La préservation du patrimoine culturel au temps du digital en débat à Rabat


Libé
Vendredi 7 Mai 2021

La préservation du patrimoine culturel à l’ère des nouvelles technologies et du digital a été largement débattue, jeudi à Rabat, par une pléiade d’experts réunis le temps d’une rencontre scientifique internationale, organisée par la Fondation pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel de Rabat.

La rencontre initiée en mode hybride a examiné, en deux panels, la question de “la digitalisation au service de la protection et la promotion du patrimoine culturel”, en partenariat avec plusieurs acteurs nationaux et internationaux, notamment le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, l’Ambassade des Etats-Unis au Maroc, l’Agence américaine de développement international (USAID), l’Agence de Développement du Digital (ADD), l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et l’Université Mohammed V de Rabat (UM5).

Intervenant à cette occasion, le directeur national du patrimoine marocain au ministère de la Culture, Youssef Khiara, a présenté une sélection de documents graphiques et orthographiques, d’archives et de croquis de différents monuments historiques numérisés, notant que “la digitalisation est avant tout une opération de documentation”. Se prévalant de la numérisation en cours dudit patrimoine, M. Khiara a indiqué que “le mode de reproduction et d’enregistrement des données est resté dominant jusqu’en 2000” et que “le recours aux nouvelles technologies de l’information fut sporadique et irrégulier”. Le cadre institutionnel permettant de préserver le patrimoine culturel a vu le jour en 1912, a-t-il tenu à souligner.

Pour sa part, le Directeur de l’école d’architecture, de planification et de design à l’UM6P, Hassan Radoine, s’est attardé sur l’impact de l’évolution des nouvelles technologies sur la planification urbaine, relevant que “la modernisation suivant les nouvelles technologies existantes a été d’actualité depuis l’époque de l’industrialisation au Maroc”.

Dans le même sens, les nouvelles technologies et l’évolution des outils digitaux actuels auront un impact sur la manière d’appréhender l’aspect culturel du patrimoine bâti et le processus de planification urbaine du tissu auquel il appartient, a-t-il expliqué. S’arrêtant sur le rôle des nouvelles technologies actuelles, M. Radoine a estimé que celles-ci “doivent impérativement s’unir aux nouveaux process d’innovation culturelle dans la préservation patrimoniale et la planification urbaine durable”.

S’agissant de la reconstitution 3D de la Tour Hassan, Sanae El Fikhi, professeure à l’Ecole nationale supérieure d’informatique et d’analyse des systèmes (ENSIAS), a indiqué que les progrès scientifiques dans le domaine des Technologies de l’information et de la communication ont ouvert la voie pour la création et la restitution patrimoniales. Pour retrouver et modéliser l’apogée de la beauté artistique du patrimoine architectural marocain, la Tour Hassan a été numérisée, grâce à la photogrammétrie et le laser 3D pour une restitution panoramique, a expliqué Mme El Fkihi dans son intervention.

De son côté, Patricia FerreiraLopes, chercheuse à l’Institut du patrimoine historique Andalou, s’est arrêté sur la transformation des données du patrimoine culturel, évoquant dans ce sens l’expérience du guide numérique du patrimoine historique andalou, un outil qui “donne un accès gratuit à toutes les informations compilées sur le patrimoine espagnol” et offre “des informations sur le patrimoine mobilier, immobilier et immatériel, et sur les paysages culturels”. De l’avis d’Avgoustinos Avgousti, spécialiste des recherches techniques sur le patrimoine culturel numérique à l’institut chypriote Cyl, le but de la digitalisation réside dans la “dissémination du patrimoine” et sa “démocratisation” grâce, notamment, aux collections numériques en ligne.

Par ailleurs, le responsable du programme au Centre du patrimoine culturel des Etats-Unis, Paul J.Fisher, a offert aux participants à cette rencontre un voyage virtuel des lieux du patrimoine archéologique et historique du centre-ville de Madaba en Jordanie, montrant par là même la “grande utilité” de la technologie 3D dans la découverte du patrimoine culturel mondial.

Depuis le Canada, Mario Santana Quintero, architecte spécialisé en documentation et conservation du patrimoine à l’Université Carleton, a mis en avant le principe des “visites virtuelles”, notant que celles-ci consistent essentiellement en plusieurs photos ou panoramas à 360 degrés organisés de manière séquentielle, donnant à l’utilisateur l’impression de se déplacer dans l’espace.

Côté photogrammétrie, l’ingénieur topographe Salim Benlemlih a mis en relief l’aspect technique de cette discipline, relevant dans ce sens que des mesures immersives peuvent être effectuées sur les sites, avec une précision millimétrée, sans pour autant toucher ou détériorer le bâtiment. Et de préciser que la photogrammétrie appliquée aux relevés des monuments et des sites est une méthode de relevé architectural qui répondant aux exigences modernes de la conservation et de la restauration.

S’agissant de la digitalisation pour la protection et la promotion du patrimoine cultuel, le professeur adjoint en architecture à l’Université Assiut en Egypte, Eslam Nofal, a passé en revue l’expérience de numérisation du complexe pyramidal de Saqqara en Égypte, ainsi que la reconstruction digitale du site Nimrud en Irak. L’intégration de la technologie numérique dans la réalité physique permet de rendre les informations sur le patrimoine plus accessibles, de manière instructive et pédagogique, à travers une expérience digitale, a-t-il fait savoir. Cette rencontre doit être sanctionnée par des recommandations des panélistes pour enrichir les nouvelles discussions sur la transformation numérique du patrimoine culturel au Maroc.

Présidée par SAR la Princesse Lalla Hasnaa, la Fondation pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel de Rabat a pour vocation de perpétuer et de transmettre les valeurs historiques, architecturales, artistiques, paysagères, matérielles et immatérielles inhérentes au Patrimoine Culturel de Rabat. Pour ce faire, elle assure la veille des projets en cours et existants, favorise la synergie entre les acteurs concernés par la sauvegarde du patrimoine et œuvre pour la sensibilisation, la promotion et l’évaluation de l’état de conservation du patrimoine.


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