​Une photo du soldat canadien tué à Ottawa retweetée 23 000 fois

Quand la victime reprend vie face à l’acte terroriste


Par Said Echchotbi
Mardi 28 Octobre 2014

​Une photo du soldat canadien tué  à Ottawa retweetée 23 000 fois
L’acte terroriste n’est plus que banal. Le terroriste, fier de son acte de terreur, effacé derrière sa cagoule, manifestant une fausse suprématie vis-à-vis de sa victime dont on a ligoté les mains, disparaît. On refuse son acte, on le bannit et on déclare son bonheur et son amour de la vie.
C’est la nouvelle attitude, largement répandue sur le web, qui se veut une réponse aux scènes horribles de décapitation des otages par les bourreaux de l’Etat islamique autoproclamé en Syrie et en Iraq. Désormais, l’image de la victime n’est pas celle que  véhicule le terrorisme via le traitement soigné par ses cellules Internet et média.
 Une femme, touriste, s’est faite photographiée par ses amis aux côtés d’un des militaires en poste devant la tombe du soldat inconnu à Ottawa ne savait pas que sa photo allait faire le tour des réseaux sociaux. A peine deux jours plus tard, les amis découvrent que le militaire sur la photo n’est autre que la victime du terroriste qui a attaqué le Parlement canadien après avoir tué le jeune militaire ! De là, commence une autre histoire heureuse, qui n’est pas la première d’ailleurs, dans laquelle on rend à la victime sa dignité affectée quand on exhibe devant le monde son exécution, version « hard » !
 Sur la photo pose le militaire canadien, Nathan Frank Cirillo, le gabarit imposant dans sa tenue un peu rigolo, souriant à côté de la jeune femme touriste. Celle de la tuerie est dissipée, oubliée. On ne veut plus garder que le beau souvenir d’un homme, père d’un enfant à l’école primaire, ayant, de son vivant, aimé la vie.
 Face aux terroristes, ayant rompu avec la vie, l’espoir et le bonheur sur terre, on brandit un « Non », une volonté de refuser la violence et une force de continuer à croire à la paix et la joie de vivre.
Selon des sources sûres, la photo a fait le tour du monde sur Twitter et a été retweetée  plus de 23 000 fois ! L’initiative, qui a gagné en ampleur sur le net, n’est pas la première. Bien avant, les utilisateurs des réseaux sociaux se sont communiqué le mot d’ordre pour ne plus diffuser les images faisant plaisir aux « jihadistes». Cela a été observé dans des cas de décapitations antérieures d’Américains et de Britanniques et aussi dans le cas du citoyen français, Hervé Gourdel, en Algérie.
Tout une symbolique est là. A dégager. Si les terroristes ont réussi à banaliser le fait meurtrier, le monde des réseaux électroniques leur rend la monnaie en méprisant leur mode de pensée.
 L’exécution des otages occidentaux et celle des frères de religion, aussi, accusés de ne pas bien être musulmans, est vite devenue systématique. Pire. Un acte de fierté ! Du coup, s’en moquer est une bonne manière de riposter sur le plan individuel quand il s’agit de parler des victimes. On vide la scène de sa teneur terrorisante pour dénoncer l’acte lâche d’achever, le visage encagoulé, une personne terrorisée, ligotée et dépourvue de ses moyens d’autodéfense. 
Aussi, est-il question de dire son refus face à la ruée médiatique vers des faux scoops où il ne s’agit, en fait, que de servir la cause «jihadiste». Car, derrière la divulgation des images horribles se cachent les détails de toute une doctrine complexe qu’on devrait combattre tous ensemble quand on aime la vie. Le terroriste est fier d’exhiber sa doctrine meurtrière, à nous de déjouer son stratagème par l’instant heureux, souhaite-t-on exprimer. 
Le fond de la scène macabre, en jaune -désert, l’uniforme orange de la victime, le terroriste qui se pointe en deux pièces tout noir à côté, un sabre à la main et la récitation du justificatif religieux trillé pour une fin sordide… Une mise en scène digne d’une présentation de sacrifice à Dieu, sauf qu’elle est absurde du fait de son atrocité et de l’amalgame religieux que l’on en fait. Pire encore, le terroriste se mute en un dieu qui édicte sa loi sur une victime ayant, un jour, cru au bien sur terre. Tout devient permis du moment qu’on « capture » un mécréant ! 
La scène trouve ses origines dans le récit coranique : le prophète Abraham allait tuer son fils, Ismaël, en offrande à Dieu. Sauf que la clémence de ce dernier au nom de qui on commet les atrocités aujourd’hui, a sauvé l’enfant. Les bourreaux, eux, n’y voient pas de clémence. Ils sont les nouveaux justiciers sur terre, arrivés avec une nouvelle lecture d’un Texte qu’on n’ose interpréter délibérément que quand il s’agit de passer à l’acte terroriste commis au sabre. Sabre, ai-je dit ? Oui, mais à la Kalachnikov aussi.  Encore une fois, c’est absurde, non ? L’absurdité n’a pas de limites dans le contexte du nouvel Etat du califat d’Al-Baghdadi : on tue le «mécréant» et on continue, en même temps, à s’entretuer au nom d’un puritanisme religieux qu’on peine depuis un peu plus de quatorze siècles à se représenter et à concrétiser.
Face à cela, continuer à donner vie aux victimes du terrorisme pourrait être une solution. Et pour cela, partager un sourire figé de la victime est beaucoup mieux que de se satisfaire à publier les atrocités des sanguinaires de la religion.  


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