La chanson marocaine : Subventionner qui et pourquoi?


PAR ABDESLAM EL KHATiB
Samedi 6 Novembre 2010

Quatre millions cinq cent mille dirhams est l'enveloppe consacrée par le ministère de la Culture à la promotion de la chanson marocaine. Cette mesure attendue depuis longtemps par les chanteurs, les paroliers et les compositeurs devrait combler le déficit en matière de production, puisqu'elle vise le lancement de 14 albums avec 45 chansons chaque année. Le dossier à constituer répond, bien entendu à certains critères, bien que la durée demandée pour chaque chanson ne dépasse pas six minutes. Le candidat doit au préalable répondre à un certain nombre de conditions qui attestent de sa qualité, en présentant registre de commerce, patente et déclaration sur l'honneur.
Certes ces conditions ne vont pas plaire à tout le monde, pas plus que les conditions imposées aux artistes pour bénéficier de la carte professionnelle et de la couverture médicale. Il existe, en effet, un manque flagrant d'organisation chez des artistes qui voudraient être totalement subventionnés sans qu'on leur demande quoi que ce soit, ne serait-ce qu’un document administratif.
Cela étant. Peut-on juger de la qualité d'une chanson d’une durée de six minutes ? On va ainsi finir par promouvoir une chanson jetable, celle qui prévaut actuellement et que l'oreille n'a même pas le temps de retenir. Dans ce cas, pourquoi ne pas consacrer cet argent à la mise en place d'une véritable industrie de production et de promotion comme il en existe dans d'autres pays arabes?  Aussi, n’a-t-on pas pensé à assumer, dans la foulée, la réalisation de vidéoclips des chansons retenues, puisque la logique actuelle dans les chansons courtes, c'est la qualité de l'image, c'est-à-dire celle du chanteur, son physique, etc et ce, d'abord pour accrocher le public,  vu le pouvoir de l’image et, pour mettre à profit, au maximum, la courte durée de la chanson.
C'est donc plus d'une industrie que nous avons besoin, plutôt que d’accorder une subvention directe qui va tuer la chanson, comme pour le théâtre. Car une sélection préalable ne peut garantir la qualité du travail fini. On se demande aussi comment sera composé le jury ou la commission qui aura à départager les candidats, sans oublier que parmi les conditions, il ya la réalisation d’une maquette qui demande à engager des frais sans pour autant être sûr  d’une éventuelle sélection.
Par ailleurs, cette question de subvention a pris de l'ampleur ces dernières années et beaucoup de chanteurs l'ont revendiquée depuis qu'il existe la même chose pour le théâtre Mais ces chanteurs qui ont toujours été derrière ce genre de revendications sont paradoxalement ceux qui produisent le moins et dont les compétences se sont avérées limitées depuis la disparition des grands paroliers et compositeurs et l'entrée en scène de la nouvelle vague qui a complètement chamboulé le paysage et prouvé que la création peut se faire sans avoir beaucoup de moyens.
A partir de là, on peut parier que c'est la nouvelle vague qui profitera le plus de cette mesure étant donné qu’elle a un large public et qu'elle a tout l'avenir devant elle. Là, on cmprendrait mieux qu'une subvention leur soit octroyée, car ces jeunes sont à leur début. Mais pour les anciens, cela risque de conduire plutôt à une léthargie qui ne fera qu'aggraver leur situation. L’on ne cmprend pas enfin comment l’Etat doit intervenir pour relancer un secteur qui entre dans le cadre de la création, d’autant que cette dernière ne peut être ni commandée ni dirigée. En arriver là, c'est rappeler ce qui se passait dans les pays de l'Est qui s'acaparaient toutes les formes d’expression, d'innovation et de création; sauf que cela devait servir l'image du parti au pouvoir. Ici, ce n'est pas le cas et si aide ou une quelconque subvention doit intervenir, elle devrait toucher le domaine de la production et de la diffusion, car il ne sert à rien de donner de l'argent pour des productions qui ne dépasseraient pas le cadre national, voire local. Alors, est-ce une bonne chose de subventionner la chanson à travers une aide matérielle directe.


Lu 479 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.











Inscription à la newsletter



services