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Entretien avec Jean François Jodar, entraîneur du Hassania d'Agadir (2) :

“Les joueurs marocains sont bien professionnels, mais avec de petits salaires”

Jeudi 15 Octobre 2009

Entretien avec Jean François Jodar, entraîneur du Hassania d'Agadir (2) :
-Que comptez-vous changer au Hassania ?

J'aime le beau jeu et avant tout gagner. Il faut de l'efficacité et c'est ce qu'on essaie de faire. Passer un petit peu le message au niveau de la mentalité parce qu'il y a un certain nombre de choses qui m'ont surpris.

Par exemple ?

A l'entraînement, les gars n'aiment pas les duels et n'aiment pas prendre de coups. Or, le football est un sport de duels. Donc, il faut accepter ça. Je pense qu'on a mis un peu plus d'intensité athlétique dans les matches et à l'entraînement, des fois,  je ne siffle rien pour les habituer. Après, il y a les principes de jeu. Il faut se faire plaisir car le football est avant tout un jeu. Si on prend le ballon puisqu'on tape toujours fort et loin devant et qu'on court, ce n'est pas très agréable. Bien sûr, il faut aussi avoir les joueurs pour le faire, et malheureusement, on n'a pas toujours les joueurs qu'on veut. Mais là, on arrive à s'en sortir quand même, et je trouve que ce n'est pas mal. Déjà, au niveau défensif, l'équipe réagit bien. Maintenant, il faut qu'on continue à travailler, longuement sur le plan  offensif parce qu'il y a les automatismes de jeu et tout le reste. Après, on est tributaire de la qualité des joueurs. C'est sûr que si vous avez Messi, Eto'o et Thierry Henry, Nesta et Xavier derrière, vous mettez n'importe quel entraîneur et il y aura du bon jeu.

Que pensez-vous de l'équipe que vous entraînez en ce moment?

Je suis content de l’effectif de mon équipe. J'ai eu un peu peur au début de la saison au niveau des arrières centraux parce qu'on  avait deux ou  trois blessés. Et , je me disais : on risque d'avoir des difficultés. On a un effectif qui est un peu désiquilibré. Sur les postes d'attaquants, on a beaucoup de joueurs qui peuvent évoluer à droite.  Malheureusement, il y en a beaucoup qui ne vont pas jouer :on a Sbaï, Lirki, Mimoun, Semlali. Ça fait déjà quatre joueurs qui jouent dans le même secteur de jeu, et il n'y en qu'un qui est choisi. Donc, ça fait deux ou trois joueurs qui ne jouent pas. Je pense que si je reste l'année prochaine, j’essayerai de remédier à ça pour avoir un meilleur équilibre. Au poste de latéral gauche,  par exemple, on est obligé de faire jouer Mehdi qui n'est pas gaucher parce que dans ce secteur-là, on a moins de joueurs. Ça, c'est la construction de l'effectif dans le temps.

Y aura-il donc des recrutements lors du prochain mercato ?

On verra. Car c'est d'abord un problème d'argent, et puis après, c'est un problème de recrutement. Vous savez, il n'y a pas de secrets dans le football, ce ne sont pas les entraîneurs qui font qu'un joueur qui n'a pas de qualités devienne très bon. Si vous avez beaucoup d'argent, vous pouvez aller recruter des joueurs dans des pays où les tarifs sont plus élevés. Maintenant, si vous voulez faire venir un joueur qui joue sur le territoire français,  même si c'est un jeune joueur, ce n'est même pas possible parce que les salaires ici, ce ne sont même pas les salaires des joueurs qui sont en contrat d'aspirants stagiaires en France. C'est un problème financier avant tout.

Que faire alors ?

Eh bien, il  faut qu'on forme nos jeunes.

Quelle est votre évaluation de ce début de championnat ?

Je dirais que c'est difficile parce qu'il y a eu quand même deux matches joués pendant le Ramadan. Et la période du Ramadan, c'est une période un peu spéciale . Au niveau énergétique, et physique, c'est pas facile. On a déjà vu lors de la dernière journée qu'il y avait plus de rythme dans les matches. Il faut donc un peu plus de temps. Mais quand je regarde un peu la physionomie globale, je vois un certain nombre de choses. J'essaie déjà de travailler avec mon équipe, de voir ce qui ne va pas, de gommer les défauts. On voit, par exemple, que sur les basiques, les joueurs sont en difficulté quand il y a beaucoup d'intensité dans les petits espaces. Et ça, c'est le travail à l'entraînement, il faut s'habituer à travailler sous d'autres formes. Les joueurs sont un peu dans l'inconfort dès qu'on demande un peu plus d'intensité dans des espaces réduits. Par conséquent, la technique doit être adaptée à ces espaces, car ça va plus vite. Quand j'étais joueur, on avait le temps de prendre le ballon, de le contrôler, de regarder. Maintenant, on ne peut plus le faire, il faut faire tout très vite.

Il y a également un problème de statut du football au Maroc. Actuellement, ce n'est ni un amateurisme pur, ni un professionnalisme dans les règles. Quel est votre sentiment à ce propos ?

Je pense qu'il ne faut pas parler de statut parce que vous allez prendre le statut professionnel. Mais qu'est-ce que ça va me changer par rapport à ce que j'ai actuellement ? C'est comme ça que je vois les choses. Pour moi, ces joueurs sont des professionnels. Ils ne se lèvent pas le matin, ils ne vont pas travailler. Donc pour l'instant, ce sont, je dirais professionnels avec des petits salaires. Il ne faut pas que le professionnalisme soit simplement quelque chose qui fasse augmenter les salaires parce que l'argent, il faut bien aller le chercher quelque part. Non, il doit générer autre chose :l'amélioration des structures par exemple. C'est là  où vous avez un handicap insurmontable et c'est tout à fait normal qu'on le retrouve après. Un junior qui ne s'entraîne, qu'une seul fois par semaine alors que son homologue européen s'entraîne sept fois, huit fois. Vous vous rendez compte de la différence.

Il y a aussi le manque de matches ?

C'est tout à fait exact. Il y a les matches et les distances. Quand nos juniors sont allés à Tétouan dernièrement, c'est vingt quatre heures de car aller et retour pour faire un match d'une heure et demie. C'est impensable !Et puis, il y a les études. Bref, il y a des difficultés inhérentes aux structures. Il faut donc se pencher à ce problème. Mais une chose est certaine : il faut travailler beaucoup et malheureusement, pour l'instant, on ne le fait pas assez. Les footballeurs marocains sont aussi doués que des gens de n'importe quel continent. Mais vous ne disposez pas des conditions d'entraînement et vous n'avez pas le nombre d'entraînements qu'il faut. Et là, il faudra déjà essayer d'augmenter ça. Et je ne parle même pas de la qualité des éducateurs parce que partout dans le monde, il y en a des bons et  des mauvais. Mais si vous avez déjà de bonnes conditions d'entraînement, les cadets, vous pouvez les passer d'un entraînement à trois ou quatre, et les juniors d'un entraînement à six ou sept. Vous allez forcément améliorer la qualité du football marocain qui passe par l'amélioration des conditions d'entraînement et du volume d'entraînement. Ça, c'est très important, sinon, après, on récupère des gens, à 19, 20 ans qui ont un retard énorme qu'on ne peut plus combler. Donc, vos problèmes sont là, ce sont des problèmes de structures. L'herbe du terrain n'est pas coupée, il y a 20 cm, il y a des trous(ndlr. nous avons eu cet entretien à l'annexe du stade Al Inbiâat où s'entraîne le Hassania). Alors tout le monde me dit : ''oui, mais en Afrique, c'est comme ça. ''C'est d'accord, mais ce n'est pas parce qu'il y en a qui travaillent dans des conditions difficiles qu'il ne faut pas regarder l'Afrique, il faut regarder là où c'est bien, là où c'est mieux pour travailler. Si on peut mettre les jeunes sur des terrains qui leur permettent de jouer correctement, on le fait. Ce qui est très important, c'est la technique, et pour la travailler, il faut le faire sur des terrains, bien entretenus. Si le ballon ne roule pas parce que  l'herbe n'est pas coupée et s'il rebondit cinquante fois avant de vous arriver, c'est complètement différent.

Quels sont  les objectifs que vous vous êtes assigné au Hassania ?

-Quand le président m'a fait venir, il m'a dit :''il faut bâtir une bonne équipe pour l'inauguration du grand stade''. Oui. Mais disons que ce n'est pas mon seul objectif l. Déjà, moi je ne connaissais pas la valeur du championnat, mais uniquement à travers la presse internationale ou ce qu'en disaient des  collègues qui travaillaient ici. Maintenant,  je vois à peu près le niveau. Je trouve que c'est homogène et que les  équipes se valent. Tout le monde peut gagner et perdre aussi. On est parti,  je dirai, correctement, on a huit points, et on a joué deux matches à l'extérieur. Parmi les équipes de tête, on est la seule qui a joué deux fois à l'extérieur, ce qui ne veut pas dire que les matches à domicile on va les gagner. Ce n'est pas ça. Je pense qu'avec les trois points qu'on a pris au le KACM, le point de Tétouan est bonifié. On a donc de bonnes chances de rester dans le haut du tableau. Et quand on est dans les cinq premiers au bout de quatre matches, ça veut dire que toute la première partie du championnat, on la fait  dans le haut du tableau, donc avec une certaine tranquillité d'esprit. Et ça, c'est l'essentiel pour bien travailler. C'est mieux de travailler en étant dans le haut du tableau que d'être à la recherche de points pour éviter la descente. Le deuxième objectif, c'est aussi de faire changer un petit peu l'équipe. Il va y avoir un virage, et des garçons comme Hsaïni, l'année prochaine, ça sera certainement terminé pour eux, donc je pense qu'il faut construire. Il y a un certain nombre de joueurs de talent, mais qui doivent travailler sur le plan mental. Des joueurs comme Rami et Lirki ont vraiment du talent mais malheureusement, c'est un peu sans ambition, et l'ambition pour moi, c'est l'équipe nationale. Un joueur de foot doit vouloir jouer pour son équipe nationale. Donc, on va essayer d'aider les jeunes qui ont du talent à monter un peu plus loin pour aller alimenter les équipes nationales, et puis, pour ceux qui n'ont pas le talent pour jouer en équipe nationale, de faire des bons joueurs de club. On a un certain nombre de jeunes joueurs qui ont besoin d'apprendre, et cette année justement est une année transitoire. J'ai un peu une formation de direction technique, et mon objectif, c'est de pouvoir former de bons joueurs pour évolouer au plus haut niveau. J'espère que je vais réussir à leur communiquer cette envie et cette passion, et ne pas venir ici simplement parce qu’au Hassania, c'est un club tranquille, où on leur fout la paix et où il n'y a pas trop de pression. Ce n'est pas  parce qu'il n'y a pas de pression qu'il ne faut pas être ambitieux. Je souhaite qu'ils deviennent  très ambitieux et qu'ils aient envie de gagner quelque chose ensemble car on ne peut rien faire si , eux, ne sont pas décidés à faire quelque chose. Vous pouvez toujours leur dire ce que vous voudrez, ça n'avance pas vite.   
On va donc évoluer un peu dans ce sens, essayer de faire travailler ceux qui ont  de l'avenir dans le club et voir un peu avec les jeunes. Et discuter avec Jamal Lahrache si je peux apporter quelque chose au club. Avec mes connaissances acquises en direction technique et sur le football des jeunes, je vais voir un peu ce qu'on peut leur apporter, et comme je disais l'autre jour, il faut d'abord changer les mentalités.
Et c'est à partir des jeunes qu'on va essayer de le faire. Après, il faudra que les gens soient patients. Je pense qu'il y a des choses qui sont transférables, et d'autres qui le sont moins. Mais dans les idées fortes, il y a des choses qui sont relativement faciles à transférer et la première chose,  je le dis et je le répète encore, c'est le nombre de séances d'entraînement.
Il faut travailler. Par exemple, si on prend un joueur européen de huit ans et un joueur marocain du même âge, ils ont la même valeur. Mais le joueur européen va commencer par s'entraîner deux fois, trois fois par semaine, et puis après, il va monter à cinq entraînements,  et à huit en juniors. Et ici, on n'a pas d'entraînements parce qu'il n'y a pas de structures. La différence est énorme.
Et malheureusement, il n' y a pas d'autres solutions que le travail. C'est peut-être une banalité que je dis là, mais c'est la vérité. Il faut travailler, et en quantité et qualité. Il n'y a pas de secrets, si les gens veulent s'améliorer, il faut passer plus de temps sur le terrain de football. 

Entretien réalisé par M'BARK CHBANI

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