Ahmed Boulane : On ne peut pas tout filmer au Maroc

​Le réalisateur marocain Ahmed Boulane n’a certainement pas sa langue dans sa poche et son franc-parler décapant est loin de plaire à tout le monde.


Propos recueillis par Mehdi Ouassat
Lundi 6 Mai 2019

Ahmed Boulane : On ne peut pas tout filmer au Maroc
​Le réalisateur marocain Ahmed Boulane n’a certainement pas sa langue dans sa poche et son franc-parler décapant est loin de plaire à tout le monde. Ce qui lui a valu d’être qualifié d’enfant terrible du cinéma marocain. Il a récemment publié, aux Editions Orian, son premier livre «Ma vie est belle», une autobiographie imagée, cinématographique  et sans compromis.


Libé : Vous avez récemment publié votre premier livre «Ma vie est belle». Quel en a été l’élément déclencheur ?

Ahmed Boulane : L’idée d’écrire un livre, qui raconterait ma propre histoire, m’est venue à la fin des années 1980. J’étais encore assistant-réalisateur dans des films internationaux, le cinéma marocain étant à l’époque quasi inexistant. Je n’avais aucun rêve de devenir réalisateur car cela me semblait impossible. Les rares réalisateurs à ce moment-là galéraient pour faire leurs films. J’avais, toutefois, réalisé à l’époque deux courts-métrages, une fiction et un documentaire, qui ont réveillé en moi une envie d’écriture que j’avais déjà exercée, très jeune, à travers quelques pièces radiophoniques et chansons. 
En 1996,j’ai réalisé«Voyage dans le passé», un court métrage qui constitue un petit chapitre de ce livre et avec le succès qu’il a rencontré, il m’a semblé possible de raconter mon histoire dans un long-métrage. J’ai alors fait «Ali, Rabiâa et les autres», un film écrit en 1997 et réalisé en 2000 qui, lui aussi, a connu un franc succès à la fois critique et public et a fait de moi un réalisateur confirmé mais quelque peu frustré, car je n’avais pas raconté l’intégralité de mon histoire, et ce pour plusieurs raisons. Puis avec le temps, la maturité et l’encouragement des amis et des proches, j’ai entamé l’écriture de ce livre et j’ai éprouvé un grand plaisir à le faire. La satisfaction de l’écriture fut grande, car elle m’a redonné une liberté que je n’avais plus ressentie depuis longtemps. Je raconte mon histoire avec beaucoup d’honnêteté et sans calcul, car à la différence d’un film, on n’a aucun compte à rendre.

Beaucoup d’écrivains rêvent de passer derrière la caméra. Vous, vous opérez le cheminement inverse.
Il faut dire que je ne troque pas ici ma casquette pour devenir auteur. Entre les lignes de ce livre, dans le découpage, dans le style, au fil de la narration, le cinéma est bien présent, mais l’écriture est plus libre et plus audacieuse. 

Vous dites que vous êtes souvent victime de censure. Est-ce que vous parlez dans votre livre de choses que vous n’avez pas pu filmer ? 
Absolument. Dans ce livre, il y a beaucoup de choses que je n’ai pas pu dire dans mes films pour de différentes raisons. D’abord par manque de moyens. On ne peut pas tourner de grands films où l’on va au bout de notre projet avec très peu d’argent. Ensuite, il y a le grand problème de censure. Alors j’ai écrit et j’ai dit ce que je ne pouvais filmer. L’écriture permet d’autres formes de liberté, et cela m’a permis de passer à autre chose en attendant mon prochain film.

Est-ce qu’on ne peut pas tout filmer au Maroc ?
Contrairement à d’autres, je ne m’en cache pas, on ne peut pas tout filmer au Maroc. Il y a de grandes lignes rouges qu’on ne peut franchir sans y laisser beaucoup de plumes. Mais quand on veut faire un bon film, il faut d’abord être libre. Et je peux vous assurer que personne n’est libre. Le seul à l’être c’est Nabil Ayouch qui reçoit des financements de l’étranger pour des raisons faciles à deviner. Il n’y a que ceux qui reçoivent des financements de l’étranger qui sont libres.
Mais il faut souligner que le cinéma marocain a connu des jours meilleurs, entre 2000 et 2010, où les cinéastes pouvaient faire des films osés. Mais depuis ça a changé et je pense que cela est dû à la politique menée par les gens qui nous gouvernent.

Quel regard portez-vous sur ce qui se fait actuellement en matière de sitcoms et de séries télé ? 
Pour être sincère, je ne regarde pas cela et je ne le fais pas non plus ! J’avais l’occasion de le faire au début des années 2000 et devenir millionnaire mais j’ai toujours refusé. 

Quels sont les acteurs étrangers que vous appréciez particulièrement ? 
Ils sont nombreux. Citons l’Américain James Franco qui a été révélé au grand public grâce à son rôle dans la trilogie Spider-Man. Il y a aussi le célèbre Britannico-Américain Christian Bale et l’autre Américain Joaquin Phoenix qui s’est fait connaître grâce à son interprétation de Commode dans «Gladiator» de Ridley Scott, et qui lui a valu une nomination à l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle et définitivement lancé sa carrière.

Avez-vous des projets en cours ?
J’ai récemment déposé un nouveau projet de film à la commission d’aide à la production et je serai le 25 mai courant à la Galerie Kent à Tanger pour une séance de signature de mon livre «Ma vie est belle».


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