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Un étrange combat pour la Coupe du monde…(I) : Arbitre : Sepp Blatter


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Lundi 31 Août 2009

Quelqu’un d‘autre convoitait très fort la Coupe du monde et pensait savoir comment l’obtenir : le Belge Eric Drossart, l’élégant président de la division européenne d’IMG (International Management Group), la société de marketing américaine créée en 1960 par Mark McCormack pour exploiter le swing et le charme du golfeur Arnold Palmer.
D’autres golfeurs, puis des tennismen, des pilotes automobiles, des skieurs, des rockstars et des mannequins avaient rejoint la liste de ses clients. IMG signait des contrats dans le base-ball, le basketball, le cricket et le rugby. Il avait acheté les droits télévisuels de Wimbledon, veillait sur l’université d’Oxford, la Fondation Nobel, des clubs de football … et Pelé. Les boys de Mark McCormack obtenaient généralement ce qu’ils voulaient, pratiquant la surenchère sur leurs concurrents. A présent, ils voulaient la Coupe du monde.
Eric Drossart négocia à cet effet un partenariat entre IMG et UFA, la filiale télé de Bertelsmann, le plus grand conglomérat de médias au monde. Ils se rendirent chacun dans leur banque et obtinrent les lettres de garantie nécessaires lorsqu’il est question d’une offre avec beaucoup de zéros.
Drossart lança sa campagne le 18 août 1995  avec une offre sidérante. « Cher Sepp, écrivit-il par fax, nous offrons 1 milliard de dollars pour les droits de la Coupe du monde 2002». Connaissant les liens privilégiés de Sepp avec ISL, il prit soin d’envoyer une copie de son offre à tous les membres du comité exécutif de la FIFA. On aurait pu croire qu’une telle offre de la part de deux sociétés en béton aurait rendu Blatter extatique. Bien au contraire. Il était furieux. Il répondit à Drossart : « Permettez-nous d’exprimer notre surprise devant le fait que vous qualifiez de «strictement confidentielle» votre lettre  au secrétaire général de la FIFA alors que des copies ont été télécopiées à tous les membres du comité exécutif de notre organisation. Nous ne sommes pas  convaincus que ce soit là la méthode la plus appropriée pour communiquer un message confidentiel. Il aurait été plus correct d’effacer ce terme impropre ».
Trois semaines plus tard, Blatter écrivit à nouveau à Drossart, à Londres. Il réclamait les détails de l’offre pour 2002 uniquement. On notera, à la lueur des événements subséquents, qu’il ne faisait aucune allusion à 2006. Il déclara également qu’il voulait ces informations dans les trente jours, soit avant la mi-octobre. Il assura à Drossart : « La FIFA planche dès à présent sur le calendrier de la procédure des soumissions».
Un mois après cette échéance d’octobre 1995, Blatter annonça à Drossart que son milliard de dollars et lui devraient attendre quelques mois encore, Jean-Marie Weber ayant des droits exclusifs de négociations jusqu’au 29 février 1996. «Nous devons respecter les droits de priorité», expliqua le secrétaire général de la FIFA.
Drossart et son équipe à IMG ne restèrent pas inactifs pendant qu’on tentait de les mener en bateau. Au Sheraton de l’aéroport de Francfort, ils rencontrèrent en privé un des vice-présidents de la FIFA, le Coréen Chung Mong-Joon, fils du fondateur de l’empire Hyundai. Quelques jours plus tard, à Paris, ils s’entretinrent avec un autre vice-président, Issa Hayatou, président de la CAF. Ils apprirent que les cinq présidents continentaux pressaient Havelange d’organiser un comité exceptionnel afin de savoir quelles étaient les offres et de les forcer, Blatter et lui, à partager les informations.  Mais il ne se passait rien.
Drossart fit alors une autre offre faramineuse : « Sachez que IMG/UFA est prête à faire à la FIFA l’offre la plus attrayante pour les droits commerciaux de la Coupe du monde 2002, et ce quelles que soient les autres propositions».
 Autrement dit, une offre pour balayer hors du terrain toute la concurrence. Datée du 7 décembre 1995, le jour même où la famille Dassler en état de choc se réunissait en cellule de crise, se demandant comment ISL allait surmonter la perte des droits olympiques. Ils avaient grand besoin de l’aide de Blatter. La leur accorderait-il?
Juste avant les vacances, Blatter écrivit à Drossart : «Joyeux Noël et meilleurs vœux pour la nouvelle année». Puis plus rien. Les mois passèrent et le 15 mars 1996, deux semaines après l’expiration de la période de négociation exclusive avec ISL, Blatter écrivit à nouveau à Drossart qu’ils étaient toujours en pourparlers avec ISL et que, concernant les droits télévisuels, ils n’avaient que récemment reçu une « offre définitive pour 2002 et au-delà ». « Et au-delà » ? Au-delà de quoi ? Toutes les discussions au cours de ces dernières années n’avaient concerné qu’un accord pour 2002 et rien d’autre. Qu’y avait-il d’autre en jeu ? Blatter promettait « la transparence dans la commercialisation des Coupes du monde »… Les « Coupes » ? Quelles « Coupes » ? D’où venait ce pluriel soudain ? Une faute de frappe ? Drossart ignorait toujours quand la FIFA lui parlerait de son offre.
Il en apprit davantage en lisant les journaux, quelques jours plus tard. Le 19 mars 1996, Blatter fit publier un communiqué de presse révélant que non seulement il continuait de discuter en privé avec ISL mais qu’il négociait également avec un consortium international regroupant des chaînes de télévision publiques, connu dans le milieu sous le sigle CCC. Il avait été un gros client de la FIFA pour 1990, 1994 et le tournoi à venir de 1998 en France. Il paraissait difficile qu’il puisse concurrencer le milliard de Drossart. Plus étonnant encore : l’affirmation de Blatter selon laquelle la FIFA examinait « les offres soumises par d’autres parties intéressées ».  Là encore, la référence, comme si de rien n’était, à des offres pour la Coupe du monde de 2002 et « au-delà ». Mais toujours pas de référence claire à 2006.
Le 29 mars,  Drossart envoya un autre fax à Blatter : « Nous n’avons pas l’impression que la question de la représentation de la Coupe du monde soit traitée avec équité par la FIFA. Vous nous avez annoncé [il y a six mois] que vous planchiez sur l’organisation d’un calandrier pour la procédure des soumissions. Personne ne nous a jamais dit en quoi consisterait cette procédure. » Il poursuivait : « Aucune négociation, aucun dialogue n’a été établi avec nous ; cette exclusion est-elle délibérée ? » Et à quoi rimait cette histoire de droits pour plus d’une Coupe du monde ? « Nous présumons que nous jouons tous selon  les mêmes règles et que tous les soumissionnaires recevront les mêmes informations, le même dossier d’appel d’offres, les mêmes opportunités de présentation, de négociations, etc. » Drossart conclut : « Soyez assurés que nous explorerons toutes les options pour nous assurer que, dans ce processus, tout le monde est traité sur un pied d’égalité ».
A SUIVRE


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