construction sont en cours, le président du CC notifie au contrevenant l’ordre d’arrêter immédiatement le chantier. Ensuite, le président du CC dépose une plainte entre les mains du procureur du Roi compétent aux fins d’engager les poursuites à l’encontre du contrevenant et en informe le gouverneur ou le wali. Lorsque les faits constitutifs de l’infraction peuvent être rattrapés, car ils ne présentent pas un trouble grave aux règlements d’urbanisme ou de construction violés, le président du CC ordonne au contrevenant les mesures qui s’imposent pour faire cesser l’infraction dans un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours ni excéder 30 jours. Si à l’expiration de ce délai, les faits constitutifs de l’infraction ont pris fin, les poursuites de ce chef sont abandonnées. En revanche, si à l’expiration de ce délai le contrevenant n’a pas exécuté les ordres qui lui ont été notifiés, en l’occurrence une construction sans autorisation préalable, alors que celle-ci est exigible, le gouverneur peut, sur demande du président du CC ou d’office, et après que la plainte eut été déposée, ordonner la destruction totale ou partielle des constructions irrégulières.
Cet ordre de démolition est notifié au contrevenant et précise le délai qui lui est accordé pour effectuer les travaux afférents à cette démolition, délai qui ne peut excéder 30 jours. Si dans le délai fixé, la démolition n’a pas été effectuée, il y est procédé par l’autorité locale aux frais du contrevenant. Enfin, la démolition de la construction mise en cause ne fait pas obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires et ne met pas fin à celles préalablement engagées.
Pourtant, la famille Charii n’est pas à sa première surprise.  En effet, elle va découvrir par la suite que le dossier en question comporte un document attestant qu’elle aurait bel et bien reçu un avis de démolition en mars dernier portant la signature de l’un de ses membres. « Quelqu’un s’est fait passer pour notre grande sœur et a signé le document en question. On ne sait pas s’il y a eu usurpation d’identité ou falsification de signature de la part d’une tierce personne », nous a précisé notre source.  Et de s’interroger : « Est-ce une manœuvre pour nous confisquer notre droit du recours devant la justice ? Y a-t-il eu complicité des autorités locales ? Et pourquoi uniquement nous et pas les autres, étant entendu que le muret en question n’est pas le seul à avoir été érigé dans les environs, qu’il a été construit il y a plus de cinq ans et qu’il ne consiste pas une entrave à la circulation ».
Comment peut-on expliquer cette situation ? Les regards de la famille Charii se tournent du côté de leur voisin qui se croit au-dessus de la loi et qui se targue d’avoir des relations avec des personnes haut placées. « Il n’a cessé de menacer de faire démolir notre cloison prétendant qu’il a le bras long pour le faire », nous a confié un autre membre de la famille. Et de conclure : « Ce même voisin a harcelé à maintes reprises notre sœur au point de l’avoir agressée physiquement. Le hic, c’est qu’on a déposé plusieurs plaintes contre lui, mais en vain. Un jour, il a même osé menacer des témoins dans l’enceinte d’un commissariat au vu et au su des agents de police. Je me demande si on vit dans un Etat de droit ou dans une jungle».


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