​Le modèle rwandais en question


Par Alan Akakpo
Mercredi 25 Mars 2015

​Le modèle rwandais en question
De l’image du génocide à celle du Rwanda que nous connaissons aujourd’hui, il y a eu un travail admirable qui s’est effectué. Bien que 40% des rwandais vivent en dessous du seuil de pauvreté et que le pays est confronté à un sérieux problème de surpopulation, il enregistre cependant ces dernières années, des taux de croissance remarquables de l’ordre de 7 à 8% et connait une ruée impressionnante vers ses universités qui est passée de 3.000 avant le génocide à 80.000 étudiants de nos jours. Le Rwanda aujourd’hui, c’est aussi une vision économique et politique claire et des actions efficaces effectuées dans une dynamique sociale et holistique qui prend une forme que la communauté Africaine lui envie de plus en plus.

Apprendre du passé
et s’ouvrir au monde 
des affaires

L’une des pages notoires qu’écrit actuellement le pays se trouve être l’impressionnante décision de tourner la page française de son histoire pour en ouvrir une nouvelle tournée vers la renaissance socioculturelle et politico-économique à travers une langue officielle totalement différente : celle de Shakespeare.
Le Français fut introduit en tant que langue officielle par la Belgique en 1890. Deux ans après la fin du génocide au Rwanda, le Front Patriotique Rwandais prit le pouvoir et déclara l’anglais comme langue officielle avec  le kinyarwanda et le français. Ainsi, entre 1996 et 2008, les écoliers de cours moyens et ceux du secondaire étaient supposés être en mesure d’utiliser l’anglais ou le français comme langue d’instruction et utiliser le kinyarwanda et les autres langues comme matières. Les étudiants de niveau universitaire étaient supposés étudier en anglais aussi bien qu’en français. En 2009, une réforme considérée soudaine par la plupart des observateurs, fut adoptée sous le leadership du président Paul Kagamé. Cette réforme prôna que l’instruction dans les écoles serait dorénavant faite exclusivement en langue anglaise. Toute autre langue enseignée devenait donc une matière comme les autres.
L’anglais est considérée aujourd’hui comme la langue du progrès, celle des affaires, de la technologie mais surtout celle qui est perçue par les rwandais comme étant la langue qui leur permet de se départir du colonialisme de la Belgique et de la France ; celle qui leur permet de faciliter le négoce avec l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda, le Burundi, le Kenya mais aussi les Etats-Unis et la Grande Bretagne. En réalité, le Rwanda a souvent accusé ses anciens colons d’avoir participé au génocide entre les Tutsi et les Hutus qui a emporté plus de 800.000 rwandais en 1994.
L’adoption de l’anglais leur permet de reconstruire une identité politique et culturelle qui élude l’ethnicité et transcende les valeurs d’unité nationale. La ferme résolution du président Rwandais à atteindre cet objectif fut clairement démontrée lorsqu’il répondit à des accusations de terrorisme, de part sa présumée implication dans l’abattement de l’avion de l’ancien président Habyarimana, en fermant le centre culturel français, l’ambassade de France et en enlevant la Radio France Internationale (RFI) des ondes Rwandaises.
Grâce à la ferme volonté politique et l’efficacité des systèmes supports mis en place, le Rwanda se trouve aujourd’hui classé deuxième en terme de facilité de faire des affaires sur le continent après les îles Maurices; Transparency International considère le pays comme le moins corrompu de sa région (49ème  mondialement).

Langue et développement
L’une des pages notoires qu’écrit actuellement le Rwanda se trouve donc être l’impressionnante décision de tourner la page française de son histoire pour en ouvrir une nouvelle tournée vers la renaissance socioculturelle et politico-économique à travers l’adoption de l’anglais en plus de la langue nationale qu’est le Kinyarwanda. Bien que le one-size-fits-all soit de moins en moins réaliste à l’heure actuelle, il y des leçons qui peuvent être tirées du modèle rwandais.
Par la promotion du Kinyarwanda qui est une langue découlant du kiswahili, le Rwanda se positionne clairement comme un Etat qui promeut son identité nationale. Cette langue nationale permet également de rendre moins pénible l’alphabétisation des couches sociales analphabètes qui, en tant qu’agents économiques s’évertuent à améliorer leur niveau d’instruction et ainsi faciliter leur intégration dans un siècle dominé par les nouvelles technologies d’information et de communication, ne serait-ce que par la maîtrise de la langue nationale dans laquelle ils savent déjà très bien articuler leurs idées. De 6% en 2006, Il est estimé aujourd’hui qu’environ 60% des rwandais ont désormais accès aux téléphones portables et des efforts sont faits pour intégrer le Kinyarwanda dans la politique ICT mise en place à l’horizon 2020.
Le président américain Bill Clinton a certainement remporté les élections présidentielles en 1992 grâce à sa phrase culte ‘’It’s economics, stupid !’’. Pourtant, nombre d’observateurs de l’Afrique aujourd’hui s’accordent à dire que le développement du continent n’est pas forcément qu’une question d’économie. Les pays africains ne se développeront pas en réussissant des prouesses économiques mais en se transformant plutôt en entités politiques ayant des Etats fonctionnels. Le capital social et le capital humain auront un rôle essentiel à jouer dans un système où les Africains devront s’engager à contribuer effectivement au bien-être de leurs voisins.
Bien qu’il n’y ait aucun lien direct de causalité entre la langue d’instruction et le développement d’un pays, de nombreuses recherches suggèrent que l’apprentissage en langue maternelle au cours primaire pèse suffisamment lourd dans la balance en ce qui concerne le niveau d’instruction futur qu’une personne peut espérer atteindre. Une instruction réussie en retour peut contribuer à la réduction de la pauvreté lorsque les mesures et systèmes adéquats d’accompagnement sont mis en place. En adoptant le kinyarwanda comme langue nationale d’enseignement depuis le primaire entre 1996 et 2008, le Rwanda avait défié temporairement la règle selon laquelle l’Afrique est le seul continent au monde où la plupart des écoliers débutaient leur instruction dans une langue qu’ils ne comprennent pas bien et qui n’est pas la leur. L’héritage vernaculaire du Rwanda le place dans une position unique. En effet, le Kinyarwanda qui est la seule langue vernaculaire rwandaise, est parlé par environ 90% de la population.

 * Membre d’IMANI Francophone dont il coordonne les activités du programme béninois
Article publié en collaboration avec le think tank 
ghanéen IMANI


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