Exposition «Trait pour trait» jusqu’au 14 juin 2009 à la galerie Rê de Marrakech : Quand les écrivains peignent


Ayoub AKIL
Vendredi 15 Mai 2009

Exposition «Trait pour trait» jusqu’au 14 juin 2009 à la galerie Rê de Marrakech : Quand les écrivains peignent
C’est une première au Maroc. Tahar Ben Jelloun, Laure Fardoulis, Philippe Guenin, Hubert Haddad, Luis Mizon, Bernard Noël, Laurette Succar et Zoé Valdès, tous réunis le temps d’une exposition. Ces écrivains sont tous des plumes reconnues mondialement et disposent également d’un grand talent pictural. C’est ce que le galeriste et critique d’art, Lucien Viola, démontre aujourd’hui dans sa propre galerie d’art contemporain située au cœur de Marrakech. Et ce à travers une exposition intitulée «Trait pour Trait» dont le vernissage a eu lieu hier. Cet événement, qui se poursuit jusqu’au 14 juin 2009,  tend à unir toutes les pièces d’une création libre, critique et tout à fait originale. 
Il est destiné avant tout à apprécier l’état de la création artistique. Où se cache la part la plus aiguë de la création ? Vers quelle expression tendre pour être le plus en adéquation avec soi-même ? Et quelle en serait la mesure du seul plaisir ? Autant de questions auxquelles tout écrivain se voit confronté. Pour répondre à ces questions, «Trait pour trait»  a réuni des peintres écrivains ou des écrivains peintres, «avec en hôte prestigieux l’écrivain Pierre Klossowski, frère de Balthus, disparu en 2001, dont l’œuvre dessinée fut exposée à Beaubourg en 2007».  Il y aura aussi une performance «Temps» de Katia Medici, habillée par Consuelo Zoelly, bande-son de Philippe Guénin. Mieux encore, cette exposition verra la participation de Véra Goulart, une grande peintre brésilienne, qui, à travers son trait pour trait « incisif » et «baroque», développe sa touche humoristique pour le grand plaisir des amateurs de l’art contemporain.
Toujours dans la même optique, Lucien Viola se confie le rôle du porte-parole de ce propos pictural. Pour cet acteur historique de la scène art contemporain,  « tout tragique disparaît dans les dessins de Tahar Ben Jelloun». Et d’ajouter : «aussi bien dans ses fines constructions géométriques et très colorées, que dans ses dessins au trait qui sont une sorte d’errance ironique qu’un détail pourrait rendre presque comique. Un petit bonhomme à vélo, la série de personnages qui diffèrent juste par un infime détail : Tahar semble s’amuser. Ce que l’on retient, c’est cette gaîté immédiate, ce geste léger avec lequel il nous interpelle. Tahar, semble-t-il, peint juste quand il attend le silence ou bien quand il entend l’écho du poème balbutié. Poème que l’on retrouve éclaté de mille traits lorsqu’il abandonne quelque syllabe en suspens ou bien lorsqu’il lit dans son cœur l’humanité captive de son souffle ».
Alors que Zoé Valdès,  née à La Havane en 1959, l’année où Fidel Castro prend le pouvoir à Cuba est surtout connue pour  sa touche révolutionnaire castriste qui hante ses romans. Autre obsession de l’auteur: l’exil, la distance, le manque de cette terre où elle est née et qui ne veut plus d’elle. Mais cette fois-ci, on découvre une Zoé Valdès aux allures de grande peintre. Comme en témoigne Lucien Viola : « Observer La jungle de Wifredo Lam m’introduit dans l’univers profond et fondateur de la nation cubaine, aux racines du métissage, du noir, du mulâtre, du chinois, de l’espagnol, sans faire appel aux méandres de l’histoire. De là je saute vers Kandinsky, vers Pollock, le Caravage, le surréalisme réfléchi, narratif et autobiographique de Remedios de Varo. À tout moment, par un couloir inespéré de son œuvre, je m’introduis dans la forêt nocturne de Matta, dans son tissu d’écritures cerné de jaunes d’œuf et de morceaux de piment rouge. Il se fit le plus divin silence autour de la rumeur minuscule d’une tache. Je me cramponne à une image qui voyage, comme un cadavre exquis, d’un désir à l’autre et qui dans son cheminement m’introduit dans une autre image, selon l’ordre dicté par le sens».
Bref, «Trait pour trait» n’est pas seulement une exposition, mais plutôt un voyage inédit dans le temps et l’espace, dans un monde où l’écrivain et le peintre ne font désormais qu’un. Comme quoi entre la peinture et l’écriture, il y a seulement des nuances de couleurs et de mots.  


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