Entretien avec l’artiste peintre Florence Arnold : “La complexité de l’humain est une source intarissable d’inspiration”


Propos recueillis par Abdelali Khallad
Mercredi 29 Février 2012

Entretien avec l’artiste peintre Florence Arnold : “La complexité de l’humain est une source intarissable d’inspiration”
Née en France, Florence Arnold est l’image d’un
métissage culturel  qui, au fil des années et des expériences,
a su harmoniser
cultures africaine, européenne et
américaine.
Passant par
la Côte d’Ivoire, le Cameroun, l’Algérie, Londres, la France, la Californie, San Francisco et le Maroc, elle
se considère citoyenne du monde, porteuse d’un
message de tolérance et de liberté. Autodidacte, elle a su marier le sensuel et le gestuel par le biais de ces corps nus qui, d’après elles,
représentent des
histoires
émotionnelles
et évoquent des
souvenirs ou des douleurs. Entretien.

Libé : Dans vos tableaux, le corps dans toute sa sensualité et sa féminité devient le juste reflet de l'esprit et l'expression d'un état d’âme. Si cette lecture est correcte, comment l’expliquez-vous?

Florence : Tous ces corps représentent une histoire émotionnelle ; ils peuvent évoquer un souvenir, une douleur…Ils évoluent dans l’espace comme pour trouver leur place. Il faut dire que la complexité de l’humain est une source intarissable d’inspiration. Ce corps permet d’entrer en résonance avec soi-même, les autres ainsi qu’en adéquation avec mes questionnements et le caractère éphémère de la vie. Corps en déséquilibre sur ce fil rouge qu’est la vie, d’où le titre de cette série « Funambule » exposée à Casablanca en septembre 2011.

Par le biais de vos corps magnifiquement tracés, vous mariez le sensuel et le gestuel, mais ne craignez-vous pas de tomber dans l'érotisme?

Ce n’est  pas le nu, la nudité, ni l’érotisme qui m’intéressent mais une mise à  nu émotionnelle servie par des corps humains, coquilles de nos émotions. Le tracé, la ligne, la courbe sont déjà une gestuelle sensuelle ; j’aime à jouer avec les formes. Je mets le corps dans tous ses états, je le coupe d’une bande noire comme si je l’amputais,  je le fais disparaître comme avalé par la matière ; je souligne parfois certaines parties du corps mais je crois rester assez pudique  ou plus exactement avoir une certaine pudeur, suggérer sans dévoiler …

Dans vos tableaux, on a l'impression que vous prenez la parole au nom des esprits aspirant à la délivrance et s'attachant à la liberté. Comment pouvez-vous résoudre l'équation mœurs/liberté d'expression vis-à-vis du public marocain? Et est-ce que vous avez été censurée?

Mon parcours, mon enfance en Afrique noire et dans divers continents (j’ai quitté la France à l’âge d’un mois) m’a donné le plus beau passeport pour la vie, celui de la tolérance. Je me sens citoyenne du monde, libre et à l’aise partout où je vais. J’aime l’Autre !Je me sens chez moi au Maroc, j’aime profondément ce pays, mes amis, ma vie est ici…Quand je peins, je ne pense pas au ressenti du public sur mon travail, je peins pour moi,  j’exulte mon trop plein d’émotions, je vis dans ma tête…Je ne crois pas avoir été  censurée, je pense au contraire avoir été adoptée !

Pouvez- vous nous retracer les grandes mutations dans votre carrière artistique?

Tout ce que l’on vit influence notre création. L’artiste est une éponge qui absorbe toutes les émotions…Je suis autodidacte, je peins de façon « instinctive ». Je dirai que ma création est plutôt d’une évolution constante et progressive, un peu comme l’apprentissage de la vie et la maturité qui va avec ; il faut un vécu pour raconter des choses. Je commence à me libérer du dessin, à me détacher  du « trop bien fait ». Je suis passée de l’aquarelle, à l’acrylique puis à peindre sur des toiles et maintenant, je cherche, je mixte, je mélange…Il y a deux ans, j’ai perdu quelqu’un de cher et cela a marqué un tournant dans ma peinture. L’histoire de mes corps n’était plus la même, je prenais soudain conscience de la maladie, de la vieillesse et de la mort.

Est-ce que vous pensez que le langage pictural est suffisamment assimilé par le public ? Sinon, comment le rendre accessible pour le grand nombre ?

Le public marocain est très réceptif ; on remarque une dynamique et un engouement pour l’art. Le Maroc a de nombreux artistes de qualité qui exposent à l’international. Il y a des lectures plus faciles que d’autres mais, quand le travail est bon, qu’on y sent toute la sensibilité et l’âme du peintre ; à ce moment-là, l’art n’a plus de frontière. Je pense que lorsqu’une peinture touche, émeut, que l’on palpe toute la sensibilité de l’artiste, que son âme transpire à travers la toile, le dialogue passe avec le public.

 Des projets à venir?

Je prépare une exposition « L’Art et le Savoir » le 6 mars 2012 au profit de Dar Taliba de Lalla Takerkoust à Casablanca. Une autre le 11 mars au profit d’une association à la galerie Noir sur Blanc à Marrakech. Puis une troisième exposition parrainée par Mahi Binebine le 24 avril 2012 à  la CDG de Rabat.

Entretien avec l’artiste peintre Florence Arnold : “La complexité de l’humain est une source intarissable d’inspiration”


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