Ramadanienne de Mohamed Bakrim: De la ville et d'autres choses


Mohamed Bakrim
Jeudi 10 Septembre 2009

Ramadanienne de Mohamed Bakrim: De la ville et d'autres choses
Le Ramadan nous offre l'occasion d'un retour sur soi…postulat juste aussi bien pour les individus que pour les collectivités. Pour celles-ci, cet effet miroir n'est pas reluisant. Pourquoi cette débauche d'énergie dans la rupture du lien social en position contraire avec les percepts religieux et profanes. Pourquoi ce retour de l'anarchie sociale. J'use du vocable anarchie faute de mieux même s'il ne correspond pas à la réalité du désordre caractéristique de nos villes, par exemple. L'anarchie est en effet un choix de vie qui puise ses racines dans des ressources philosophiques qui ont pensé une  forme de riposte à l'ordre bourgeois. Or ce qui a dominé dans nos villes jusqu'à présent, c'est une sorte de non sens n'obéissant à aucune logique finissant par créer une sorte de no man's land ne relevant ni de la campagne ni de la ville.
On avait rêvé le développement comme une progression constante de l'urbanité sur la ruralité. La ville comme projet de société intégrant petit à petit la campagne à une appartenance commune à la modernité. Que non, on s'est réveillé au début du troisième millénaire avec la campagne à portée de main. Dans n'importe quel quartier de Casablanca, on pouvait se servir en différents produits de consommation sans besoin de grands déplacements. Chaque groupement d'habitations avait fini par avoir sa propre souika. La ville entière était en fait un grand souk. Certes cela exprime des tendances lourdes du point de vue économique et sociologique. Mais il était aussi révélateur sur le plan de  la culture urbaine et la conception de la politique publique. Cela ne dénotait pas finalement une absence de l'Etat mais traduisait un rapport spécifique à l'Etat. Il ne s'agit pas de raisonner en termes de retour de l'Etat. Non, l'Etat était toujours là, seulement sa présence cautionnait ce fait pour favoriser des pouvoirs parallèles pour neutraliser toute velléité d'organisation civique sur des bases urbaines. L'économie informelle avait fini par s'ériger en infrastructures développant une superstructure avec toutes ses composantes culturelles et politiques. L'élite urbaine classique a été noyée dans un nouveau conglomérat social qui n'a pas d'assises en dehors de structures floues de l'informel. Des élus locaux ont émergé de cet espace imposé à la ville, une armée de réserve électorale a été ainsi créée. La gauche qui avait ses fiefs dans les grands centres urbains s'est trouvée laminée par l'arrivée de nouvelles couches sociales apatrides sur le plan urbain mais officialisées par l'inscription sur des listes électorales fabriquées pour les besoins de la cause.
Est-il tard pour réformer ? Les gens n'ont plus la notion du respect de la vie collective ; toute velléité de manifestation de l'autorité publique pour récupérer les trottoirs et autres espaces destinés aux manifestations de la vie en cité est perçue comme un excès d'autorité. Ce n'est pas trop d'Etat qui crée l'autoritarisme, c'est l'accoutumance à son absence qui développe un sentiment d'appréhension de la vie publique. Il y a aussi une certaine paresse civique. On n'aime pas faire la queue pour bénéficier d'un service, on cherche à faire intervenir une connaissance pour passer avant les autres ; on n'aime pas longer ses pas vers le marché pour s'approvisionner en lieux organisés, on préfère le faire sur le trottoir d'en face. C'est pour dire que toute politique qui vise à récupérer l'espace urbain doit intégrer un projet d'ensemble qui fait appel à un nouveau rapport à la cité. Est-ce que nous avons les moyens d'y parvenir ? Pour ne pas paraître sceptique, je préfère surseoir à la réponse.
De machiavel
Le Prince, livre majeur de Machiavel et référence en matière de science politique, avait été imaginé, écrit, non pour changer le monde mais pour  renforcer l'ordre existant. Le machiavélisme n'est rien d'autre qu'un mode d'emploi pour tirer profit de la situation établie. Il n'invente rien, il renforce les pratiques existantes en matière d'exercice du pouvoir. Et au cœur de celles-ci, il y a la dissimulation. L'enseignement fondamental de Machiavel est qu'il n'y a pas de pouvoir possible sans dissimulation.
L'anti-Machiavel de Voltaire part d'un autre principe, celui qui fonde la philosophie des Lumières, celui des intellectuels critiques qui dénoncent le despotisme, «cette forme de pouvoir qui, par des voies secrètes, se fait publiquement obéir”. Le changement dans l'exercice du pouvoir  commence par la mise à nu, le dévoilement  permanent de la dissimulation et de la simulation comme techniques de l'exercice du pouvoir.
Cela ne peut être que l'œuvre des progressistes formés à l'école de l'humanisme. Car pour prôner le changement, il faut croire en l'homme. Toute réforme ne peut aboutir que si l'on croit à la perfectibilité de l'homme. L'anti-Machiavel comme manuel de changement  vise à dissiper l'ignorance, généraliser la transparence et assurer une libre circulation de l'information, un autre attribut du pouvoir.
Autrement et par rapport à l'expérience vécue, on aura plutôt tendance à partir du postulat que l'homme est mauvais, alors la révolution est nécessaire pour arriver au constat que l'homme est mauvais, donc la révolution est inutile.


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