Ilham Aliev. Le satrape de l’Azerbaïdjan


Libé
Lundi 5 Février 2024

Ilham Aliev. Le satrape de l’Azerbaïdjan
Le président de l'Azerbaïdjan Ilham Aliev, qui doit être réélu le 7 février, a hérité le pouvoir de son père. Et fort de ses pétrodollars, il exerce un contrôle total sur son pays, allant jusqu'à confier la vice-présidence à son épouse.

Le dirigeant de 62 ans est régulièrement mis à l'index par les ONG du fait de la corruption et de la répression de l'opposition et des médias. Mais jamais il n'a paru aussi fort et populaire qu'aujourd'hui.

Car en septembre 2023, Ilham Aliev a réalisé le vœu de millions de ses concitoyens: reprendre le Haut-Karabakh et en chasser les séparatistes arméniens qui contrôlaient le territoire depuis une trentaine d'années.
Le dirigeant de 62 ans est régulièrement mis à l'index par les ONG du fait de la corruption et de la répression de l'opposition et des médias
 
Le fils et successeur de son père Heydar - qui avait gouverné le pays d'abord à l'époque soviétique puis après l'indépendance - a lavé, aux yeux des siens, l'affront d'une guerre perdue à la chute de l'URSS.

Le conflit de l'automne 2020 et l'offensive éclair des 19-20 septembre 2023 ont permis à Bakou de reprendre le Haut-Karabakh, provoquant la fuite de presque toute la population arménienne et ouvrant la voie au repeuplement par les Azerbaïdjanais ayant fui trente ans plus tôt. Les autorités azerbaïdjanaises nient tout nettoyage ethnique.

Une consécration pour Ilham Aliev. Pour y parvenir, il a usé de sa manne pétrolière pour renforcer son armée et son régime, ne tolérant aucune opposition.
Sa politique concernant le Haut-Karabakh et ses récents succès militaires "constituent la base de (sa) popularité élevée" et de sa "future victoire électorale", juge le politologue Farhad Mammadov.

Ilham Aliev, qui parle outre l'azerbaïdjanais, l'anglais, le français et le russe, s'est aussi efforcé d'entretenir des relations cordiales avec la Russie et l'Occident.
S'il est aujourd'hui en conflit avec la France, c'est à cause de son alliance avec l'Arménie, l'ennemi héréditaire de l'Azerbaïdjan et de la Turquie voisine.

C'est d'ailleurs sur le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui lui a vendu des armes et a apporté un soutien crucial, qu'il a compté pour faire plier le Haut-Karabakh.
Pour de nombreux observateurs, la question est désormais de savoir si Ilham Aliev compte militairement s'arrêter là et aboutir à un accord de paix avec l'Arménie, alors que des négociations chaotiques sont en cours.

Cependant, le président azerbaïdjanais est suspecté d'avoir d'autres ambitions territoriales: le contrôle de la région arménienne de Siounik pour relier l'enclave du Nakhitchevan au reste de l'Azerbaïdjan.

En novembre dernier, il s'est d'ailleurs montré martial dans un discours en marge d'un défilé militaire dans la principale ville du Haut-Karabakh.
"Tout le monde devrait savoir qu'il est désormais déconseillé de plaisanter avec nous", avait-il proclamé à l'adresse d’Erevan et ses alliés, "nous sommes prêts à nous battre sur tous les fronts".

En outre, pour ses détracteurs, la victoire au Haut-Karabakh n'a pas changé la nature de son pouvoir, l'accusant d'autoritarisme, de corruption, et de velléités dynastiques.
Pour Najmin Kamilsoy, expert indépendant basé à Bakou, le pays "se transforme en véritable dictature".

La rumeur court que ce père de deux filles et d'un garçon voit désormais son fils comme un potentiel successeur. Ce moustachu au nez proéminent a également nommé première vice-présidente sa femme, Mehriban Alieva.

Ilham Aliev entretient aussi un certain culte de la personnalité de son père, Heydar, qui avait dirigé l'Azerbaïdjan soviétique, son KGB puis le pays indépendant.
Lorsque cette figure tutélaire meurt en 2003, le pouvoir revient donc à Ilham, un jeune homme longiligne à la réputation de flambeur.

Mais le jeune président sait profiter de sa manne pétrolière. La population profite d'une rapide croissance économique. Lui installe son autorité, tout en muselant ses opposants.
"Son objectif semble être un environnement politique dans lequel la dynastie Aliev ne connaît aucune concurrence", observait un câble diplomatique occidental révélé par le site WikiLeaks.
Amnesty International se fend, sur son site, d'une introduction acerbe du pays.

"La liberté d'expression et d'association reste extrêmement restreinte. Les autorités se livrent à des arrestations arbitraires, à des poursuites politiques de militants de la société civile, répriment les manifestations pacifiques et entravent le travail d'organisations indépendantes et des médias", estime l'ONG.
Le clan Aliev, ce sont aussi des accusations de corruption, malgré les dénégations des intéressés.

Les "Pandora Papers", publiés en 2021, révèlent par exemple des transactions immobilières opaques au Royaume-Uni, comme l'achat pour 45 millions de dollars d'un immeuble de bureaux au nom de son fils.

Pour autant, fort des milliards du pétrole, Ilham Aliev a réussi à donner une certaine notoriété positive à son pays, un peu à la manière des monarchies du Golfe: Grand Prix de F1, matchs de foot d'envergure européenne, campagnes de pubs internationales...
Et en 2024, le géant des hydrocarbures accueillera la COP29, grande conférence annuelle sur le climat.


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