​François Sarano, un plongeur-chercheur sous le charme des cachalots


Lundi 16 Janvier 2017

​François Sarano, un plongeur-chercheur sous le charme des cachalots
François Sarano a hâte de replonger avec Roméo, Germine, Vanessa, Delphine et surtout Eliot, son préféré: deux fois par an, l'ex-collaborateur de Cousteau retrouve à l'Ile Maurice des cachalots qui lui offrent "des rencontres bouleversantes" et dont il tente de décrypter le langage.
"Ils voient mal mais ont des systèmes de perception incroyables, ils nous reconnaissent", assure l'océanographe, dont le port d'attache reste une maison familiale dans la Drôme, dans le sud-est de la France.
C'est son ami et grand spécialiste de l'image sous-marine René Heuzé qui l'a emmené pour la première fois en 2013 dans ce coin de l'océan Indien.
Normalement, leur collaboration à des documentaires finance les expéditions scientifiques. Mais cette année, "on cherche encore à boucler le budget", confie François Sarano qui n'a jamais cessé d'observer le monde marin à travers son masque. Pas seulement depuis un bateau ou un laboratoire.
Quoi qu'il arrive, l'homme a déjà son billet d'avion pour Port-Louis en poche. Pour rien au monde, il ne manquerait ces retrouvailles avec ces mastodontes de plusieurs dizaines de tonnes qu'il trouve "délicats". "Ils passent beaucoup de temps à se câliner", glisse-t-il.
"Ces animaux magnifiques, puissants nous offrent des rencontres bouleversantes qui montrent que sauvage ne veut pas dire agressif, mais libre et indompté", poursuit le scientifique, également conférencier et conseiller sur des tournages.
S'il a plongé dans toutes les mers du monde depuis plus de 40 ans, ce sexagénaire longiligne et jovial dit avoir trouvé auprès de ces baleines à dents et à la tête en forme de parallélépipède "quelque chose de différent".
"Sous l'eau, les relations avec les animaux sont faibles, ils vous acceptent sans plus" mais les cachalots "développent une curiosité stupéfiante à l'égard des hommes".
Au fil des ans, au large de l'Ile Maurice, le chercheur a pu en identifier une cinquantaine, répartis dans plusieurs groupes, et suit en particulier un clan de 14 cachalots. Taille, sexe, forme de la queue, cicatrices, taches, bosses: photos à l'appui, tout est répertorié dans son ordinateur et lui permet de les reconnaître.
"Agatha, Arthur, miss Tautou, Roméo n'étaient pas là au début des vidéos" qui remontent à 2011, s'exclame le scientifique.
Il a un chouchou: Eliot, "plus curieux, plus entrepreneur, plus attentif à notre présence". Un jour, ce cachalot a même "dansé" avec lui, raconte François Sarano: "je me tournais sur le dos, il faisait de même, sur le ventre, idem, et cela a duré plusieurs minutes", se souvient-il, l'oeil brillant. Un peu comme ce qui est possible avec des dauphins.
Mieux: l'enregistrement sonore montre que l'animal a émis des "codas", des bruits ressemblant à des séries de claquements de langue, "normalement réservés à la communication entre cachalots", souligne-t-il.
Le chercheur ne sait pas ce que le cétacé a voulu dire, mais cela a alimenté sa soif d'analyser des centaines d'heures de bandes sonores pour tenter - un jour - d'associer des codas avec des comportements. "On en est loin", reconnaît-il.
Peu importe. Au moins, aujourd'hui, les cachalots ne sont plus chassés par l'Homme et François Sarano pourra continuer à venir les voir.
Un moratoire a mis fin au massacre dans les années 80. "Environ 30.000 par an étaient tués dans les années 60 et 70", rappelle le scientifique. Le spermaceti, une substance située dans leur tête, était alors utilisée dans différentes industries, dont les cosmétiques.
D'une voix douce, il ajoute: "Ils ont oublié ce que nous leur avons infligé et reviennent à notre rencontre".
Ce n'est pas comme les requins, qu'il défend depuis des années avec son Association Longitude 181.
"Les résultats sont faibles, notre société ne regarde le monde que comme un puits de ressources", se désole ce pourfendeur de la surpêche. Son désir: "Réconcilier l'homme et la vie sauvage dont nous avons besoin".
Il insiste: "Nos outils modernes nourrissent le cerveau, l'intellect, c'est bien, mais ce sont la nature, le monde sauvage qui nourrissent l'âme et le coeur".


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