“L’inavouable” de Mohamed Loakira : La prose poétique pour dire une déchéance de l’être


Par M.El. K (MAP)
Vendredi 12 Février 2010

Troisième volet de la trilogie de Mohamed Loakira, “L’inavouable” est un récit poétique d’une réalité sociale plutôt amère, faite de douleur, de solitude et d’exclusion. Une vie où l’être lutte pour s’évader et échapper au couperet de la déchéance.
Présentée à la médiathèque de l’Institut français de Fès, cette trilogie, composée aussi de “L’esplanade des saints et cie” et “A corps perdu”, se construit et prend forme autour du personnage de Mamoun, qui se trouve, au retour d’un long voyage, confronté à un vide poignant légué par “l’enlèvement” ou le “vol à l’arraché” comme le poète se plaît de dire de ses enfants.
Face à une solitude consternante, conjuguée à une liberté réprimée, Mamoun sombre alors dans la déprime et le désespoir mais continue, malgré tout, son combat inlassable pour la vie.
En dépit des tensions, des peurs, des leurres, des veuleries et de la perte des plus chers, Mamoun persiste et signe pour demeurer un homme libre. Il endure, non sans grande peine, des événements où le politique, le social et l’étrange s’entremêlent.
Sa vie, ou plutôt sa survie, il la vit dans l’abandon, les angoisses, l’”outrage des valeurs”, jusqu’à se complaire dans la déchéance aux rebords de la démence et de l’au-delà.
Mis à part le drame personnel de Mamoun, le livre relate le quotidien d’un échantillon de la société, avec ses joies, ses haines et ses misères. Il est aussi le témoin d’une époque difficile, assombrissant davantage la vie de Mamoun.
Par ce récit, Loakira mélange, tout en finesse, l’autobiographie et le sensationnel, la poésie et l’histoire, le conte et l’humour, voire même l’autodérision. Les frontières entre les genres et les repères sont abolies.
“Je préfère mélanger les genres, en opérant un passage inaperçu entre poésie et récit. Je ne veux pas que le lecteur s’en aperçoive”, a dit Loakira, qui répondait aux questions de l’assistance.
Son style rapide s’apparente à un éclatement de l’énonciation et un mélange des voix du narrateur, des personnages, de l’auteur, du lecteur, en cassant la linéarité du texte. Il aime, comme il le mentionne lui-même, opérer au-delà des schémas classiques de la langue en évitant de marquer des frontières ou des ruptures entre les genres.
“Les textes de Loakira sont toujours en mouvement. Ils ne sont jamais figés ou cristallisés”, commente le poète et écrivain, Abderrahmane Tenkoul.
“Loakira a ce pouvoir subtil d’interroger, à chaque fois, un moment fort de la vie en racontant avec beaucoup d’images, de formes et de peintures”, poursuit Tenkoul, doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines Dhar El Mehraz de Fès.
Outre cette trilogie, Mohamed loakira est l’auteur, entre autres, de “L’horizon est d’argile” (1971), “Marrakech” -poème (1975), “Chants superposés” (1977), “L’œil ébréché” (1980), “Moments” (1981), “Semblable à la soif” (1986), “Grain de nul désert” (1994), “Marrakech: l’île mirage” (1997), “N’être” (2002), “Contre-jour” (2004), “L’esplanade des saints & cie” -récit (2006), “A corps perdu” -récit (2008) et “Marrakech: l’île mirage” - Folio d’art accompagné d’œuvres de Nabili (2008).



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