​Ehtimad Bensalah-Raissouni Haddad : L’entrepreneuriat féminin devra marcher sur ses pieds


Propos recueillis par Mohamed Fadili
Samedi 15 Novembre 2014

​Ehtimad Bensalah-Raissouni Haddad : L’entrepreneuriat féminin devra marcher sur ses pieds
Elle s’active, la femme 
marocaine! Elle fait 
sauter les barrières l’une après l’autre et ne recule devant rien. Elle est décidée 
à investir tous les domaines. Plus rien ne lui échappe 
et plus rien ne sera 
le monopole exclusif de l’homme malgré le poids encore pesant d’une société traditionnelle. Après la 
politique, le social et le 
culturel, nos femmes font 
désormais parler d’elles dans le business. Mme Ehtimad Bensaleh-Raissouni Haddad, vice-présidente d’une 
association fraîchement constituée mais déjà 
opérationnelle, nous 
parle de ce nouveau 
défi que la femme 
marocaine 
est décidée à relever.

Mohamed Fadili : Parlez-nous d’abord de X-lance et de ses objectifs ?

Mme Bensaleh : X-Lance est une association professionnelle à but non lucratif née le 23 avril 2014, dont l’objet est la promotion de l’intervention des consultantes et leur accès au marché ainsi que la valorisation des différents métiers de la consultance dans les domaines économiques et sociaux mais aussi au niveau des questions à caractère sociétal et culturel.

Pourquoi une association de femmes ?

Je m’attendais bien à cette question.  D’abord pour un aspect économique : le marché de la consultance est difficile, surtout en période de crise alors que la logique voudrait que le recours à une assistance externe pour conduire le changement ou mieux gérer la crise devienne une nécessité pour les organisations. Donc, devant l’exiguïté du marché, ce ne sont certainement pas les femmes qui sont les plus favorisées : ce qui nous amène à l’aspect culturel. Le rôle économique de la femme est de plus en plus admis, toléré, parfois même encouragé. Or,  l’égalité entre les sexes pour l’accès à l’emploi, ou dans l’entrepreneuriat est encore très en retard ; en témoigne, entre autres, le dernier constat du World Economic Forum. Il y a forcément un maillon manquant entre les politiques affichées par le Maroc et leur implémentation. Notre conviction à X-Lance est que ce gap doit être comblé par l’action de la société civile, pour être l’interface entre ces politiques et « le terrain », que ce soit l’entreprise, les individus, les collectivités …

Mais concrètement, comment X-Lance  compte–t-elle contribuer à combler ce gap ? 

Vous avez utilisé l’adverbe qu’il faut, concrètement. Nous avons élaboré, sous la direction de notre présidente, Mme Manar Talhi, une approche empirique pour mettre en place nos plans d’action en fonction de domaines d’intérêt identifiés eu égard à leur acuité dans les décisions à caractère économique, social ou sociétal. Nous avons identifié déjà trois  domaines prioritaires et nous lancerons dès le mois de décembre, une série d’activités pour les faire connaître et faire adhérer les intervenants des différentes sphères à notre démarche. Dans le même esprit, nous avons initié, en parallèle, un réseau d’associations régionales de femmes entrepreneures, en nous basant sur l’expérience réussie de l’Association « EntrElles Sous-Massa-Drâa ». En effet, avec nos consœurs du Sud et leur présidente, mon amie Meriem El Ouafi, nous avons décidé de dupliquer l’expérience. X-Lance a ainsi élaboré une « boîte à outils » pour la création des associations régionales  de femmes entrepreneures sous la dénomination « EntrElles ». Trois nouvelles associations  ont été créées depuis et sont opérationnelles, à Rabat, Casablanca et El Jadida. Quatre autres sont en cours de création dans d’autres régions.

Pourquoi avez-vous opté pour des associations régionales ?

La proximité est le mot clé. Une association nationale qui centralise la décision, les financements et « télécommande » le fonctionnement des structures régionales finit par infantiliser les représentations locales et créer des frustrations. Je paraphrase la présidente d’X-Lance qui matraque, « l’entrepreneuriat féminin doit marcher sur ses pieds, il faut toucher toutes les catégories d’entrepreneuriat féminin, en plus des SA et SARL. Il faut aller vers les coopératives, les auto-entrepreneures et aider celles qui travaillent dans l’informel à passer aux secteurs formels ». 
Démarche qui ne peut réussir que dans la proximité et l’écoute des véritables besoins de ces femmes entrepreneures. D’ailleurs, nous nous inscrivons pleinement dans la dynamique de la régionalisation avancée préconisée  dans les choix politiques de notre pays.
En effet, les réformes renforçant la décentralisation, le développement des territoires, vers la régionalisation avancée et son portage par les collectivités locales concernées, rendent plus que légitime l’existence de structures associatives et représentatives de la société civile, telles les « EntrElles entrepreneures régions du Maroc », qui de surcroît valorisent et mobilisent, dans la durabilité, les ressources humaines, naturelles et /ou financières de ces régions et territoires.

Quel est votre apport à ces associations ?

En fait, dans notre démarche RSO (Responsabilité sociale des Ong) de l’Association des consultantes X-Lance, par rapport à nos consœurs dans les régions et les localités, enclaves des EntrElles entrepreneures, nous obéissons à deux exigences majeures et qui sont préconisées dans le processus de coaching territorial, dont je suis une fervente adepte et pratiquante (car je suis moi-même coach territorial) et sont principalement :
- La nécessité d’identifier les potentialités d’un territoire, de comprendre les relations entre les acteurs, les forces vives…, reconnaître les obstacles à leur mobilisation et les leviers sur lesquels agir pour valoriser les potentiels de ces territoires…..On est au cœur de l’humain ;
- L’importance du facteur humain décisif dans le processus de changement et de pérennité de projets de développement…Diverses expériences ont prouvé que ce sont les comportements et les attitudes qui sont à la base des plus grandes réussites…comme elles sont à l’origine des plus grandes résistances au changement, lesquelles provoquent le sabotage et l’échec de la durabilité de ces processus.
Nous souhaitons donc organiser notre support et accompagnement d’X-Lance aux « EntrElles entrepreuneures régions du Maroc », via le dialogue participatif, la mise en synergie des divers acteurs locaux identifiés dans leurs territoires respectifs, ainsi que via le Réseau des EntrElles, de créer un espace collaboratif, complémentaire et mutualisable. Cette mutualisation  se vérifie parfaitement dans les propositions identifiées et exprimées par les régions et les territoires via des plans d’action engageants, ainsi que la mise en place d’assistance technique durable et respectueuse de la totale autonomie et l’appropriation par ces actrices (acteurs) territoriales de leurs ressources, favorisant l’éclosion de leurs talents, compétences et par conséquent, la performance durable…

 Madame Bensalah, parlez-nous un peu de vous, Maman de trois enfants, plusieurs diplômes dans votre escarcelle et membre dirigeante de plusieurs associations professionnelles et culturelles. Comment parvenez-vous à réussir sur tous ces fronts à la fois ?

 J’ai dû être très créative pour ne pas tomber dans la déprime, l’inaction et la médiocrité de l’inertie. Cette créativité me viendrait, peut-être, du fait que j’ai eu la chance d’apprendre,  de m’exercer à des pratiques relevant des arts et de pratiques culturelles tolérantes et ouvertes.
J’ai pratiqué des années durant du théâtre et je me suis spécialisée en production/réalisation en journalisme audiovisuel. Par la suite, j’ai évolué naturellement vers la médiation culturelle et artistique (notamment dans les domaines des arts du spectacle, art pictural contemporain et métiers du livre et de l’Edition)…trouver des terrains d’entente, manager, fédérer, négocier pour promouvoir, construire et pérenniser par l’opérationnalité et le développement… C’est le cœur même de mon métier d’expertise….que je mets au service, de façon consciente, de la collectivité et de mes contemporains.
J’ai grandi, en plus, dans l’idée d’accepter la diversité et d’être tolérante avec les différences des autres… C’est toujours plus motivant (intellectuellement parlant) de connaître d’autres choses, d’autres contrées, d’autres personnes. Mais non sans se connaître soi-même, et les valeurs, principes qui nous motivent et structurent.  J’ai toujours remarqué que les Marocaines et les Marocains, toutes régions confondues, mésestimaient les trésors contenus en eux et chez eux. Qu’il fallait souvent de tierces personnes pour nous le faire comprendre. Là, on se confronte à la bonne foi ou à la malveillance, que peuvent avoir ces tiers par rapport à l’exploitation et ou à la  manipulation de ces trésors et richesses dont nous disposons et que pour la plupart du temps, nous sommes inconscients de leur existence…encore faudrait-il que nous en offrons avec  générosité à autrui !
Pour ce qui est donc de ma démarche dans la sphère privée, elle trouve le même écho dans la sphère publique et collective… Je reste en absolue congruence avec les diverses dimensions de la vie. Toutes mes relations sont basées sur les négociations et conciliations, le respect  et  la reconnaissance à l’Autre et aux autres de talents, compétences et aptitudes à la performance. Je le fais autant avec mes enfants, ainsi qu’avec mes partenaires dans l’entreprise (je suis une adepte des économies alternatives, sociales et solidaires)…aussi bien et enfin avec mes partenaires dans l’associatif. 


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