L’agglomération de Rabat-Salé-Témara

A la recherche d’une autorité organisatrice des transports et d’un plan de déplacements urbains


Ahmed Kcemeteni
Mercredi 31 Mars 2010

L’agglomération de Rabat-Salé-Témara
A écouter les divers intervenants au séminaire «Mobilité urbaine et planification» tenu en début du mois sous la houlette de la municipalité de Rabat, la capitale du Royaume est loin d’être en reste d’une prise en charge «sérieuse et énergique» en matière de transport et de déplacements.
La capitale bénéficie d’une action de coopération dans le domaine des déplacements urbains préparée entre 2002 et 2005 et engagée en 2007 sur la base d’un cofinancement France-Maroc-Lyon et ville de Rabat.
Les informations fournies dans le cadre d’une plaquette distribuée lors du séminaire, font état d’une coopération ayant pour objet « d’accompagner la mise en place du Plan de déplacements urbains de Rabat-Salé-Témara » et de « renforcer les savoir-faire et compétences de la métropole rbatie ». Les actions réalisées dans ce cadre depuis 2007 permettent aujourd’hui –selon les initiateurs- de constater des « avancées », en l’occurrence : « la construction d’une culture commune des déplacements entre les acteurs de l’agglomération », « l’accompagnement de Rabat dans la structuration de sa démarche partenariale pour la mise en place de son AOT (Autorité organisatrice de transport ), « la coordination des différents périmètres de compétence des acteurs » et enfin  « l’appui à l’organisation et au renforcement compétences professionnelles de la municipalité de Rabat ». En somme un budget d’environ 4,5 millions de DH pris en charge par la ville de Rabat, le Grand Lyon et la contribution du PAD-Maroc pour la réalisation d’ateliers à Rabat en juin 2007, d’ateliers à Lyon en novembre 2007 et novembre 2008, d’ateliers à Rabat en janvier 2008, enfin un séminaire et une mission d’études en juin-juillet 2008 destinés à appuyer et renforcer les compétences professionnelles de la municipalité de Rabat.
Parallèlement à la coopération France-Maroc-Grand Lyon et ville de Rabat, la capitale du Royaume a également bénéficié –grâce à la coopération espagnole- d’une étude du Bureau INECO portant sur l’organisation des déplacements. Comme rapporté par le document de présentation distribué lors du séminaire « Mobilité urbaine et planification » du 2 mars 2010, l’étude avait été structurée autour de trois objectifs fondamentaux :
• « l’analyse du fonctionnement des déplacements sous ses divers aspects (flux, modes, organisation institutionnelle, données économiques et financières) ;
• « la proposition d’un cadre stratégique d’organisation du système de déplacements en fonction des carences et des dynamiques socio-économiques et urbaines identifiées pour les années à venir » ;
• « la proposition des pistes d’amélioration concrètes et opérationnelles sur les déplacements en termes de projets de transports publics, de schémas de circulation, de politique et de projets sur le stationnement, le réaménagement de voirie, la gestion de trafic aux carrefours et la mise à niveau de la signalisation ».
Le rapport final de cette étude a été présenté aux autorités fin 2009. Il est tout à fait légitime aujourd’hui de poser un certain nombre d’interrogations autour de cette étude : Pourquoi a-t-elle été engagée en tant que telle ? Pourquoi ses initiateurs n’ont-ils pas pensé à greffer autour du financement espagnol, d’autres sources de financement pour développer une démarche « Plan de déplacements urbains » beaucoup plus utile qu’un simple « Schéma directeur du transport et de la circulation ? Quelles formes de validations a-t-elle reçues au fur et à mesure de sa réalisation ? Pourquoi n’a-t-elle pas été conduite en synergie avec la réflexion et les travaux menés par l’APUR (l’Atelier parisien de l’urbanisme) et le cabinet d’architecture et d’urbanisme Panerai et Associé dont les grandes lignes sont décrites ci-dessous? A quel stade de validation est-elle aujourd’hui et quelle entité en assume la responsabilité première? Quels projets concrets d’impacts positifs sur les déplacements au niveau de l’agglomération pourront en découler? .... En somme, beaucoup de questions méritant des réponses sérieuses à même de dédouaner les initiateurs d’une telle étude qui aujourd’hui a tout l’air d’avoir été réduite à un simple diagnostic des problèmes de déplacements dont le contenu est pour le moins très discutable!
Par ailleurs, l’APUR (l’Atelier parisien de l’urbanisme) en groupement avec le Cabinet d’architecture et d’urbanisme Panerai et Associé ont également été mis à contribution pour enrichir les orientations stratégiques du développement urbain de l’agglomération de Rabat.
Les résultats de cette contribution ont été présentés aux autorités à la fin de l’année 2009. Ils ont fait valoir une vision différente de celle retenue par le Bureau espagnol INECO, tendant à préconiser une forte articulation urbanisme/transports à travers des corridors de transport en commun à même de relier les centres et les sites stratégiques présents et futurs de l’agglomération. Cette vision en parfaite cohérence selon les responsables de l’AURS (Agence urbaine de Rabat-Salé), pourrait se concrétiser selon les responsables de l’AURS par un développement urbanistique en boucle autour de la vallée du Bouregreg avec une ouverture sur les zones périphériques (Tamesna, Ain Ouda et Shoul) et la mise en place d’une ligne de métro desservant les principaux pôles de la charpente urbanistique retenue.
Dans l’attente d’une telle cohérence d’ensemble entre développements urbains, densités et projets de transports, deux faits majeurs sont actuellement en cours de réalisation: l’insertion du tramway et la restructuration des transports par autobus, présentées comme “un renouveau des transports publics” au niveau de l’agglomération de Rabat.
Pour le tramway, l’Agence du Bouregreg s’engage sur des chiffres et des dates clés:
- A cours terme deux lignes en sites propres de 20 km et 180.000 passagers/jour.
- Livraison de la première rame en avril 2010.
- Livraison de la deuxième rame en mai 2010.
- Fin prévisionnelle des travaux en ligne (hors pont Moulay El Hassan) en juin 2010.
- A partir de juin 2010, livraison de trois rames par mois.
- 3ème trimestre 2010 début des essais et marche à blanc.
- 4ème trimestre 2010 mise en service.
Pour le transport par autobus, le nouveau délégataire “STAREO” promet un passage du “Bus plus.... au plus que du Bus” avec 40 lignes-80 km de sites propres à terme et 500.000 passagers par jour. La tranche prioritaire en sites propres par bus totalisera 11,7 km dont 6,8 km pour Rabat et 4,9 km pour Salé. La complémentarité bus-tramway sera assurée à travers des pôles de correspondance tant au niveau de Rabat que de Salé.
En guise de récapitulation, il est tout à fait clair et reconnu qu’au travers des initiatives et actions concrètes et très louables évoquées ci-dessus, le système de transport de l’agglomération de Rabat-Salé-Témara ne manquera certainement pas de faire l’objet d’une mutation qualitative profonde.
Il est tout à fait indiqué aujourd’hui bien plus qu’hier de prévenir les risques de dérapages possibles, pour faire en sorte que ladite mutation puisse se réaliser sur la base d’une démarche où la prise de décision ne soit pas l’apanage d’une “Technostructure” guidée par une rationalité limitée aux seuls enjeux qui lui sont propres.
En place et lieu de cette “Technostructure”, il convient de créer urgemment un contre-pouvoir basé sur des partenariats à même de doter l’agglomération d’un véritable Plan de déplacements urbains en tant que démarche née d’une volonté politique portée par une autorité organisatrice des déplacements.
Autorité ayant comme responsabilité première de fédérer un système d’acteurs cernant, à travers une action collective, l’ensemble des enjeux qui entourent la problématique des déplacements. Le process de décisions sera ainsi marqué par un consensus, véritablement négocié entre les acteurs du système de transport, en l’occurrence les communes, les exploitants des transports publics (transports collectifs urbains, taxis et accessoirement ONCF), les transporteurs de marchandises en ville, les services déconcentrés ou décentralisés des divers départements ministériels concernés, les associations de commerçants, de quartiers (en attendant l’émergence d’associations d’usagers des transports) etc …
La façon de faire aujourd’hui est totalement à l’antipode de cette vision. Le système d’acteurs est totalement dominé par la pensée unique de la « Technostructure ». Tous les acteurs du système de transport au niveau de l’agglomération sont pour l’heure marginalisés.
Les élus sont quelque peu pris en considération, mais simplement pour entériner des propositions élaborées finement par une « Technostructure » sous perfusion de bureaux d’études dont la sélection est faite bien jalousement en interne. C’est ainsi que les conseils communaux de Rabat et Salé ont respectivement approuvé en février 2007 et septembre 2008 un mandat donnant à l’Agence d’aménagement de la vallée de Bouregreg la pleine latitude de concevoir, réaliser et mettre en exploitation le tramway. A l’heure du projet de régionalisation élargie, cette pratique surannée suscite deux interrogations majeures :
Quand serions-nous capables de respecter les systèmes de règles et de normes que nous sécrétons démocratiquement ?
- Quand serions-nous capables, dans le même temps, de faire en sorte que la démocratie puisse bénéficier, au même titre que la Technostructure, des moyens qu’elle mérite ?


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