​M’Barka Bouaïda : Il faut amener l’Algérie à reconnaître son rôle dans la question du Sahara

La régionalisation avancée sera une première étape pour la mise en place du Plan d’autonomie


Propos recueillis par Ahmadou El-Katab
Mardi 16 Décembre 2014

​M’Barka Bouaïda : Il faut amener l’Algérie à reconnaître son rôle dans la question du Sahara
Pour M’Barka Bouaïda, ministre déléguée auprès du ministre 
des Affaires étrangères et de la Coopération, la déclaration de Mohamed Abdelaziz affirmant que le Polisario reprendra les armes si aucune solution n’est trouvée 
à la question du Sahara n’engage que lui. Quant au Maroc, il est engagé dans le processus 
onusien et le restera.


Libé : Interviewé par la télévision régionale, Mohamed Abdelaziz a déclaré que le mois d’avril 2015 sera déterminant. Ou bien une solution sera trouvée ou alors il y aura un retour aux armes. Qu’avez-vous préparé pour ce rendez-vous ?  

M’Barka Bouaïda : C’est une déclaration qui n’engage que lui. Le processus onusien est lancé  et le Maroc est bien engagé dans ce processus. On est très clair sur ce point.  Dans son dernier discours, Sa Majesté le Roi a été très clair pour appuyer ce processus dans le cadre des paramètres qui ont été approuvés depuis le début. C’est-à-dire : le chapitre 6, donc une solution négociée, mutuellement acceptée par les parties et dans le cadre aussi du plan d’autonomie reconnu comme crédible et sérieux par la communauté internationale et également dans le cadre du développement local puisque nous sommes à la veille des prochaines élections   régionales au Maroc et donc de la mise en place de la régionalisation avancée dans tout le Maroc y compris dans les provinces du Sud. 
Je dirais même à commencer par les provinces du Sud. Par conséquent, nous sommes très confiants par rapport à ce que nous faisons tant sur le plan interne que sur le plan externe en termes de développement, de création d’emplois, de réponses aux attentes des populations locales, mais également en réponse aux échanges que nous avons régulièrement avec la communauté internationale. Le Maroc a fait des choix qui ne sont pas contextuels ou par rapport à une situation donnée mais des choix irréversibles de respect des droits de l’Homme, de démocratie, de meilleure répartition des richesses et de bonne gouvernance. C’est ce qui fait que nous avons gagné plusieurs batailles, que nous continuerons à gagner et que nous gagnerons l’échéance d’avril 2015 qui n’est qu’une échéance de plus par rapport  aux  échéances passées.

Pour quand prévoyez-vous l’application de cette autonomie ?

Vous savez, le plan d’autonomie est une proposition marocaine qui est reconnue comme crédible et sérieuse par l’ensemble de  la communauté internationale. Bien sûr, sa mise en place demande un certain nombre de préparations sur le plan national, mais également au niveau international. Nous savons que la nouvelle Constitution a été votée en 2011 et que nous sommes aujourd’hui dans l’application de cette nouvelle Constitution et que la régionalisation avancée serait une première  étape vers la mise en place de l’autonomie dans les provinces du Sud.  

Le ministre des Affaires étrangères aurait déclaré que l’année 2015 serait celle de la confrontation avec l’Algérie. De quel genre de confrontation s’agirait-il ?

Le ministre a également déclaré au Parlement que depuis qu’il est nommé dans ses nouvelles fonctions, il ne voit jamais le Polisario mais l’Algérie qui est partie prenante dans la question du Sahara. C’est un fait qui n’a pas besoin d’être prouvé et forcément, il faut qu’on amène l’Algérie à reconnaître le rôle qu’elle joue dans cette affaire et les manœuvres dont elle use tous les jours. Nous savons, aujourd’hui, qu’il y a  des provocations, qu’il y a des échéances. On voit qu’il y a une stratégie derrière pour contrecarrer  le Maroc dans l’affaire du Sahara. En effet, le langage du Maroc est de plus en plus franc et sincère pour identifier les parties prenantes, les problèmes et pour reconnaître aussi  des choses en interne. Ce qui se passe en interne peut s’améliorer et c’est ce que nous faisons régulièrement.

Qui, à votre avis, peut être derrière les fuites propagées par le pseudo Chris Coleman via Internet ?

C‘est encore une provocation de plus contre la diplomatie marocaine. Plus on avance, plus on réalise des succès et plus on suscite des provocations et de la jalousie. Donc, je ne veux pas revenir là-dessus, puisque l’opinion publique s’est rendu compte qu’il s’agit de manipulation. Il y a certes du vrai mais il y a aussi et surtout beaucoup  de faux documents et de manipulation de ces faux documents. L’opinion publique s’est également rendu compte que nous avons des ennemis et que ce n’est pas pour autant qu’il faut s’arrêter du fait de leur existence. Il faut les combattre et de la manière la plus intelligente. Mais il faut surtout continuer à travailler.

Les relations avec la Mauritanie ont traversé des zones de turbulences, ces dernières années. A peine commençait-on à espérer un réchauffement de ces relations que le Maroc accorde l’asile à un opposant, pour ne pas dire à l’ennemi personnel du président Aziz. Cela ne risque-t-il pas de remettre en cause ce semblant de réchauffement ?

Il faut savoir une chose, la Mauritanie est un pays frère avec lequel nous partageons beaucoup de choses. Ce qui ne date pas d’aujourd’hui. C’est toute une histoire commune  que nous partageons avec la Mauritanie. Par conséquent, le Maroc et la Mauritanie  sont liés tout comme leur destin l’est également. On ne peut pas parler de tension ou de relations refroidies entre les deux pays. Nous avons d’excellentes relations, sur le plan politique avec la Mauritanie. Il n’y a aucun signe de tension, au niveau gouvernemental. Bien au contraire, nous avons de très bonnes relations sur le plan de la coopération. Je dois le reconnaître et dois remercier le peuple et le gouvernement mauritaniens pour la considération et l’estime qu’ils ont pour le Maroc et aussi pour leur coopération dans plusieurs domaines que nous traitons ensemble. Le Maroc est une terre d’accueil et on ne fait pas de calcul politique pour accueillir qui on veut. Le Maroc a toujours accueilli beaucoup de gens politisés ou non et cela n’a jamais posé de problème avec les pays amis et quand il y a un problème, on se le communique et  on le résout. C’est pour vous dire qu’avec la Mauritanie, il n’y a aucun problème. Les mois, voire les semaines à venir vous le prouveront.

Du fait de votre appartenance à cette région, on ne peut pas conclure sans aborder le drame de Guelmim et sa région dont les populations sont encore sous le choc et déplorent de nombreuses victimes. A qui incombe la responsabilité de cette  situation, selon vous ? 

Ce qui s’est passé à Guelmim et qui a surpris tout le monde est  malheureusement dramatique. Les inondations étaient dévastatrices, provoquant la perte de plusieurs personnes là-bas. Il faut se poser la question : pourquoi c’est arrivé ? Il faut trouver des solutions. En effet, c’est arrivé d’abord du fait de la faiblesse des infrastructures à Guelmim. On le savait depuis longtemps. Peut-être n’a-t-on pas fait attention. On ne savait pas qu’un jour on allait avoir des pluies de ce genre. Il est important de revoir les infrastructures de Guelmim et les consolider. Il est important de relier Guelmim à l’ensemble du Royaume, de manière beaucoup plus fluide. Il est, aussi, important d’investir dans cette région qui est, malheureusement, l’une des plus pauvres et des plus marginalisées du Maroc. Mais il est surtout important d’instaurer une bonne gouvernance locale. C’est dommage quand on voit les calculs politiciens qui se font sur place. C’est triste quand on voit que chacun tire de son côté pour essayer d’exploiter ces drames. Or c’est une responsabilité commune. Il ne faut pas se le cacher. Chacun doit assumer ses responsabilités. Il y a eu de la mauvaise gestion, il y a eu  un manque de transparence et de stratégie claire, surtout d’une stratégie à long terme pour la structuration de la région de Guelmim qui est un pôle régional très important sur le plan politique et économique   auquel il faut donner la place qu’il mérite.
J’espère que ce triste épisode ne se répètera plus et qu’il doit surtout servir de leçon à tout le monde. 

Les partis d’opposition à pied d’œuvre

Les quatre partis de l’opposition parlementaire ont décidé, au début du mois en cours, de mener une  «Initiative nationale pour la mise en œuvre de l’autonomie des provinces sahariennes ». Les leaders de l’Union socialiste  des forces populaires,  l’Istiqlal, le Parti authenticité et modernité et l’Union constitutionnelle  ont décliné les grands axes d’un programme de mobilisation nationale qui va  s’étaler sur l’année 2015. 
Des actions concrètes seront organisées tant au niveau national qu’international.  L’heure est à la mobilisation. Elle est aussi à l’offensive. 
Au niveau international, les partis de l’opposition parlementaire vont aller à la rencontre d’instances telles que les Nations unies, le Parlement européen ou encore l’Union européenne.  
 Les cénacles politiques internationaux seront également mis à profit. De l’Internationale socialiste à l’Internationale libérale en passant par les milieux politiques latino-américains, l’USFP, l’Istiqlal, le PAM et l’UC ont bien l’intention d’y prêcher la bonne parole.
Concernant le front intérieur, la première action  inscrite dans le cadre de cette initiative de l’opposition, l’organisation d’une conférence nationale sur la question du Sahara et la mise en œuvre de l’autonomie. C’est le Parlement qui accueillera la rencontre à laquelle participeront toutes les forces vives du pays : parlementaires, syndicats, associations, partis, etc. Un document politique  dédié au dossier du Sahara, ses développements et  son autonomie  dans le cadre de la régionalisation va également être élaboré : plus que jamais, il s’agit de parler d’une même voix et de s’appuyer sur un référentiel identique. 
Autres rencontres programmées sous forme de « be to be », celles des leaders des quatre partis avec les ambassadeurs accrédités à Rabat et plus particulièrement ceux dont les gouvernements ne soutiennent pas la proposition marocaine  d’autonomie élargie. 


Biographie

M’Barka Bouaïda, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, depuis le 10 octobre 2013, est née en 1975 à Lakssabi près de Guelmim.
Elle est titulaire d’un MBA de Hull University (Angleterre), d’un Master en communication de l’Université de Toulouse et d’un diplôme de l’Ecole supérieure de gestion de Casablanca.
Mme Bouaida a été élue en 2007 pour la première fois à la Chambre des représentants. Elle avait coprésidé la commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne depuis sa création en mai 2010, avant de présider, en 2010, la commission des Affaires étrangères, de la Défense nationale et des Affaires islamiques à la Chambre des représentants. Durant la période 2008-2009, elle a occupé les postes de vice-présidente de la commission des Finances et des Affaires économiques et de rapporteur de la même commission pour le projet de loi de Finances 2009. 
En juin 2009, elle a été élue membre du Conseil de la ville du Grand Casablanca. Sur le plan international, Mme Bouaida a été nommée “Young Global Leader” du World Economic Forum 2012. Elle est, depuis septembre 2011, vice-présidente du Forum parlementaire international pour la démocratie. Elle est aussi membre du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe, de l’Alliance des civilisations des Nations unies et de “Munich Young Leaders” de la Conférence internationale de Munich sur la sécurité.


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