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Analphabètes et édiles : Triste spécificité marocaine

Un élu communal sur six n’a jamais été à l’école


Hassan Bentaleb
Jeudi 9 Novembre 2017

 C’est grave docteur ! Sur les 30.663 élus que compte le Royaume, 4.739 n’ont  jamais mis le pied dans une école, soit un élu communal sur six. Pis, le nombre des élus dont le niveau  scolaire ne dépasse pas celui du primaire s’élève à 8.792 au niveau des communes, 212 au niveau des conseils préfectoraux et provinciaux et 44 au niveau des régions, précise un document du ministère de l’Intérieur cité par le site Hespress. En détail,  30% des conseillers communaux ont fait des études secondaires, 29% ont un niveau primaire et 15% n’ont aucun diplôme scolaire.
Le même document a indiqué que le nombre des conseillers analphabètes au niveau des conseils des préfectures et provinces  est de l’ordre de 53 personnes sur 1.563 et 7 au niveau des conseils régionaux.
Des statistiques datant des dernières élections communales et régionales de 2015 ont révélé que la situation est plus inquiétante dans certaines régions telles que Marrakech-Safi où près du quart des élus (24,81%) n’ont aucun niveau d’éducation.
« Ces statistiques démontrent que le taux d’encadrement des collectivités locales est très faible. En fait, on compte seulement 6.000 élus ayant poursuivi des études universitaires sur un total de 30.663, soit 8% », nous a indiqué Abdelhamid Najh, spécialiste des collectivités locales. Et de poursuivre :  « Cette situation est des plus inquiétantes puisqu’il s’agit de la gestion de collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière et chargées de l’exercice de compétences relatives  à l’organisation des services publics de proximité, à l’aménagement de l’espace et au développement local ».
Notre source nous explique que la présence des édiles analphabètes au sein des conseils communaux ou régionaux  a certainement des effets néfastes  sur  les  institutions, sur la gestion de leurs ressources humaines, sur leurs relations de proximité avec les citoyens et sur les projets de développement. « Qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition, ils impactent négativement la gestion quotidienne des instances où ils officient. Le vrai danger réside dans le fait qu’ils sont faciles à manipuler puisqu’ils n’ont pas de projets à défendre. Ils suivent souvent et, parfois aveuglément, le leader politique ou le  notable qui dicte ses propres choix et décisions », nous a-t-elle précisé. Et de poursuivre : « Pire, les élus analphabètes ne maîtrisent pas les questions d’ordre technique et ignorent les procédures en vigueur. Et souvent, ce sont les directeurs généraux ou les chefs de services qui prennent les décisions à leur place et font signer à ces édiles des documents dont ils ignorent le contenu. Certains de ces élus ont même signé leurs propres démissions sans le savoir ».
Notre spécialiste pense que les partis politiques assument une grande responsabilité dans ces choix. « Peu nombreuses sont les formations politiques qui parient sur des candidatures d’élus ayant un niveau d’instruction supérieur telles que l’USFP, le PSU, le PJD et le PI.  La majorité des autres partis ne fait que du remplissage de listes. Peu importe le profil, l’essentiel est d’établir des listes de candidatures », nous a-t-il déclaré.  Et d’ajouter : « Il faut également préciser que les personnes ayant un niveau scolaire supérieur ont du mal à pouvoir accéder à ces institutions et c’est pourquoi il faudra revoir la loi en établissant des listes spéciales en faveur de ces personnes.  En fait, les collectivités locales ont besoin de cadres et de profils pointus à l’image de ceux du secteur privé».
Concernant l’accès des jeunes à ces instances électives, le document du ministère de l’Intérieur a révélé que le taux des jeunes de moins de 25 ans reste très faible au niveau des préfectures et provinces (2 élus) et des régions (4 élus) tandis qu’au niveau des communes, on n’enregistre que 769 conseillers jeunes.  
La même source a indiqué que le nombre des élus n’exerçant aucune activité et qui sont classés comme chômeurs a atteint 1.548 au niveau des communes et 20 au niveau des préfectures et provinces contre 29 au niveau des régions.
En commentant ces chiffres, notre expert  estime que ces statistiques reflètent une réalité connue de tous, à savoir que plusieurs candidats aux élections communales ou régionales considèrent ces scrutins  comme une manière de trouver un emploi. « Nombreux sont ceux qui se sont portés candidats pour avoir un poste d’emploi à la fin de leur mandat. C’était le cas lors de la mise en place du suffrage par liste individuelle où plusieurs chômeurs s’étaient présentés et ont réussi à décrocher un job après avoir cessé de faire la politique».  
Abdelhamid Najh croit également que le temps est venu pour relancer le débat sur la réglementation des conditions de dépôt des candidatures des élus et la définition des critères pour postuler à un poste électif. « Sous d’autres cieux, les collectivités territoriales sont un passage obligé pour briguer un mandat législatif ou devenir un homme d’Etat.  En effet, il ne devrait pas y avoir d’autodidacte dans la politique. Il s’agit d’un long processus d’apprentissage. Et avec des élus analphabètes on risque gros ».


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