Colloque : Le problème de la négligence des langues dans l'enseignement supérieur

Vendredi 4 Novembre 2011

Des universitaires maghrébins participant au colloque international sur le thème “Cultures et littératures aux Suds”, qui a poursuivi ses travaux mardi à l'université IbnTofail de Kénitra, posent le problème de la négligence des langues étrangères et ses conséquences sur les formations universitaires.
Ce problème a été pointé du doigt par Mme Meriem Bedjaoui, directrice à l'école nationale supérieure des sciences politiques d'Alger dans son intervention devant les participants. En Algérie, a-t-elle expliqué, dans un environnement multilingue, les langues étrangères, et notamment le français, ont été "sciemment négligées au profit d'une langue nationale unificatrice qu'il fallait se réapproprier au lendemain de l'indépendance".
"Aujourd'hui, la société algérienne en général, et les universitaires en particulier se rendent compte de l'erreur du rejet des autres langues en présence (tamazigh, français notamment) d'où les multiples écueils qui se dressent dans le parcours des formations supérieures", a-t-elle ajouté. Son coreligionnaire Haj Miliani, professeur à l'université de Mostaganem et directeur de recherche associé au Centre de recherche anthropologique sociale et culturelle, a indiqué, dans une déclaration à la MAP, que le problème de l'enseignement des langues en Algérie est "à peu près le même qu'au Maroc et en Tunisie". "On a de vraies difficultés parce ce qu’on a un système d'arabisation jusqu'au baccalauréat et ensuite les étudiants arrivent à l'université, surtout dans les domaines scientifiques, avec des difficultés de maîtrise de la langue". Il faut, a-t-il dit, changer la manière d'enseigner la langue étrangère qui doit se faire très tôt en utilisant les moyens des nouvelles technologies et surtout motiver les étudiants.
Haj Miliani s'est en outre dit outré par le rejet de la culture de l'Autre, "car maîtriser la langue des autres ne porte pas atteinte à notre arabité".
De même, sa collègue de l'université de Tunis, Mme Samia Kassab Charfi, a rejeté toute "réclusion" identitaire ou linguistique. "Il faut enlever de l'esprit des étudiants que le français est une langue étrangère. C'est une langue qu'on peut utiliser avec nos références et codes culturels", a-t-elle enchaîné. La richesse linguistique constitue, pour elle, une diversité. Le problème, selon elle, vient des méthodes d'enseignement.
"Nous avons expérimenté, comme des cobayes, pendant une trentaine ou quarantaine d'années des méthodes d'éradication un peu totalitaires" s'est-elle indignée.
"Toute politique qui uniformise est destinée à l'échec. Je n'ai pas besoin de défendre mon identité arabe en ne parlant que l'arabe. J'ai la chance d'avoir deux langues, pourquoi je vais laisser passer cette opportunité extraordinaire dans le contexte de la mondialisation. C'est contre mon intérêt y compris identitaire", a-t-elle martelé.
Il faut, a ajouté Mme Samia Kassab, arriver à avoir un enseignement qui mette les langues dans "un rapport horizontal". C'est en Algérie et au Maroc, a-t-elle soutenu, qu'il y a le plus d'écrivains francophones de toute la francophonie et "ce sont des écrivains qui nous font avancer au niveau de notre réflexion identitaire".
Pour le doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de l'université Ibn Tofail, M. Abdelhanine Belhaj, "l'enseignement du français peut connaître une dynamisation dans sa relation didactique avec la culture. La valorisation de la dimension culturelle contribue à une dynamisation de l'enseignement et celui-ci participe à la valorisation et la maîtrise du patrimoine culturel", a-t-il expliqué.
"L'adoption d'une stratégie didactique interculturelle, a-t-il souligné, éveille l'esprit critique, le regard neuf qui, en fait, est l'un des meilleurs moyens de renforcer la connaissance de sa propre culture par le biais de multiples rapports de comparaison".
Le colloque ouvert lundi à l'université Mohammed V de Rabat sous le thème "Cultures et littératures aux Suds: productions littéraires, artistiques et didactique du français", se poursuivra jusqu'à mercredi à Kénitra. Il est initié par la Coordination des chercheurs sur les littératures maghrébines et comparées (CCLMC), avec le soutien de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) dans le cadre de la célébration du 50e anniversaire de la création de l'AUF.
Il rassemble une quarantaine de chercheurs du Maroc et de divers pays du monde, qui vont tenter de réfléchir sur la question fondamentale: l'enseignement de la littérature ou des littératures, en particulier francophone, peut-il être d'un apport pour l'enseignement des langues et en particulier de la langue française? a indiqué à la MAP M. Abdallah Mdarhri Alaoui, le président de la CCLMC. Mdarhri Alaoui a posé plusieurs interrogations : faut-il enseigner la littérature franco-française ou la littérature francophone maghrébine et subsaharienne? Faut-il assumer son patrimoine et son héritage culturel qu'on peut voir à travers les textes arabe, amazigh et aussi français? Jusqu'à maintenant, a-t-il indiqué, "consciemment ou inconsciemment, on a privilégié les textes franco-français, cela apparaît dès le collège et le lycée"."Si on a conscience que par les binais de la culture charriée par ces textes qu'on avance, il faudrait repenser tous les programmes d'enseignement du collège jusqu'à l'université", a-t-il dit. Le directeur de la langue et communication scientifique en français (AUF), M. Marc Cheymol a expliqué qu'il s'agit de savoir dans quelle mesure on utilise la littérature dans l'enseignement des langues, car a-t-il dit, l'enseignement des langues est important parce qu'on ne peut enseigner quoi que ce soit sans que ça soit supporté par une langue.

MAP

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