Yasmina Khadra se glisse dans la peau de Mouammar Kadhafi

Dans son nouveau roman «La Dernière nuit du Raïs», le célèbre écrivain algérien met en scène les dernières heures du dictateur libyen tué en 2011.


Mehdi Ouassat
Samedi 5 Septembre 2015

Un roman de Yasmina Khadra est toujours un événement, mais «La Dernière nuit du Raïs» l’est encore davantage. Un an après «Qu'attendent les singes», Yasmina Khadra attaque de front la rentrée littéraire avec un roman coup de poing dans la peau du colonel Khadhafi. «Une plongée vertigineuse dans la tête d'un tyran sanguinaire et mégalomane qui devrait permettre d'avoir une autre vision du défunt dictateur libyen», selon les mots de son éditeur Julliard.
Dans ce nouveau roman, Yasmina Khadra se met littéralement dans la peau de Kadhafi et raconte son histoire à la première personne du singulier. La règle des trois unités (temps, lieu, action) est parfaitement respectée. Son récit débute à Syrte, dans la nuit du 19 au 20 octobre, là même où le chef de l'État libyen a trouvé la mort. Ensuite, le roman se déroule par flash-back.
«J'étais Kadhafi», dit l'écrivain qui s'est effacé derrière son personnage. On lit les mots de Khadra, on entend la  voix de Kadhafi. «J'ai écrit «La Dernière nuit du Raïs» en état de transe», dit-il dans un entretien accordé à l’AFP.  L'écrivain raconte s'être jeté à corps perdu dans sa fiction, comme possédé par  son personnage. «J'ai été happé par mon récit», résume-t-il. Le roman se lit comme une tragédie classique.
Yasmina Khadra s'est, en effet, bien documenté sur Kadhafi mais l'essentiel du roman provient de sa seule  imagination. «C'est la magie de l'écrivain», qui dit ne s’être jamais rendu en Libye mais qui a croisé l'ex-dictateur une seule  fois, de façon protocolaire, alors qu’il était officier  supérieur de l'armée algérienne. Cependant, «j'avais peut-être une légitimité quelque part» pour traiter ce  sujet, concède-t-il. «Je suis un bédouin, je suis Maghrébin et je suis musulman  comme lui», explique l’auteur dans ledit entretien.
Il faut dire qu’un personnage aussi trouble que Mouammar Kadhafi, ne pouvait pas laisser Yasmina Khadra indifférent. Né dans le dénuement du désert, convaincu dès son plus jeune âge d'un destin légendaire, il est le seul parmi sa tribu bédouine à avoir suivi des études et être entré dans l'armée. «La Dernière nuit du Raïs» nous éclaire sur la face cachée d'un homme né sous le signe d'une injustice, qui voulut sauver son peuple, mais ne fit que se substituer à lui. Sans projet de société probant, le tyran privilégia la répression la plus brutale, conjuguant purges sanglantes et démagogie claironnante», explique le prière d'insérer.
Il est à rappeler que Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul est né en 1955 en Algérie et tient son nom d'emprunt des deux prénoms de son épouse. Envoyé par son père dans une école militaire à l'âge de 9 ans, il a passé trente-cinq ans dans l'armée avant de s'installer en France en 2001 et de se consacrer à la littérature.  Il a déjà publié une trentaine de romans dans une veine politique et sociale. L'écrivain algérien âgé de 60 ans est notamment l'auteur de la célèbre trilogie contenant «Les Hirondelles de Kaboul», «L'Attentat»  et  «Les Sirènes de Bagdad», vendue à des centaines de milliers d'exemplaires. Ses titres «Ce que le jour doit à la nuit» et «L'Attentat» ont été adaptés au cinéma. Il a également coécrit le scénario de «La voie de l'ennemi», dernier long métrage du réalisateur et producteur franco-algérien,  Rachid Bouchared.
Yasmina Khadra a, par ailleurs, essayé de briguer le poste d'Abdelaziz Bouteflika aux élections présidentielles algériennes de 2014 mais il n'a pas obtenu le nombre suffisant de parrainages. «Je pense qu'on m'a barré la route, mais c'était à moi de savoir contourner les obstacles. Par ailleurs, certains de mes comités de soutien étaient infiltrés», a-t-il affirmé au Journal du dimanche, qualifiant le régime algérien de «zombie et de mort-vivant aux abois».


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