Roman Abramovitch: Rattrapé par sa loyauté envers le Kremlin


Libé
Mardi 1 Mars 2022

Roman Abramovitch: Rattrapé par sa loyauté envers le Kremlin
Devenu l'un des hommes les plus riches de Russie sur les ruines de l'URSS, Roman Abramovitch a été contraint de lâcher la gestion du prestigieux club de foot anglais de Chelsea dont il a forgé le succès, rattrapé par ses liens avec le Kremlin. Le milliardaire de 55 ans à la courte barbe blanche, jet-setteur mais discret dans les médias et réputé timide, a pris ses distances samedi avec le club qu'il possède depuis 2003, alors que l'étau se resserre au Royaume-Uni sur les oligarques russes après l'invasion de l'Ukraine. Sans mentionner l'Ukraine, il a confié les commandes de Chelsea aux administrateurs de la fondation caritative du club dont il reste, selon le journal Telegraph, propriétaire. Pour l'heure, le milliardaire qui, outre le prestigieux club, possède aussi une immense résidence dans le quartier huppé de Kensington à Londres, échappe aux foudres de Londres, qui a déjà gelé les avoirs du président russe Vladimir Poutine et de plusieurs fidèles. Mais le gouvernement britannique a prévenu qu'il prévoyait de sanctionner davantage d'oligarques réputés proches du Kremlin, alimentant les spéculations sur l'ajout d'Abramovitch à la liste des sanctionnés. Premier actionnaire du sidérurgiste Evraz, avec une fortune estimée par Forbes à plus de 13 milliards de dollars, ses activités au Royaume-Uni sont déjà une source d'embarras pour les autorités britanniques, sur fond de pressions pour mettre fin aux flots d'argent russe parfois douteux dans la City. En 2018, les médias britanniques avaient rapporté que son visa d'entrepreneur n'avait pas été renouvelé. Il a depuis limité ses apparitions dans le pays, où il pouvait se rendre sans visa grâce à sa nationalité israélienne, obtenue au même moment. Il a depuis reçu aussi un passeport portugais, mais la justice de ce pays a ouvert une enquête sur les conditions de cette naturalisation. Roman Abramovitch fait partie de ces hommes d'affaires qui se sont enrichis de manière fulgurante dans les années 90 après la mise en place de l'économie de marché en Russie, gagnant une influence politique considérable. Né à Saratov dans le sud de la Russie le 24 octobre 1966, orphelin dès son plus jeune âge et élevé par son oncle, le jeune Roman a grandi en partie dans le Grand Nord russe et fait des études de mathématiques à Moscou avant de se lancer dans les affaires, en fondant des PME. Il s'avère rapidement un homme d'affaires redoutable. En 1996, le gouvernement cède la majorité des actions du vaste groupe pétrolier Sibneft pour 100 millions de dollars --une fraction de leur valeur réelle. Les titres finissent dans le portefeuille d'Abramovitch et il les revendra au géant public Gazprom à prix d'or. Du pétrole à l'aluminium en passant par l'automobile, sa fortune s'arrondit rapidement. Il finance la campagne de Boris Eltsine et a ses entrées au Kremlin, où les oligarques nouent des relations étroites avec l'entourage du président. Quand Vladimir Poutine succède à Boris Eltsine en 2000, il opte pour la prudence et prend ses distances avec la "famille" de l'ancien chef de l'Etat. Il échappe ainsi au destin de Mikhaïl Khodorkovski, opposant en exil après des années de prison, ou de son partenaire en affaires Boris Berezovski, féroce critique du pouvoir retrouvé mort chez lui en 2013, en Angleterre. Sa fidélité est récompensée d'un poste de gouverneur de la région de Tchoukotka, en Extrême-Orient russe. Un temps première fortune de Russie, il est parfois accusé d'agir dans ses opérations financières comme "sousmarin" du Kremlin. Amateur du ballon rond, M. Abramovitch rachète en 2003 un club phare de la capitale britannique, Chelsea. Depuis l'arrivée du Russe, le CFC a connu sa meilleure période, avec cinq titres de champion d'Angleterre, deux Ligues des champions et une FA Cup. Il mène depuis une vie luxueuse à l'abri des médias, détenant un yacht, Eclipse, si long (162 mètres) qu'il ne peut pas s'amarrer au "quai des Milliardaires" d'Antibes sur la côte d'Azur française. Père de sept enfants, il se sépare en 2017 de sa compagne Daria Joukova, fondatrice d'une galerie d'art contemporain de Moscou. Soucieux de sa réputation, il obtient fin 2021 des excuses de l'éditeur d'un livre sur Vladimir Poutine de la journaliste britannique Catherine Belton, dans lequel il est affirmé que le président russe a supervisé un vaste exode d'argent sale pour étendre l'influence de son pays à l'étranger.


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