​Aimer le Maroc, c’est aussi aimer son peuple

Réponse à Mustapha Ramid sur le rôle des associations des droits humains


Par Mohamed Bentahar
Vendredi 24 Octobre 2014

​Aimer le Maroc, c’est aussi aimer son peuple
Le ministre de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid a déclaré que  les cas d’associations et d’organisations des droits de l'Homme interdites d’organiser des activités sont peu nombreux et limités, appelant ces dernières à revoir le fonctionnement et l’orienter vers le service de la  patrie.
Monsieur Ramid, aimer son pays ne requiert aucune justification.
Peut-on demander à quelqu’un la raison de l’amour qu’il porte à sa mère ? Un pays, c’est une réalité politique, historique, géographique, démographique et culturelle. Cette alchimie constitue une substance charnelle et spirituelle – le corps et l’âme – où s’enracine une mystique. Cette mystique est toujours au-delà et en deçà du réel mais elle porte une promesse qui est l’énergie vitale du pays. Cette énergie se déploie par amour, sinon elle meurt. Pays de lente construction, pays de nos enracinements, de nos cultures multiples, de nos espérances et de nos rêves, le Maroc porte par excellence cette mystique qui nous mobilise. Tous les pays ne la portent pas de la même manière ni au même degré, certains cherchent encore la sève commune. 
Marocains, nous avons reçu cette sève, nous la faisons vivre et elle nous fait vivre. Je dirais que la patrie charnelle de nos martyrs est la permanence d’un Maroc qui veut vivre, et qui veut vivre comme Maroc de tous les Marocains. La vie convoque l’amour. Vivre le Maroc comme une âme, une poésie, une personne, une mère, jusqu’à la sertir au cœur de son âme amoureuse, voilà une belle charité. Mais n’oublions pas que la vocation de cette charité est de s’exercer – in fine – envers des hommes et des femmes.  Aimer le Maroc dépasse l’abstraction, ou alors elle devient idéologie, idolâtrie. Aimer le Maroc, c’est aussi aimer son peuple, ou plutôt aimer «les peuples du Maroc». Le Maroc se conjugue au singulier et au pluriel : un peuple et des peuples ; un pays et des pays ; une langue et des langues ; une culture et des cultures; une tradition et des traditions; un tempérament et des tempéraments. 
Le Maroc n’est pas une nation-ethnie. Son extraordinaire capacité d’acculturation l’atteste. 
Le Maroc porte en son écrin millénaire le trésor de l’universalité culturelle arabo-berbéro-musulmane. C’est le mystère particulier du Maroc, cette mystique qui le fait aimer par tous les continents, des frères et des amis qui attendent du Maroc qu’il soit lui-même, qui le chérissent et l’appellent, parfois avec angoisse, toujours avec tendresse. Avons-nous au cœur cet humble petit surplus d’orgueil marocain qui est comme l’aiguillon de notre responsabilité ? 
Y a-t-il un Marocain qui porte amoureusement en son cœur l’âme du pays et qui soit indifférent à ses tourments et démissions du moment ? Allons-nous reprendre conscience de ce que nous sommes ? Le monde respectera le Maroc, non pour le soumettre mais pour le servir, le protéger des prédations mais aussi de lui-même, adoucir ses mœurs les plus rudes, l’éclairer, l’éduquer, le faire grandir. En un mot l’aimer.
Monsieur Ramid, nos vœux de droits humains portés par nos associations de défense des droits humains partent de notre amour de ce pays. Nos vœux ne veulent pas d’un Maroc soumis, d’un Maroc où le citoyen sert d’applaudimètre, un Maroc où le citoyen est sujet. Nos vœux veulent faire de la modernité une auto-énonciation du citoyen qui abolit le sujet. Nos vœux veulent faire de la Constitution du «nous» communautaire l’aporie du jugement de soi-même et des autres. 
Nos vœux veulent porter ces mouvements contraires : devenir-citoyen du sujet et du devenir-sujet du citoyen. Le citoyen-sujet qui se constitue dans la revendication du «droit aux droits», ne peut exister sans un envers, qui le conteste et le défie. Il n’est pas seulement rapport social, mais mal-être  de ce rapport. Nos vœux veulent que l’humain ne puisse être institué qu’à la condition de se retrancher de soi-même, dans la forme des différences qui assignent normalité et identité comme conditions de l’appartenance. 
Nos vœux veulent que la violence de l’universalité civique-pouvoir soit plus grande, mais aussi moins légitime, que celle des universalités théologiques. 
Monsieur Ramid, le droit se fonde sur l’insoumission et l’émancipation tire sa puissance de l’altérité.  


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