Le film sud-coréen “Parasite” entre dans la légende des Oscars

Premier long-métrage en langue étrangère à obtenir le prix du "meilleur film"


Mardi 11 Février 2020

Le film "Parasite" du réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho est entré dimanche dans la légende des Oscars en devenant le premier long-métrage en langue étrangère à obtenir le prix du "meilleur film", récompense phare d'Hollywood. "Ça semble complètement surréaliste. J'ai l'impression qu'on va me frapper et que je vais me réveiller", a lancé le réalisateur via une interprète, avant d'ajouter, en anglais cette fois-ci: "C'est vraiment foutrement dingue!" Applaudi par le gratin de l'industrie du cinéma réuni pour cette 92ème édition, "Parasite" a déjoué de façon fracassante les pronostics qui voyaient un couronnement pour "1917", du Britannique Sam Mendes. Signe de l'engouement des professionnels, le film a aussi reçu l'Oscar du meilleur scénario original, tandis que Bong Joon-ho a été sacré "meilleur réalisateur".
Mélange de thriller, de comédie familiale déjantée et de satire sur les inégalités sociales, il a également été primé dans la catégorie du "meilleur film international", auparavant baptisée "meilleur film en langue étrangère".
En recevant son Golden Globe le mois dernier, Bong Joon-ho avait lancé avec humour aux professionnels réunis pour l'occasion: "Quand vous aurez surmonté la barrière des deux centimètres de sous-titres, vous découvrirez des films étonnants".
Dimanche soir, il a reconnu que les choses étaient déjà en train de changer, grâce aux plateformes de streaming et à YouTube notamment: "Je pense que nous allons naturellement arriver au jour où le fait qu'un film soit en langue étrangère n'aura plus vraiment d'importance".
L'Académie des Oscars, vivement critiquée pour le manque de diversité dans ses choix, avait manifestement entendu le réalisateur sud-coréen, déjà récompensé par la Palme d'or au Festival de Cannes l'an dernier. Donné comme le grand favori de cette 92ème édition, "1917", film sur l'équipée de deux jeunes soldats dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, construit comme un plan séquence long de deux heures, doit se contenter de trois prix: l'Oscar de la meilleure photographie pour Roger Deakins, et deux autres dans des catégories techniques (son et effets spéciaux).
Vive déception également pour le très respecté Martin Scorsese dont le thriller politico-mafieux produit par Netflix, "The Irishman", repart bredouille malgré dix nominations, parmi lesquelles Al Pacino et Joe Pesci, sans oublier le réalisateur lui-même. Martin Scorsese a tout de même reçu un hommage appuyé et émouvant de Bong Joon-ho, rappelant comment il avait "étudié ses films à l'école".
Maigre moisson enfin pour Quentin Tarantino - lui aussi chaleureusement salué par Bong - qui jouait pourtant à domicile avec "Once Upon a Time... in Hollywood", ode à son enfance à Los Angeles et au cinéma. Le film repart avec seulement deux Oscars au total, dont un à Brad Pitt en tant que second rôle aux côtés de Leonardo DiCaprio.
Si "Parasite" a créé la surprise, l'Académie a privilégié les grands favoris du côté des comédiens. C'est Joaquin Phoenix qui a été désigné meilleur acteur pour son rôle choc de "Joker" sombrant dans la folie et le meurtre, tandis que Renée Zellweger a reçu comme prévu la statuette dorée dans la catégorie meilleure actrice pour son incarnation de Judy Garland dans "Judy".
Très ému, Joaquin Phoenix, végétarien et militant écologiste de longue date, a une nouvelle fois consacré une partie de son discours à regretter une "vision du monde égocentrique" qui aboutit à la destruction de l'environnement. Plus prosaïque mais tout aussi larmoyante, Renée Zellweger a quant à elle dédié sa statuette à Judy Garland qui "n'a jamais reçu cet honneur de son vivant".
L'Américaine Laura Dern a enfin été primée pour son rôle d'avocate impitoyable dans le divorce tumultueux mis en scène par "Marriage Story", le cadeau rêvé à la veille de son 53e anniversaire. Le triomphe de "Parasite" fera peut-être oublier les vives critiques adressées à l'Académie des Oscars pour le manque de diversité ethnique et culturelle dans sa sélection, un reproche récurrent.
La cérémonie s'était ainsi ouverte avec un numéro mené par la chanteuse noire Janelle Monae, iconoclaste assumée qui a souligné les absences criantes du millésime 2020: hormis la Britannique Cynthia Erivo ("Harriet"), tous les acteurs et actrices en lice cette année étaient blancs et aucune femme n'a été retenue chez les réalisateurs.
Pour protester à sa manière, la star oscarisée Natalie Portman avait fait broder sur sa cape le nom d'une demi-douzaine de réalisatrices qui ont selon elle été injustement snobées cette année. Pour sa défense, l'Académie des arts et sciences du cinéma a souligné que les 8.500 membres appelés à voter cette année n'avaient jamais fait la part aussi belle aux femmes dans les nominations: 65 sur 209 candidats au total.
Dans la catégorie du meilleur film d'animation, c'est le quatrième et dernier épisode de "Toy Story", favori des pronostics, qui l'a emporté, s'imposant notamment face au candidat français "J'ai perdu mon corps".
La cérémonie des Oscars a aussi été l'occasion pour le gratin d'Hollywood de saluer la mémoire de Kirk Douglas, un des derniers monstres sacrés de l'âge d'or du cinéma, décédé mercredi à l'âge de 103 ans, et la légende du basket Kobe Bryant, décédée fin janvier avec sa fille et sept autres personnes dans un accident d'hélicoptère près de Los Angeles.

Les tenues des Oscars: du rose, du noir et des messages brodés

Le tapis rouge de la grande soirée des Oscars a été le théâtre d'un défilé de mode de vedettes qui, au "glamour", ont parfois ajouté des messages d'actualité. Les robes roses et noires ont connu un moment de gloire, ainsi que quelques colliers audacieux. Certains ensembles ont eux échappé à toute tentative de catégorisation. Voici un aperçu du tapis rouge:
Plusieurs actrices ont incarné l'élégance en optant pour des tons de rose.
Laura Dern, lauréate du prix de la meilleure actrice dans un second rôle pour son personnage d'avocate inflexible dans "Marriage Story," portait une robe Armani conçue sur mesure avec un corsage noir à franges incrusté de pierres et une jupe rose poudre fluide.
A son bras figurait l'accessoire irremplaçable: sa mère et actrice Diane Ladd, elle-même nominée trois fois aux Oscars. Regina King, qui a remporté le même trophée l'année dernière pour son rôle dans "Si Beale Street pouvait parler", a ébloui le public dans une robe Versace rose tendre à encolure asymétrique, avec une seule bretelle et un corsage brillant argenté. Idina Menzel, qui a interprété la chanson nominée de "La Reine des neiges II", portait une robe J Mendel sans bretelles rouge magenta avec une imposante ceinture et un énorme collier de diamants en forme de poire. La jeune Julia Butters, qui a 10 ans et qui figurait dans "Once upon a time...In Hollywood" de Quentin Tarantino, s'est jointe à la vague de rose dans une robe Christian Siriano en coton rose bonbon.

Certaines tenues se sont immédiatement distinguées des autres.
Janelle Monae, qui a chanté pour ouvrir la soirée, a brillé dans une création de Ralph Lauren argentée scintillante. La robe dos nu était ornée de manches longues, d'une jupe très ample et d'une capuche. L'iconoclaste pop Billie Eilish, grande couronnée des Grammys il y a deux semaines, a également chanté, affublée de son look "pyjama couture" emblématique dans une veste et un pantalon Chanel blancs agrémentés du fameux logo en double C. Ses cheveux couleur citron vert et ses ongles noirs taillés pour ressembler à des griffes contrastaient avec l'ensemble. Et Billy Porter, qui a rayonné sur le tapis rouge l'an dernier dans une robe-smoking Christian Siriano, a enfilé une robe audacieuse de Giles Deacon avec un corsage sans manches doré orné de plumes et d'une jupe imprimée.
Natalie Portman, lauréate de l'Oscar de la meilleure actrice en 2011 pour son rôle dans "Black Swan", a fait savoir son opinion sur l'absence de réalisatrices féminines de la liste des nominations en arborant une cape Dior noire sur laquelle elle avait fait broder le nom de cinéastes selon elle écartées de façon injuste. Ces noms incluaient Lorene Scafaria ("Queens"), Lulu Wang ("L'Adieu"), Greta Gerwig ("Les filles du docteur March") et Marielle Heller ("Un ami extraordinaire"). "Je voulais souligner de manière subtile les femmes qui n'ont pas été reconnues pour leur travail incroyable cette année", a justifié Mme Portman.
La Syrienne Waad al-Kateab, auteure du documentaire "Pour Sama" sur la vie dans Alep assiégée, arborait elle une robe affichant des messages en arabe, dont: "Nous ne regretterons pas (d'avoir réclamé) la dignité".

Natalie Portman n'était pas la seule star à briller en noir.
Penelope Cruz a fait tourner les têtes dans sa robe licou Chanel au corsage orné du camélia blanc de la maison. Saoirse Ronan, nominée pour le prix de la meilleure actrice pour son rôle de Jo March dans "Les filles du docteur March", portait une robe Gucci au corsage noir qui explosait dans un volant de couleur crème à la taille et une jupe lilas pâle.
La plupart des hommes ont opté pour le smoking noir classique, y compris le prétendant au titre de meilleur acteur Joaquin Phoenix, qui a porté le même costume Stella McCartney pendant toute la saison des récompenses. Le réalisateur Spike Lee, qui a remporté l'an dernier la statuette du meilleur scénario adapté pour son drame "BlacKkKlansman" a foulé le tapis rouge habillé en mauve, son revers de veste portant le numéro 24 pour honorer la défunte légende du basket-ball Kobe Bryant, qui a été tué dans un accident d'hélicoptère il y a deux semaines. "Hommage. Honneur. Il nous manque à tous", a-t-il dit à la chaîne ABC.


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