FIDADOC: Plongée dans l'univers de l'industrie du jute avec le film "The Golden Thread"

Mardi 17 Juin 2025

FIDADOC: Plongée dans l'univers de l'industrie du jute avec le film "The Golden Thread"
Le Festival international du film documentaire d'Agadir (FIDADOC) a offert, lundi, un moment de cinéma d'une rare intensité avec la projection du film "The Golden Thread" de la réalisatrice indienne Nishtha Jain, rendant hommage à un monde ouvrier en voie d’effacement, filmé avec une grâce visuelle et une acuité politique saisissantes.

Présenté dans le cadre de la rétrospective consacrée à l’œuvre de la cinéaste, ce long-métrage "nous entraîne au cœur d’une usine centenaire près de Calcutta, où le jute est transformé dans une ville-usine tentaculaire, peuplée de machines d'un autre âge et d’ouvriers aux gestes réglés comme une chorégraphie mécanique".

Un ballet infernal se joue dans ces lieux hors du temps, où la beauté presque picturale des images contraste violemment avec la dureté des cadences et la précarité des vies broyées par le rythme de la production.

A travers ce dispositif formel d’une grande maîtrise, Nishtha Jain ne cherche pas à expliquer, mais à faire ressentir l’usure des corps, l’effacement des rêves et le poids d’une histoire industrielle qui persiste à exister, sans mémoire et sans avenir.

"Je voulais filmer cette usine comme un lieu vivant. Ce qui m’a bouleversée, c’est ce paradoxe : un lieu magnifique, architecturalement sublime, mais rempli de fatigue, de résignation et parfois de colère", a expliqué la réalisatrice à la fin de la projection.
"C’est un espace d’ambivalence, où la poésie visuelle ne doit pas anesthésier la souffrance", a-t-elle dit.

Diffusé pour la première fois au Maroc, le film a profondément marqué le public du FIDADOC par son atmosphère immersive, son travail sonore pointilleux et sa capacité à capter l’invisible, les silences et les regards absents. Le jute devient ainsi matière narrative, fil conducteur d’un monde en voie d’effondrement, mais encore habité par une humanité résistante.

La projection a été suivie d’une master class exceptionnelle durant laquelle Mme Jain est revenue sur sa démarche documentaire, sa pratique du "non-commentaire" et son attachement aux récits du Sud global.
 
"Le documentaire est pour moi un geste d’humilité. Il ne s’agit pas d’imposer un message, mais d’ouvrir une brèche, un espace où le réel se raconte lui-même", a-t-elle souligné dans une déclaration à la MAP.

Réalisatrice engagée et pédagogue reconnue, Nishtha Jain a également partagé sa vision d’un cinéma du réel sans compromis, à la croisée de l’esthétique et de l’éthique.
Organisé à l'initiative de l'Association de culture et d’éducation par l’audiovisuel (ACEA), le FIDADOC, qui se poursuit jusqu’au 18 juin à Agadir, offre aux cinéphiles et passionnés du cinéma du réel au Maroc l’occasion de découvrir une sélection exigeante et engagée de films documentaires internationaux, en présence de leurs auteurs et de plusieurs invités de marque.

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