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​A Rabat, les musiciens débarquent dans les rues


Libé
Dimanche 5 Février 2017

Ici bat le coeur de Rabat. Syndicalistes, manifestants et mécontents en tout genre battent le pavé quasi-quotidiennement sur le boulevard Mohammed V, grande artère du centre de la capitale du Royaume. Mais depuis quelques mois, de nouveaux venus y ont fait leur apparition: musiciens à cheveux longs et chanteurs de rues à la guitare sèche y poussent désormais la chansonnette, sous l'oeil ravi des promeneurs. Un phénomène nouveau et apparemment toléré par les autorités.
"Beaucoup de gens s'arrêtent pour nous écouter ou nous encourager. Certains font des selfies avec nous. Nous donnons de la joie aux gens", sourit Sayaf, la vingtaine, en grattant une guitare électroacoustique branchée à un ampli. Entre bâtiments administratifs et immeubles Art-déco, le jeune homme tient le micro, accompagné à la trompette par Tileman, un "babacool" allemand qui sillonne le monde avec son instrument.
"J'ai laissé tomber mes études pour me consacrer à la musique, et je joue quotidiennement dans la rue", raconte Sayaf, bottes en cuir et lunettes noires de rockstar. Dans son chapeau à même le sol, une poignée de dirhams. Des passants s'arrêtent un instant pour écouter quelques notes, parfois déposer une pièce.
"Cette ambiance, on la retrouvait surtout à Essaouira, ville hippie par excellence. Mais maintenant, elle se généralise aux principales villes du pays", se réjouit un passant, Adil, guide touristique quadragénaire. A une centaine de mètres de là, d'autres musiciens, danseurs de hip-hop et "artistes" improvisés se retrouvent sur une esplanade arborée en face du Parlement. Et il en va ainsi désormais tous les soirs.
Le phénomène, qui donne une forme de convivialité, date de trois ou quatre mois, selon les habitants de Rabat. Et chose nouvelle, la police, omniprésente dans le centre de la capitale, n'intervient quasiment pas. Ceci alors que la préfecture de Rabat a renforcé depuis janvier la lutte contre la mendicité, très ostensible, qui ternit l'image de la capitale. "Il y a une certaine tolérance vis-à-vis de ces musiciens. On voit ça à Casablanca aussi", observe Samira Kinani, une responsable locale de l'Association marocaine des droits de l'Homme.
Cela traduit-il une évolution dans la gestion de l'espace public par les autorités? "Je ne crois pas", répond Mme Kinani, rapporte l’AFP. "Car si ces musiciens chantaient des chansons contestataires ils seraient sans doute réprimés". Selon le rapport annuel de Human Rights Watch, les autorités ont toléré en 2016 "de nombreuses manifestations, tout en dispersant certaines, malgré leur caractère pacifique".
"Faute d'autorisation, les policiers nous demandent parfois de dégager", explique l'un de ces chanteurs de rue, Ayoub, qui, lui, vient jouer sur le pavé pour "surmonter le trac et gagner un peu d'argent". La loi marocaine assimile en effet tout artiste se produisant sur la voie publique à une manifestation soumise à autorisation. "Quand un artiste veut se produire dans l'espace public, il doit faire une demande comme s'il faisait une manifestation politique", explique Adel Essaadani, coordinateur général de Racine pour la culture.
C'est pour permettre aux artistes d'accéder librement à l'espace public, "constamment sous surveillance", que cette association marocaine a lancé en novembre une pétition nationale, dit-il. Le texte a recueilli à ce jour plus de 850 signatures. Comme le stipule la Constitution de 2011, il pourra être soumis aux autorités locales s'il en rassemble 5.000.
"L'idée est d'amener l'action culturelle au public", avec un "espace public, qui doit être ouvert aux artistes et à l'expression libre", ajoute-t-il. "Finalement, explique-t-il, on ne fait là que revenir à nos traditions, à la Halka", cette forme ancienne et populaire de spectacle de rue.


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