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"Nos respects à maître Confucius, merci pour la bonté de votre enseignement", psalmodie la trentaine d'élèves, âgés de deux à six ans, dans un établissement flambant neuf en banlieue de la métropole industrielle de Wuhan (centre), avant d'ânonner d'arides sentences projetées sur écran.
Zhu Baichang, cinq ans, confie ne pas tout comprendre des maximes en chinois ancien, mais les récite avec enthousiasme: "C'est très intéressant!"
Ouverte en 2015 avec le feu vert municipal, l'école privée "Diziyuan" ("Ecole des disciples qui rencontrent leur destin") compte 160 élèves.
"Nous avions visité deux maternelles publiques avant de choisir celle-ci", explique à l'AFP le père de Baichang, Zhu Minghui, que des frais de scolarité atteignant 7.000 yuans (960 euros) par semestre n'ont pas rebuté.
"Nous ne comprenons pas tout quand (Baichang) récite les classiques. Mais cela l'imprègne jusqu'à la moelle. Il intègre les principes qui ont guidé la Chine pendant 2.000 ans", se réjouit-il.
L'enseignement de Confucius (VI-Ve siècles av. J.-C.), qui insistait sur le respect de la tradition pour maintenir l'harmonie sociale, s'était imposé comme l'idéologie officielle de la Chine impériale.
"Entre deux et six ans, la capacité de mémorisation est excellente", alors "nous plantons les graines de la piété filiale, du respect des professeurs, de la compassion", insiste la directrice Mme Shi.
A six ans, "les élèves ont fini de réciter les grands classiques confucéens", se félicite-t-elle, soit plusieurs centaines de milliers de caractères...
Conservatisme aussi pour les activités "ludiques": les garçons s'initient aux échecs chinois, tandis que les filles répètent dans la salle voisine la cérémonie du thé.
Le "Dizigui", manuel du XVIIe siècle inculquant l'obéissance aveugle aux parents et aux anciens, est également au programme.
Dans ce contexte, l'anniversaire d'un élève devient un exercice de piété filiale: "Souviens-toi que c'est le jour où ta mère a beaucoup souffert en te mettant au monde", lance l'institutrice à un garçonnet contrit, agenouillé devant sa grand-mère.
De tels établissements dispensant un enseignement traditionnel ("guoxue") prospèrent, plébiscités par une classe moyenne en plein essor, même s'ils restent encore marginaux et difficiles à recenser.
Sur les 223.700 écoles maternelles du pays, plus de 65% étaient début 2016 des jardins d'enfants privés, avec 23 millions d'élèves ; passé l'âge de six ans, une majorité de familles choisissent en revanche les écoles primaires publiques, où débute un programme officiel rigide menant jusqu'à l'université.
Cela dit, la "Fondation chinoise confucéenne", une association nationale, ne dénombrait que 300 écoles début 2016, même si elle affirmait viser le millier.
Pionnière, la société Tongxueguan a ouvert dès 2006 à Wuhan son premier établissement, proposant des cours le week-end. Très médiatisée, elle compte maintenant plus de 120 écoles et 40.000 élèves à travers le pays.
Son fondateur, Li Guangbin, avait très tôt deviné le filon: "Après la prospérité économique, les Chinois éprouvent le besoin d'un retour aux sources. Ils ont besoin d'élévation spirituelle", confie à l'AFP l'élégant pédagogue en tunique de lettré.
A ses côtés, une mère d'élève, Mei Yuan, fonctionnaire d'un institut gouvernemental, abonde: "Les enfants d'aujourd'hui sont égoïstes, trop individualistes. La société leur donne un esprit frivole". Or dans les écoles publiques, les classiques confucéens sont "survolés", déplore-t-elle.
"La corruption, les ravages écologiques", ou encore l'indifférence des passants aux accidentés dans la rue, "suggèrent un délitement de la morale", alors "les gens cherchent un rempart au sentiment de vacuité", confirme le sinologue Michael Schuman, auteur d'un ouvrage sur le renouveau confucianiste.
Et peu importe si récitations et cours de morale n'incitent guère les enfants à être créatifs. "Pour comprendre ce qui fait un homme, la droiture, les interactions sociales, pas besoin de créativité ! Il faut assimiler un héritage", tranche M. Li.