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Sous le soleil de Californie, des dizaines de milliers d'élèves sont SDF


Vendredi 22 Mars 2019

"Manger, avoir un endroit où dormir, quelque chose à se mettre sur le dos: un enfant de sept ou huit ans ne devrait pas avoir à se soucier de ça", se désole Jose Razo, directeur de l'école élémentaire Telfair, dans la banlieue nord de Los Angeles, en Californie.
Ils jouent, étudient comme les autres, et rien ne les distingue de leurs camarades hormis parfois une inquiétude dans le regard. Pourtant, sur les 720 élèves de M. Razo, au moins un sur quatre est considéré comme étant sans domicile fixe (SDF).
Construite en 1945 et fraîchement repeinte en beige, Telfair est l'une des écoles du district de Los Angeles comptant le plus grand nombre d'enfants SDF. Faute de moyens, plus de la moitié de ses élèves s'entassent dans de petits logements partagés avec d'autres familles.
"Lorsque vous êtes une mère célibataire et que vous gagnez le salaire minimum (12 dollars de l'heure à Los Angeles), vous avez tout juste de quoi vous nourrir avec vos deux enfants", résume Jose Razo.
"Pour louer même une chambre, c'est très difficile (...) alors chaque famille prend une pièce avec deux ou trois enfants. Parfois, ils dorment même dans le salon", explique à l'AFP le directeur, dont 98% des élèves sont d'origine latino-américaine.
Environ 30% des élèves SDF en sont réduits à vivre dans des garages, pas toujours équipés de sanitaires, une situation que Jose Razo, qui a "grandi à un pâté de maison d'ici", a lui aussi connue étant enfant.
Une minorité passe de motel en motel et les plus infortunés des élèves de Telfair dorment dans une caravane, une voiture ou un refuge pour sans-abri...
Difficile de vivre dans ces conditions, sans parler des devoirs que certains font dans les toilettes, seul endroit où ils peuvent trouver un semblant de calme et d'intimité, racontent les instituteurs de Telfair.
A Telfair, près de 160 élèves sont identifiés comme SDF, mais le directeur estime qu'il faut en compter 10 à 15% de plus qui n'ont pas répondu correctement au questionnaire distribué en début d'année, essentiellement "par honte de leur situation".
Ils sont pourtant loin d'être des cas isolés. Le district scolaire de Los Angeles a recensé 18.000 enfants considérés comme étant sans domicile fixe.
Selon les statistiques du ministère de l'Education, la Californie compte environ 250.000 élèves SDF ou hébergés dans des logements précaires. Cet Etat, cinquième économie mondiale, détient le record du taux de pauvreté aux Etats-Unis lorsqu'on intègre le coût de la vie.
"Il faut briser le cycle de la pauvreté", lance Jose Razo, 44 ans. "Je raconte aux enfants mon histoire: peut-être que maintenant vous êtes pauvres mais ce n'est pas une fatalité. Etre pauvre, ce n'est pas normal", martèle d'une voix douce mais ferme cet ancien soldat du corps des Marines, qui a presque des allures de prêtre avec son pantalon et sa chemise noirs. Pour M. Razo, échapper à la pauvreté passe par les études. C'est le message qu'il répète. "Vous pouvez perdre votre maison, vous pouvez perdre votre travail, mais il y a deux choses qu'on ne pourra jamais vous enlever: votre volonté et votre diplôme". Outre les trois repas servis dans la journée, l'équipe éducative donne aussi de son temps et de son argent pour venir en aide aux enfants. "Les enseignants sont aussi assistants sociaux, infirmiers, psychologues ou parents", souligne M. Razo.
Le directeur et une institutrice ont accompagné mi-février, dans leurs voitures personnelles, dix des écoliers les plus démunis à une distribution organisée par une association.
Sac à dos, vêtements, livres... Les yeux des enfants brillent en recevant leurs dons. Sérieuse et réservée, la grande Kaila assure doctement à l'AFP que ce sont les livres qu'elle préfère. "Car lire est ce qu'il y a de plus important".
Angel, en première année à l'école Telfair, est moins policé: le petit de six ans ne quitte pas des yeux les belles baskets noires qu'il a choisies et qu'il tient absolument à garder aux pieds. "C'est indispensable, les chaussures", sourit M. Razo en le regardant s'éloigner.
Par le passé, le directeur en a lui-même acheté de sa poche à certains élèves. Un jour, quelques enfants n'étaient pas venus en classe car "il pleuvait fort et ils avaient des trous dans leurs chaussures", explique-t-il.


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