​Isao Takahata : Je ne suis pas dans une logique de militantisme à travers mon cinéma


Propos recueillis par Youssef Hannani
Jeudi 26 Mars 2015

​Isao Takahata : Je ne suis pas dans une logique de militantisme à travers mon cinéma
Près de cinquante ans après son premier long métrage, le célèbre cinéaste nippon âgé 
de 78 ans, Isao Takahata, est venu présenter son 
dernier-né, au Festival 
international du cinéma d’animation (FICAM), qui a pris fin hier, à Meknès. 
«Le Conte de la princesse 
Kaguya», adaptation très libre de l’un des plus anciens contes japonais, a ébloui 
les festivaliers par 
son intense beauté.
Auteur d’une dizaine de longs métrages animés, pour 
la plupart adaptés de romans, de contes ou de mangas, 
ce maître du cinéma 
d’animation a également 
dirigé une «Leçon de cinéma», où il a notamment abordé de nombreux aspects essentiels dans la création de son dernier film. Entretien. 


Libé: Peut-on dire que votre long métrage «La princesse de Kaguya» s’inscrit dans une logique de rendre justice dans ce monde?

Isao Takahata: Mon souhait est bien évidemment celui d’une plus grande justice sociale mais ce n’est tout de même pas ce que je souhaite mettre au cœur de mes films. C'est-à-dire que je ne suis pas dans une logique de revendication ou de militantisme à travers le cinéma. Mais si vous le percevez ainsi, cela ne me dérange pas, au contraire ça me réjouit. 
Tout au long de ma carrière, j’ai souvent travaillé sur des projets où les personnages principaux étaient des femmes, et c’est bien le cas dans  «La princesse de Kaguya». Pour moi, ce long métrage évoque cette «princesse» et, à travers elle, la place de la femme dans la société. J’espère, par ailleurs, que cela pourra avoir un écho chez vous, au Maroc. 

Comment est venue l’idée de réaliser ce film? 

Je ne peux, en effet, pas vous répondre d’une manière absolue. Il faut dire que l’idée de faire un film sur la Princesse de Kaguya remonte à plus d’un demi-siècle, depuis mon tout jeune âge.  C’est l’histoire de tous les Japonais et il  n’y a pas un seul d’entre eux qui ne la connaisse pas. Je me suis alors dit que je dois en rajouter quelques éléments pour mieux l’expliquer et la rendre accessible à un public plus large, en l’abordant à travers un nouvel angle et une nouvelle approche. 

Que pouvez-vous nous dire à propos de la forte présence des couleurs qui reflètent la joie de vivre dans un récit aussi sombre qui évoque la mort ?

Mon travail sur les couleurs s’inscrit dans une logique similaire à mon utilisation du tracé et du crayon. C’est-à-dire qu’il s’agit d’utiliser les couleurs de manière à ce qu’elles permettent de stimuler l’imagination du téléspectateur. Même quand il s’agit d’un récit sombre, comme vous dites.     

Comment se porte le cinéma d’animation japonais actuellement ? 

C’est une question très délicate. Ça peut vous paraître étrange, mais je suis, en effet, dans la profession du cinéma d’animation depuis très longtemps et  je n’ai pas d’échanges avec mes collègues. Je n’ai donc pas assez d’éléments pour vous répondre. Cela dit, il me semble qu’il y a aujourd’hui une certaine perte d’énergie dans le cinéma d’animation japonais.  

Repère

Dernier-né d'une famille de sept enfants, Isao Takahata étudie à l'Université de Tokyo où il obtient un diplôme en littérature française. Il intègre directement la société Tôei Dôga où il apprend la mise en scène avec des séries télévisées, dont un épisode de Ken, l'enfant loup en 1964. Il a, par ailleurs, eu la chance de faire partie de cette maison de production au moment où l'industrie du cinéma d’animation a commencé à émerger au Japon. 
Isao Takahata réalise son premier film pour le cinéma en 1968, “Horus, prince du Soleil”. Ce film est la première réalisation "indépendante" de l'histoire de l'animation japonaise. Takahata en assure la mise en scène, car il ne dessine pas lui-même, contrairement au célèbre Hayao Miyazaki. Il se contente d'esquisser le story-board. Suivent “Kié la petite peste” en 1981 et “Goshu le violoncelliste” en 1982. Ces deux films évoquent un sujet cher à Takahata et qui est récurrent dans toute son oeuvre : l'abandon, l'enfance orpheline. 
“Le Tombeau des lucioles”, en 1988, lui apporte la  consécration internationale, et marque une véritable avancée dans la qualité des longs métrages d'animation. En 1991, il réalise un film intimiste et naturaliste «Les souvenirs ne s'oublient jamais», puis  «Pompoko» (1994). En 1999 «Mes voisins les Yamada» connaît un beau succès à travers le monde. Et en 2003, il réalise «Les aventures de Petit Panda», sorti en Europe en juillet 2004.

Filmographie (Longs métrages)
• 1968 : Horus, prince du Soleil 
•  1972 : Panda Petit Panda 
• 1981 : Kié la petite peste 
• 1982 : Goshu le violoncelliste 
• 1987 : L'Histoire du canal de Yanagawa 
• 1988 : Le Tombeau des lucioles 
• 1991 : Omoide Poroporo - Souvenirs goutte à goutte 
• 1994 : Pompoko 
• 1999 : Mes voisins les Yamada 
• 2014 : Le Conte de la princesse Kaguya  


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