L'Irak s'éveille aux droits de l'Homme avec un festival de cinéma inédit

Mardi 28 Février 2012

L'Irak accueille cette semaine son tout premier Festival de cinéma consacré aux droits de l'Homme avec pour ambition d'éduquer et mobiliser les citoyens, au moment où le gouvernement est accusé de revenir sur les acquis démocratiques réalisés depuis la chute de Saddam Hussein.
"La société civile a été détruite pendant plusieurs décennies en Irak et les gens n'ont aucune idée de leurs droits", explique à l'AFP Kassim Abd, le directeur du festival, organisé notamment par de associations irakiennes.
"Le Bagdad Eye constitue la toute première tentative par le biais de l'art du cinéma de faire prendre conscience et d'aider les gens à comprendre le concept de droits de l'Homme tel qu'il a été publié dans la Déclaration universelle", souligne-t-il.
La Déclaration en question a été affichée à l'entrée du hall de l'Université de Bagdad où sont projetés du 25 au 28 février les onze documentaires sélectionnés, dont cinq portent sur l'Irak.
Ils tournent autour de trois thèmes: les droits des femmes, ceux des enfants et de la jeunesse, et le droit à la liberté d'expression et d'opinion. Ces sujets sont les plus brûlants du moment en Irak, selon M. Abid.
Il en veut pour preuve la répression des grandes manifestations menées dans tout le pays en février 2011 pour réclamer de l'électricité, des emplois et moins de corruption. Seize personnes avaient péri dans des affrontements avec les forces de l'ordre, qui sont aussi accusées d'avoir par la suite harcelé et battu des militants et des journalistes.
"Les Irakiens sont en train de perdre ce qu'ils avaient gagné au cours des 7-8 dernières années" en termes de démocratisation après l'invasion américaine et la chute de Saddam Hussein, déplore M. Abid, lui-même documentariste.
Même chose pour les droits des femmes, sans lesquels toute société est vouée "à la paralysie à vie", et ceux des enfants, au sujet desquels il s'agit de "faire pression sur le gouvernement", souligne-t-il.
Le directeur n'est pas le seul à se montrer critique envers les autorités: l'ONG Human Rights Watch a récemment dénoncé le glissement vers "l'autoritarisme" d'un pays qualifié d'"Etat policier en devenir". Selon Reporters sans frontières, les journalistes irakiens font l'objet de "harcèlement quotidien", voire d'agressions, par les forces de l'ordre.
Kamil Hashim, le porte-parole du ministère des droits de l'Homme, présent à l'ouverture du festival, juge que les critiques des ONG envers l'Irak "comportent des exagérations". Il reconnaît toutefois que le festival représente "l'un des meilleurs moyens pour éduquer" le public sur ces questions.
Le gouvernement a apporté son "soutien moral" au festival, rapporte son président, l'ancien ministre de la Culture Moufid Jazairi, "mais pas de soutien financier".
La programmation inclut des documentaires étrangers comme "Ennemies of happiness", dédié au combat d'une femme politique afghane, ou "The children of Leningradsky", sur les enfants des rues de Moscou. Mais faute de moyens pour assurer leur sécurité dans une ville toujours en proie à la violence, leurs réalisateurs n'ont pu être invités.
Le festival, dont la préparation s'est heurtée à des difficultés matérielles liées à la situation à Bagdad, a été mis sur pied par des associations irakiennes avec le soutien d'une ONG tchèque, "People in need" et d'organisations internationales, dont l'ONU. Il sera également présenté dans d'autres villes d'Irak.
"Nous avons beaucoup de thèmes à passer en revue, et tout a un lien avec la dignité", relève Oday Salah, auteur d'un documentaire sur une prison pour femmes de la capitale, "Un jour dans la prison de Kazimiya". Dans les conditions actuelles, juge-t-il, "il n'y a pas de dignité pour les gens en Irak".

AFP

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