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​Torture au Maroc : Enquête et contre-enquête

Amnesty accuse, la Délégation des droits de l’Homme s’insurge


Narjis Rerhaye
Jeudi 21 Mai 2015

​Torture au Maroc : Enquête et contre-enquête
C’est en grande pompe qu’Amnesty international a présenté, mardi, son rapport sur la « pratique de la torture au Maroc ».  Une opération médiatique réglée comme du papier à musique : le rapport a été présenté  à l’occasion de quatre conférences de presse tenues simultanément à Rabat, Paris, Madrid et Londres.  
A Rabat, le ton est donné. « Tant que la menace planera sur les détenus et les voix dissidentes, cette image ne sera qu’un mirage », soutient Salil Shetty, l’un des auteurs de l’enquête 
Philip Luther, directeur du programme Proche-Orient et Afrique du Nord au sein d'Amnesty est encore plus explicite. "Le droit marocain interdit la torture mais nous avons noté un écart important entre la loi et la pratique. Nous avons noté un fossé entre les déclarations officielles pour stopper la torture et les méthodes encore employées ». 
Flash-back. Amnesty International  a lancé le 13 mai 2014 une campagne mondiale contre la torture, « Stop Torture ».  Avec le Nigeria, les Philippines, le Mexique, le Maroc fait partie des pays cibles. L’état des lieux s’étend sur 4 années, de 2010 à 2014. Pour les autorités marocaines, l’attelage est surprenant et elles le feront savoir immédiatement. Les responsables de la section marocaine d’Amnesty International tempèrent en justifiant le choix du Royaume. « Le Maroc a été choisi précisément parce qu’il est le pays le plus avancé dans la région en termes de respect des droits de l’Homme  et qu’il peut servir de modèle dans la région», explique Mohamed Sektaoui, directeur de la section marocaine d’Amnesty International.
« On ne fouette pas un bon élève des droits humains ! »
Au ministère de l’intérieur, la pilule ne passe pas. Réaction corporatiste pour défendre des forces de sécurité accusées de violences, de mauvais traitements voire de torture commis dans le secret des gardes à vue ? Pas vraiment au regard des avancées réalisées, des acquis arrachés et des victoires enregistrées par le mouvement de défense des droits humains en terre marocaine. « On ne fouette pas un bon élève des droits humains ! », fait valoir M. Ouzgane, le gouverneur directeur  de la réglementation et des libertés au ministère de l’Intérieur.
Dans son rapport intitulé « L’ombre de l’impunité : la torture au Maroc et au Sahara occidental », Amnesty dénonce la persistance de la torture « pour étouffer la contestation » qui « entache certaines condamnations prononcées par la justice ». 173 cas de torture parmi lesquels « des étudiants, des militants politiques de tendance gauche ou islamiste, des partisans de l’autodétermination du Sahara occidental, ainsi que des personnes soupçonnées de terrorisme » sont retenus.
La perplexité est de mise  à la délégation interministérielle des droits de l’Homme. Dans son rapport, Amnesty évoque 173 cas d’allégation de tortures mais n’a saisi les autorités marocaines que de 76 cas concernant 60 personnes. « Les idées préconçues et les partis-pris sont manifestes. Ceux et celles d’Amnesty avaient déjà leurs propres convictions sur la question. Quant à nous, nous nous étions élevés en son temps contre le choix du Maroc parmi les pays cibles de la campagne. Ce choix demeure surprenant pour un pays comme le Maroc au regard de l’évolution qu’a connue et continue de connaître le Royaume, qui a déjà obtenu des résultats tangibles et internationalement reconnus au vu de l’amélioration de la situation des droits de l’Hhomme en général depuis plus de 20 ans, et en matière de lutte contre la torture en particulier.  Le Maroc n’a pas attendu le lancement de la campagne mondiale pour la mise en œuvre d’actions et mesures pour combattre la torture et autres mauvais traitements, » rappelle Abderrazak Rouwane, secrétaire général de la délégation interministérielle des droits de l’Homme avant de préciser que la délégation n’a reçu copie du rapport que 24 heures seulement avant sa présentation. 

Haro sur l’impunité
On le sait, l’impunité est au centre des préoccupations de l’ONG internationale basée à Londres. Le fait que « ces mauvais traitements restent impunis »  est dénoncé. Les autorités marocaines sont accusées de « bafouer les obligations qui sont les leurs aux termes du droit international et des traités que le Maroc a signés ».
Faux, réplique le ministère de la Justice. « En 2014  il y a eu 5  poursuites engagées à l’encontre d’agents responsables de l’application  de la loi sur la base de l’article 231 du Code pénal qui incrimine la torture. Par ailleurs, le parquet a ordonné 48 expertises médicales conformément aux dispositions des articles 73 et 74 du Code de procédure pénale. Le juge d’instruction a ordonné 14 expertises médicales conformément aux dispositions de l’article 134 du Code de procédure pénale. Un procureur a été sanctionné avant d’être limogé parce qu’il n’avait pas ordonné une expertise médicale », précise Mme Mzouri,  magistrate au département aux destinées duquel préside Mostafa Ramid.
Un rapport contre la torture mais aussi des recommandations  émises par Amnesty International qui vont de  la présence obligatoire des avocats lors des interrogations policières à la protection  des personnes se plaignant de torture d’éventuelles représailles en passant par la garantie que les juges et procureurs enquêtent sur les cas de torture dès l’apparition de témoignages crédibles de mauvais traitements. Des activistes marocains ne cachent pas leur incrédulité. « J’ai l’impression de tenir un débat que nous avons ouvert il y a 12-13 ans alors que les pourparlers pour la création de l’Instance équité et réconciliation avaient commencé. Des mesures sont prises, de nouvelles lois sont en préparation et les pouvoirs publics ont adhéré aux mécanismes et instruments de lutte contre la torture. En novembre prochain, le mécanisme national de lutte contre la torture va être effectif. Le projet de Code de procédure pénale renforce les garanties de respect des droits humains en prévoyant des enregistrements audiovisuels des interrogatoires menés pendant les gardes à vue », indique ce défenseur des droits humains et ancien détenu politique qui a vécu dans sa  chair les affres de la torture. 
Rabat et Amnesty International sont-ils au bord de la rupture pour cause d’un rapport jugé partial par les pouvoirs publics et injuste par de nombreuses associations de défense des droits humains ? Non, assure une source gouvernementale. Une délégation marocaine de haut niveau compte s’envoler prochainement pour Londres afin de rencontrer les responsables d’A.I 


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