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Etre femme photographe: Une question de caractère plutôt que de sexe

Cette année, elles sont huit femmes sur 25 exposés à Visa, festival majeur du photojournalisme


Libé
Vendredi 2 Septembre 2022

Miser sur l'attitude en faisant fi du genre, ne pas lâcher un sujet qui tient à coeur, s'unir... du monde arabe à l'Amérique latine ou l'Europe, les femmes photojournalistes luttent pour gagner en visibilité dans un milieu très majoritairement masculin.

"Souvent des responsables de médias m'ont demandé: +Tu t'en sens capable ?+. Sous entendu: parce que tu es une femme... J'en étais plus capable qu'eux!", lance en riant Françoise Huguier, forte de 50 ans de carrière et d'un World Press Photo 1993, pour son journal de bord d'un voyage en solitaire en Sibérie.

Les femmes ne représentaient encore en 2021 que 19% des candidatures à ce prix prestigieux. Plus nombreuses sur le terrain, elles y restent minoritaires (un quart à un tiers des photographes en France, selon les enquêtes) pour des revenus souvent précaires.

"Il faudrait que les mecs s'occupent des enfants", souligne Françoise Huguier. "J'ai vu beaucoup de mes amies abandonner le métier lorsqu'elles ont eu des enfants. Moi, je n'en ai pas eus", a-t-elle confié à l'AFP, lors du Festival Visa pour l'image à Perpignan (sud de la France). Elle y présente "Toute en retrait", rétrospective de ses incursions dans les coulisses du monde, du Mali à la Russie, de Séoul à Durban, de la haute-couture aux bidonvilles.

Concilier métier et parentalité n'est pour les femmes que l'un des obstacles dans un secteur marqué par l'entre-soi masculin, des rédactions à la composition des jurys décernant les prix, selon l'Observatoire de la mixité de l'Association Les filles de la photo.
 Cette année, elles sont huit femmes sur 25 exposés à Visa, festival majeur du photojournalisme.
 
 Françoise Huguier, la doyenne, estime "avoir eu de la chance" pour percer dans les années 70 à une époque "où c'était plus compliqué". A 80 ans, elle n'entend pas s'arrêter, d'autant qu'indépendante, elle ne touche que 700 euros de retraite.

Son arme? "Quand j'ai un truc en tête, je ne lâche pas. Je suis têtue! Il faut suivre sa curiosité, si on a envie de faire un sujet, il faut se battre."

La benjamine de Visa, Tamara Saade, 25 ans, est sur la même longueur d'onde. "C'est une question de caractère, plus que de genre ou de sexe", ajoute cette Libanaise, dont l'exposition "Sans répit" témoigne de la crise depuis l'explosion catastrophique de 2020 à Beyrouth.

"Il y a toujours eu des femmes photographes, mais on a plus mis en valeur des hommes", déplore-t-elle, citant les "inspirantes et incroyables" Myriam Boulos, Tania Habjouqa, Randa Shaath. "Les femmes photojournalistes ne sont pas cachées. On n'est pas une espèce rare! C'est juste qu'on n'est pas contactées par les médias."
La sororité est l'un des moyens prônés par sa consoeur vénézuélienne Ana Maria Arévalo Gosen, 33 ans.

"Nous sommes encore très loin de la parité. Toutefois, en Amérique latine, il y a des collectifs qui unissent les femmes (...) Nous nous organisons pour faire publier notre travail, nous apprenons les unes des autres (...) Le secret c'est unir nos forces pour lutter", conseille-t-elle.
Et sur le terrain, il leur faut davantage être vigilantes pour contourner des "micro agressions", que dénonce Tamara Saade. "J'ai droit à des commentaires que mes collègues hommes ne reçoivent pas."

Mais une femme a-t-elle plus facilement accès à l'intime? Pour Françoise Huguier, admise jusque dans des couvents en Colombie, "il faut respecter les gens, prendre le temps. Si on est trop direct, ça ne fonctionne pas."

Un avis que partage Ana Maria Arévalo Gosen, qui expose "Dias eternos: Venezuela, Salvador et Guatemala (2017-2022)", ou ces "jours sans fin" dans des prisons de femmes insalubres et surpeuplées.

"Je ne pouvais atteindre le niveau d'intimité que je recherchais qu'en travaillant avec des femmes (...) Mais conter la situation des femmes, c'est conter aussi celle des hommes qui souffrent pareil", dit-elle, estimant qu'une "vision de genre" n'empêche pas de montrer la réalité des unes comme des autres.


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