Brève lecture dans “Sexe et mensonges” de Leila Slimani


La sexualité est une problématique présente dans la création littéraire marocaine contemporaine

Par Mustapha Jmahri (Ecrivain)
Lundi 16 Octobre 2017

Si Leila Slimani excelle dans l’écriture de romans, cela ne suffit pas pour  réussir un essai de sociologie ou d’enquête sociale. Son dernier livre, intitulé « Sexe et mensonges, la vie sexuelle au Maroc » paru récemment aux éditions des Arènes, en est la preuve. Il n’est plus un secret pour personne que ce genre d’écrits trouve beaucoup d’intérêt auprès du lecteur européen et singulièrement français mais pour un lecteur marocain il n’apporte pas beaucoup de nouveautés. Il relate des choses qui ont déjà été dites notamment dans les travaux de Soumia Naamane-Guessous, dans les anciens magazines comme Lamalif, Kalima et Al-Asas ainsi que dans la création littéraire des années 1970. Ceci dit tout nouveau témoignage reste toujours enrichissant.
Dans la page 4 du livre, Leila Slimani avoue que la sexualité est d’ailleurs une problématique présente dans la création littéraire marocaine contemporaine « puisqu’on la retrouve chez Mohammed Choukri, Tahar Ben Jelloun, Mohammed Leftah et Abdellah Taia ». Cependant dans cette série de noms, elle oublie de citer celui, incontournable, de Mohammed Zefzaf. Cet écrivain est le premier, avant tous ceux qu’elle a cités, à avoir abordé abondamment cette problématique dans ses nouvelles, romans et interviews. Selon une étude de Miloudi Belhaddioui (in Libération du 9 juillet 2013), dès les années 1970, Mohammed Zefzaf s’est préoccupé de ce qui est caché dans la société. Ce professeur souligne : « Il semble que Mohammed Zefzaf cherche avec soin à exprimer une vérité plus accessible dans le vécu quotidien à travers lequel émerge un excès de visibilité des tabous et des fausses croyances. Les figures de l’érotico-sexuel (sexe, fesses, viol, brutalité…), de l’idéologique (chien, Moshé, …) et du culturel (contact avec les Européennes) sont des discours à facture critique et analytique d’une société perverse ».
D’autant plus que le nom et les écrits de cet auteur sont plus connus chez le lecteur marocain que certains noms sus-cités. Abdellah Taia par exemple est presque inconnu au Maroc contrairement à celui de Mohammed Zefzaf et ce qu’il représente dans la littérature marocaine contemporaine. 
La réalité sexuelle au Maroc est très complexe à aborder. Le problème est lié, entre autres, à la situation sociale, économique et culturelle du pays. Certes il y a une misère sexuelle en particulier chez les jeunes qui, à mon avis, est conditionnée surtout par la situation précaire de cette tranche de la population imprégnée par une certaine culture. Ajoutons que la génération actuelle n’a pas bénéficié d’un enseignement public adéquat. Dans les années 1970, par exemple, la précarité des jeunes existait mais ils bénéficiaient d’un bon enseignement qui leur ouvrait l’esprit et leur traçait le chemin de l’espoir. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Ceci dit, il est tout à fait inconcevable qu’un pays africain, maghrébin, arabo-berbère et musulman adopte entièrement la culture d’un pays occidental. Pour un pays d’une culture donnée, il est presque impossible d’adopter la culture d’un autre pays. Les comportements et les attitudes, individuels ou collectifs, diffèrent d’un pays à l’autre. Pascal disait : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Pour le cas du Maroc, pays en mutation, cette différence de comportement ne concerne pas uniquement le domaine sexuel mais elle existe à tous les niveaux : dans le rapport avec la religion, avec l’écologie et la propreté, avec le travail et le respect des horaires, etc.
Par ailleurs, en lisant les témoignages produits dans le livre de Leila Slimani, on voit bien que plusieurs femmes qui témoignent ont eu des rapports sexuels consentis. Un seul problème, à mon sens, revient comme un leitmotiv dans le livre c’est celui de la virginité. Cela reste, bien sûr, du domaine de la vie privée et du choix de la personne. Mais faut-il le rappeler, au Maroc, la perte de la virginité est perçue différemment d’une personne à l’autre selon son niveau social, économique et culturel. Cependant, dans toute la vie il y a des choix à faire et comme le dit le proverbe allemand : « Celui qui a le choix a aussi le tourment ». Cela est valable pour tous les humains.



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