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2018-2020 : Un budget pluriannuel de rebond face à la montée des risques

Mercredi 7 Juin 2017

Les pronostics de croissance pour l’année en cours convergent pour retenir une reprise du cycle l’activité avec un taux de croissance se situant autour de 4 %. Cette perspective que confirment les premiers résultats des comptes trimestriels s’inscrit dans le prolongement des tendances observées à la fin de l’exercice écoulé. En dépit d’une croissance fortement contrariée par l’aléa climatique, l’année 2016 devait, en effet, s’achever sur une amélioration sensible du cadre macroéconomique avec la réduction des déséquilibres financiers, le regain de dynamisme des principaux ressorts de l’activité, le maintien de l’effort d’investissement et même la stabilisation de la situation de l’emploi

Consolidation du cadre
macroéconomique en 2016
malgré le repli de la croissance


S’agissant des comptes publics, la tendance générale semble s’inscrire ces dernières années sur la voie de la consolidation. Le solde budgétaire qui s’est replié de façon significative depuis les grands dérapages enregistrés en 2012 s’est réduit au terme de l’année 2016 à 4,1 % du PIB, en baisse de 0,4 point par rapport à l’exercice précédent. Le compte des opérations courantes présente également des orientations plus soutenables par rapport aux dernières années même si, globalement, l’année 2016 a été marquée par une hausse inattendue de certaines rubriques de dépenses. Le déficit des transactions courantes est estimé en effet selon les dernières données du commerce extérieur à 4,4 % du PIB au terme de l’année 2016, soit le double de l’année précédente.
En ce qui concerne la sphère réelle, le maintien d’une demande intérieure assez soutenue malgré l’incidence négative du facteur climatique a permis d’atténuer les effets déstabilisateurs de la dynamique économique découlant de la contraction de l’offre. La capacité de résilience de l’économie réelle face aux fluctuations de la conjoncture est observée même au niveau de la situation de l’emploi. Dans un contexte de repli du cycle de croissance, l’année 2016 devait en effet s’achever sur une stabilisation du taux de chômage moyen au niveau de 9,4 %, en baisse de 0,3 point par rapport à l’année 2015. Ce léger repli du taux de chômage global résulte d’une baisse concomitante à la fois de la population en chômage et de la population active que l’on estime, respectivement, aux taux de 3,7 et de 0,7 %.

2017 : Redressement du rythme
de croissance à la faveur
de la reprise du cycle agricole


Les prévisions pour l’exercice en cours, anticipant le retour progressif des activités primaires à leur niveau de performance tendanciel, tablent sur une reprise plus ou moins forte du cycle de production à la faveur d’une demande intérieure plus soutenue s’adressant aux principaux secteurs d’activité. L’évolution depuis le début de l’année des indicateurs d’activité les plus significatifs, traduisant aussi bien le comportement d’offre que de demande, confortent dans une large mesure les anticipations de reprise.
S’agissant de l’offre, les estimations de croissance au terme du premier trimestre de l’année retiennent une progression du PIB de 4,3%, en hausse de 2,6 points par rapport à la même période en 2016. L’évolution observée au second trimestre donne également des signes de consolidation avec le redressement des activités primaires et le regain de dynamisme des principales activités industrielles, commerciales et de services. Cette orientation positive est relayée, du côté de la demande, par le comportement de consommation qui a connu une progression assez soutenue depuis le début de l’année dans un contexte marqué par une relative détente de l’inflation. Il en est de même de l’investissement qui, malgré une légère décélération liée au retard pris dans la promulgation de la loi de finances, semble maintenir son rythme de progression tendanciel.
Les orientations apparemment positives de la conjoncture présente et l’atténuation des déséquilibres financiers suite aux efforts consentis depuis plus de trois années successives ne doivent pas cependant dissimuler les fragilités structurelles de l’économie et les menaces qu’elles font peser sur la dynamique de croissance. L’économie nationale demeure encore soumise à de multiples facteurs de risque liés à l’instabilité de l’environnement international et aux fluctuations pouvant affecter les marchés d’exportation ou les prix de l’énergie et des matières premières.
Ce sont là autant d’éléments d’incertitudes inhérents à la conjoncture internationale qui peuvent resurgir suite à des chocs exogènes et remettre en cause les acquis enregistrés au plan de la stabilisation du cadre macroéconomique et l’accélération de la croissance.

Persistance de facteurs de risque dans un contexte conjoncturel hésitant

Le retour à un cycle de croissance stable et auto-entretenue au plan international est encore loin d’être acquis avec les divergences de plus en plus évidentes des trajectoires des principaux foyers de croissance à l’échelon mondial, particulièrement entre les économies avancées et économies émergentes. Les hésitations de la conjoncture économique se révèlent encore plus prononcées s’agissant de l’Europe qui constitue l’un des marchés pertinents pour les exportations. Le Maroc n’est donc pas à l’abri d’un choc externe de reflux de la demande exacerbé par le déficit de compétitivité. Les statistiques sur les échanges extérieurs relatives aux premiers mois de l’année donnent déjà des signes précurseurs des risques à venir. Le déficit commercial relatif aux transactions sur biens et services a dépassé au terme du premier trimestre la valeur de 30 Milliards de DH, en aggravation de 44 % par rapport à la même période en 2016. Le taux de couverture s’est réduit en conséquence de 6 points au terme des trois premiers mois de l’année, en passant de 79,5% en 2015 à 73,3 % en 2016. Parallèlement, les principaux flux financiers entrants que ce soit au titre des voyages, des investissements étrangers ou même des transferts de la migration qui contribuent largement à l’atténuation du déficit commercial enregistrent un repli significatif. L’instabilité qui marque actuellement le marché pétrolier ajoute par ailleurs aux contraintes structurelles pesant sur les finances extérieures et, en cas de redémarrage du cycle haussier des prix, fait courir un risque majeur, à la fois sur le solde commercial et sur les tensions inflationnistes.
Face à la persistance de ces facteurs de risque, les instruments de politique économique susceptibles d’en atténuer les effets ont jusqu’à présent fait défaut. Le retard pris pour l’adoption de la Loi de finances, principal outil d’intervention, a eu des répercussions importantes sur la dynamique économique au premier semestre et qui se prolongeront jusqu’au terme de l’exercice. L’un des aspects les plus importants de ces répercussions concerne l’effort d’investissement public qui n’a pu être pleinement engagé tout au long du premier semestre. Connaissant l’importance des dépenses d’investissement dans la dynamique de demande intérieure, il est fort à parier que le manque à gagner cumulé tout au long du premier semestre au plan de l’activité, des revenus et des échanges ne peut manifestement pas être rattrapé le restant de l’année. La dégradation subite et inattendue de la situation de l’emploi depuis le début de l’année en donne le signe le plus symptomatique. Les dernières données sur l’activité et l’emploi révèlent en effet que le taux de chômage a atteint au premier trimestre 10,7 %, en hausse de 0,3 point par rapport à la même période en 2016. La situation de l’emploi apparait encore plus préoccupante en milieu urbain où le taux de chômage a grimpé au premier trimestre à 15,7 % pour l’ensemble de la population contre 23,2 % pour les jeunes âgés de 25 à 34 ans.
Dans cette conjoncture plutôt hésitante, l’annonce d’une réforme profonde du système de change allant dans le sens d’une plus grande flexibilité de la monnaie nationale constitue, pour les opérateurs soucieux de stabilité, un autre facteur d’inquiétude et ajoute aux fragilités structurelles de l’économie. Cette nouvelle orientation part du constat que le système de change ayant prévalu jusqu’à présent n’est plus tout à fait adapté au nouveau cadre régissant la conduite de la politique économique. L’option stratégique d’intégration financière avec l’ouverture grandissante aux flux financiers internationaux, d’une part, et la recherche d’une plus grande autonomie de la politique monétaire au plan interne, d’autre part, constituent, en effet, deux objectifs qui, théoriquement, s’accommodent difficilement de la fixité du taux de change. La politique de change au Maroc se trouve ainsi dans un tournant aux configurations incertaines qu’il va falloir négocier avec prudence. La flexibilisation du taux de change qui s’avère nécessaire eu égard non seulement aux changements profonds du contexte macroéconomique mais aussi aux ambitions économiques du Maroc sur la scène régionale, n’en comporte par moins des risques au plan interne tant pour les anticipations que les échanges ou le pouvoir d’achat. Les entreprises et les investisseurs devront faire face à des coûts supplémentaires liés à l’instabilité des cours de la monnaie alors que les ménages devront, au moins à court terme, supporter plus d’inflation.

2018 et au-delà : Nécessité d’un
redéploiement des instruments
budgétaires dans le cadre d’une
vision de relance pluriannuelle


Au total et malgré les promesses d’une campagne agricole qui s’annonce assez performante, le profil conjoncturel apparaît au terme du premier semestre fort contrasté. La tendance à l’amélioration des équilibres financiers que ce soit au niveau du budget ou au niveau des comptes extérieurs demeure encore fragile et reste, dans une large mesure, subordonnée aux fluctuations externes. S’agissant de la sphère réelle, la faiblesse de la croissance dans les marchés pertinents, la contraction de la demande étrangère et le déficit de compétitivité annoncent une faible contribution des secteurs d’exportation à l’essor de l’activité. Même le recours à la dynamisation des ressorts internes de croissance à travers la politique budgétaire se révèle, pour le restant de l’année, de moindre effet compte tenu du retard pris dans l’adoption du projet de budget.
Dans ce contexte peu favorable, le redressement du rythme de croissance attendu après le creux conjoncturel de l’exercice précédent n’en est réellement pas un, tant il demeure, en l’absence totale de programmation budgétaire pour la moitié de l’exercice, lié presqu’exclusivement au retour à la normale de l’activité agricole. La mise en œuvre des nouvelles dispositions budgétaires sur les six mois à venir, notamment en matière d’investissement, s’avérera vite de faible incidence, vu les délais nécessaires pour les rendre effectives sur le terrain. Le budget 2017 apparaît ainsi comme une programmation conçue pour solder une longue période de stabilisation enclenchée depuis plus de cinq années avec l’aggravation des déficits interne et externe. Il importe par conséquent de se projeter dès à présent au-delà de la perspective annuelle pour entrevoir la sortie de la trappe actuelle et s’inscrire résolument dans une vision pluriannuelle comme le prévoient les nouveaux textes réglementaires. Le budget 2018 devrait être pensé dans le cadre d’une véritable vision de soutien à l’activité et de relance de la dynamique de croissance. Une telle vision constitue l’option la plus indiquée pour insuffler un nouvel élan à l’activité, corriger les déséquilibres actuels et faire face aux risques sous-jacents.

Source : CENTRE MAROCAIN DE CONJONCTURE (Info CMC - N° 32 - Juin 2017)

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