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Benkirane veut museler l’opposition

Le leader du PJD est dans l’incapacité d’adopter la posture d’un chef de gouvernement


Narjis Rerhaye
Vendredi 3 Janvier 2014

Benkirane veut  museler l’opposition
«Des méthodes qui tiennent à la terreur». «Un discours dangereux et irresponsable». «Un mode de gouvernance populiste». «Des pratiques qui rappellent les années de plomb». Depuis mardi, le personnel politique est sous le choc.  Le dernier grand oral de l’année du chef de gouvernement a fini par plomber une fin d’année qui avait déjà mal commencé. A la traditionnelle séance mensuelle d’interpellation du chef de gouvernement sur la politique générale du gouvernement, Abdelilah Benkirane a distribué ses mauvais points et surtout porté des accusations graves. C’est l’ancien allié de la majorité passé à l’opposition, l’Istiqlal, qui s’est attiré les foudres de celui qui préside aux destinées de l’Exécutif. La défection des Istiqlaliens ne passe toujours pas. Et Benkirane l’a bruyamment fait savoir.
«Nous ne sommes pas comme certains partis dont les membres ont des appartements à Paris et des milliards de dirhams sur des comptes », a déclaré le chef de gouvernement du haut de la  tribune parlementaire, alors qu’il était interrogé sur le gel du dialogue social.
L’allusion est claire. C’est l’ancienne ministre de la Santé, l’Istiqlalienne Yasmina Baddou qui est visée, le chef de gouvernement reprenant à son compte des informations publiées par certains journaux de la place.  
Pour les députés du plus vieux parti marocain, c’est la goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà plein de toutes les déclarations à l’emporte-pièce de Benkirane. Sous la Coupole, l’incident éclate… sous un  rire étrange  du chef de gouvernement. La séance est levée. 
Elle a un goût amer quand elle reprend. Le mal est déjà fait. Pour Adil Benhamza, le porte-parole de l’Istiqlal, “Benkirane représente le niveau zéro d’un homme d’Etat”. 
Le constat tombe comme un couperet et il fait mal jusque dans les rangs de la majorité où on a du mal à cacher sa gêne.  «Le chef de gouvernement devait faire le point sur le dialogue social. Il s’est empêtré dans un clash dont on n’avait pas vraiment besoin», regrette ce ministre du gouvernement Benkirane.
«Abdelilah Benkirane prend-il la mesure de tous ces propos?» Ce jeudi 2 janvier, la question traverse l’échiquier d’un bout à l’autre.  «Un chef de gouvernement peut-il valablement se comporter de la sorte? Quelle image donne-t-il de l’homme d’Etat en lançant  des accusations sur le ton de la menace? En fait, M. Benkirane est incapable d’adopter la posture du chef de gouvernement. A l’évidence, il n’arrive pas à se comporter en tant que chef de gouvernement de tous les Marocains. Il continue d’agir  comme s’il n’était que secrétaire général du PJD», soutient ce député de l’Union socialiste des forces populaires. «Il veut museler l’opposition et il montre bien qu’il n’a pas le sens du débat», poursuit ce socialiste.
A l’Istiqlal, le mécontentement est général. «Trop, c’est trop !» font savoir les parlementaires du parti de la balance décidés à ne pas se taire devant les dérapages incontrôlés ou pas du chef de gouvernement. Une réunion des députés du groupe parlementaire «Pour l’unité et l’égalitarisme» est convoquée dans l’urgence.  Dans un communiqué, ils diront tout leur étonnement devant «les déclarations irresponsables du chef de gouvernement lors de la séance mensuelle devant la Chambre des représentants, en principe consacrée au gel du dialogue social». «M. Benkirane a accusé l’opposition de fuites de capitaux sans la moindre preuve. Notre groupe parlementaire appelle l’autorité judiciaire à ouvrir une enquête dans l’immédiat. Un chef de gouvernement doit avoir la preuve de ce qu’il avance et agir en conséquence», commente un député de l’Istiqlal au sortir de la réunion de son groupe parlementaire.
En attendant l’Istiqlalienne Yasmina Baddou, celle par qui le clash est arrivé, affiche une sérénité à toute épreuve. Dans une déclaration accordée à un quotidien arabophone, l’ancienne ministre de la Santé affirme être la propriétaire d’un appartement à Paris, et non pas deux.  «L’achat de ce bien date d’il y a une quinzaine d’années», précise celle qui est membre du comité exécutif de l’Istiqlal. C’est-à-dire bien avant qu’elle ne soit ministre ou qu’elle ait des responsabilités politiques.  
Mais c’est tout le rapport d’Abdelilah Benkirane à la démocratie qui pose aujourd’hui problème. Le patron des islamistes tolère de moins en moins les divergences et semble ne plus supporter qu’on lui fasse opposition. «De là à gouverner sans contre-pouvoir, il n’y a qu’un pas que le chef de gouvernement veut franchir. Tant pis pour la démocratie, la nouvelle Constitution, les urnes qui l’ont portées au pouvoir», conclut cette députée du Parti authenticité et modernité. 


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