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​Au Népal, la pauvreté renvoie des ouvriers agricoles à l'esclavage


Vendredi 27 Mars 2015

​Au Népal, la pauvreté renvoie des ouvriers agricoles à l'esclavage
Quand le gouvernement népalais a aboli le travail forcé en 2008 et promis d'indemniser les victimes, Hiralal Pariyar a quitté son maître, propriétaire terrien, et retrouvé la liberté.
Mais l'indemnisation n'est jamais venue et sans toit ni argent, cet ouvrier agricole a dû se résoudre à se remettre au service de celui pour qui il travaillait.
"Rien n'a changé en six ans. Depuis ma naissance, je suis aux mains de mon propriétaire", dit cet homme de 38 ans.
Plus de six ans après son abolition, le travail forcé reste répandu au Népal, où les paysans sans-terre connus sous le nom d'"haliyas" (laboureurs) sont nés esclaves et sont restés de génération en génération sous le joug de propriétaires terriens.
La décision du gouvernement conduit par d'anciens rebelles maoïstes de libérer ces travailleurs forcés, en septembre 2008, quelques mois après la fin de la monarchie vieille de 240 ans, avait suscité de grands espoirs.
Les maoïstes avaient promis de mettre fin à des siècles d'inégalité et de rédiger une Constitution pour transformer un pays où un quart de sa population vit avec moins d'un dollar par jour.
Mais le texte fondateur de la république n'a toujours pas vu le jour, suscitant la frustration de millions de Népalais, dont les haliyas. L'indemnisation qui leur était promise et la réforme du programme d'acquisition des terres ne se sont pas non plus concrétisées.
Conséquence: la condition de ces ouvriers agricoles pourtant "libérés" n'a pas changé, ils dépendent toujours de leur propriétaire.
Les mains calleuses et les douleurs chroniques de dos de Hiralal Pariyar témoignent d'une vie passée à tirer la charrue. Descendant d'une famille de journaliers forcés depuis six générations, il a commencé à travailler à 13 ans, 15 heures par jour en échange d'un toit et de nourriture. 
"Nous sommes comme une propriété dont héritent les propriétaires, mon grand-père a travaillé pour eux, puis mon père et maintenant moi", dit-il.
Pendant toutes ces années, peu de choses ont changé dans son village, Thehe, perché sur une crête dans l'Himalaya et habité par des haliyas cantonnés dans des logements sans eau ni électricité.
Comme Hiralal Pariyar, la plupart d'entre eux appartiennent à la caste hindoue des dalits (intouchables) et ont interdiction de travailler dans des bâtiments, d'entrer dans des temples ou même de boire l'eau des robinets utilisés par les autres villageois et leurs animaux.
Et les liens entre les travailleurs et leurs propriétaires sont ténus.
"Ils nous considèrent comme des intouchables, n'ont pas de contact avec nous et se préoccupent seulement de savoir si nous venons travailler", dit Nani Biswokarma, une haliya de 23 ans travaillant à Baraunsi (nord-ouest).
Cette mère de deux enfants s'inquiète jour et nuit pour leur avenir. "Nous n'avons pas d'argent ni de terre, rien, et nous ne pouvons les éduquer", dit-elle. "Je veux qu'ils aient une vie meilleure mais je ne vois pas comment."
Parbat Sunar, lui, est l'un des rares haliyas à avoir pu aller à l'école grâce à un accord de sa famille avec son propriétaire. Mais en classe, il devait s'asseoir par terre et non sur les bancs avec les autres élèves.
"Je me sentais blessé et je me demandais pourquoi nous étions par terre", se rappelle cet homme de 28 ans, qui dirige une ONG de défense des droits des haliyas.
"Les lois de ce pays ne sont écrites que pour les castes les plus hautes. Toutes les terres leur appartiennent. Les haliyas ne peuvent qu'accepter leurs conditions pour survivre", déplore-t-il.
Haut fonctionnaire chargé de l'aide à l'installation des haliyas, Laxman Kumar Hamal rend l'absence de fonds responsable de cet immobilisme.
"Cela prend des années. Nous essayons de les reloger mais nous avons des contraintes budgétaires et ne pouvons acheter de terres pour tous d'un seul coup", dit-il à l'AFP. "Nous espérons être en mesure d'en réinstaller plus dans les prochains mois."


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